Coller aux réalités du terrain. Cette exigence anime le texte de l’ordonnance publiée au « Journal officiel » du 4 janvier. Mesure emblématique de cet objectif, l’abandon des règles démographiques pour l’installation des officines dans les aéroports. Le sujet avait fait couler beaucoup d’encre lors les négociations entre le gouvernement et les syndicats qui avaient abouti aux six versions successives du texte prévu par la loi de modernisation du système de santé du 1er janvier 2016 !
Les syndicats redoutaient en effet le retour de la voie dérogatoire. Le gouvernement a tranché. Il retient un critère inédit : une officine pourra être créée dans un aéroport à la seule condition que celui-ci accueille 3 millions de passagers par an. Une seconde officine pourra être ouverte une fois franchi le seuil des 20 millions de passagers supplémentaires. Mais attention, ces pharmacies devront assurer les services de garde pendant la durée de l’ouverture de l’aéroport.
Le texte écorne également le principe de l’exercice mono-site. En effet, lorsqu’une ou plusieurs officines sont implantées au sein d’un aéroport dans la zone côté piste ou dans la zone côté ville, « une annexe sera autorisée pour la zone dans laquelle l’officine n’est pas implantée ». Cette nouvelle disposition traduit le souci des pouvoirs publics de prendre en considération « l’évolution des modes de vie et de consommation » et d’améliorer « la pertinence des implantations au regard des besoins ». Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Gaertner, ne s’oppose pas à cette nouvelle disposition qui, « sur l’ensemble du territoire français, ne va pas beaucoup faire bouger les lignes », mais répondra aux éventuels besoins des voyageurs. Plus généralement, Philippe Gaertner se félicite de la parution de ce texte « conforme au compromis des négociations qui l’ont précédé ».
Alléger les contraintes
Les zones aéroportuaires ne sont pas les seules à bénéficier de ces efforts « de rééquilibrage du maillage officinal entre zones sur denses et zones sous denses ». En réintroduisant les notions de zones franches, des zones de revitalisation et de quartiers prioritaires, le texte entend favoriser ou maintenir l’offre pharmaceutique dans les quartiers ou les communes où aucune officine n’est accessible « par voie piétonnière ou par un moyen de transport motorisé (à préciser par décret N.D.L.R.) et disposant d’emplacement de stationnements ».
Dans ces conditions, l’ouverture d’une officine pourra se faire par voie de création à condition que le quota de population (2 500 habitants*) soit constant deux ans après la publication du dernier recensement. Cependant, la nouvelle officine pourra approvisionner la même population résidente, mais aussi la population résidente « dont l’évolution est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ». Ce dernier point témoigne du chemin parcouru pour tenter d’alléger, voire de supprimer certaines contraintes actuelles et de faire évoluer les définitions.
Toujours dans le registre des définitions, il reviendra aux directeurs des agences régionales de santé (ARS), en concertation avec les représentants de l’Ordre, des syndicats, de l’URPS pharmaciens et de la conférence régionale de santé, de déterminer le quartier d’une commune ou les territoires au sein desquels l’accès au médicament n’est pas assuré de manière satisfaisante.
De même, le directeur de l’ARS sera chargé de fixer par arrêté, après avis des mêmes partenaires, la liste des communes contiguës dépourvues d’officines et dont l'une recense au moins 2 000 habitants. Il sera alors possible d’y autoriser une ouverture par voie de transfert ou de regroupement. Sur ce point, Philippe Gaertner attend les textes qui doivent définir précisément ce que sont les territoires fragiles. « On peut entendre que dans certaines zones rurales le chiffre de 2 500 habitants soit difficile à atteindre, mais il faudra bien prendre en compte l’existant et l’évolution de l’existant pour éviter tout dérapage dans ces possibles dérogations. » À ses yeux, la règle doit être avant tout d’assurer un « approvisionnement en médicaments de la population dans de bonnes conditions sans déstabiliser les officines existantes ». En revanche, la FSPF regrette de n’avoir pas réussi à faire supprimer la possibilité pour une officine seule dans une commune de se déplacer où elle le souhaite car « dès qu’on déplace, on se rapproche d’une officine et on s’éloigne d’une autre ».
Bien au contraire, un assouplissement supplémentaire est prévu pour ces territoires toujours dans le but de garantir l’accès aux médicaments : des pharmacies pourront être installées dans des centres commerciaux, des maisons de santé ou des centres de santé. Une éventualité qui avait été repoussée par les syndicats, craignant qu’elle accentue encore davantage la déstabilisation des pharmacies préexistantes en zones fragiles.
Des textes d'application avant juillet
Toutefois, si ce texte envisage quelques assouplissements aptes à préserver le réseau officinal, il ne va pas trop loin. Ainsi, n’y figure plus la possibilité d’expérimenter l’exercice sur plusieurs sites, notamment dans des locaux fermés à la suite d’un regroupement ou d’un transfert. Ce dispositif avait été résolument repoussé par les syndicats représentatifs de la profession dès la version précédente du texte.
De manière générale, cette ordonnance promet un assouplissement des procédures administratives pour les pharmaciens. Mais surtout, elle ancre les priorités en matière d’installation. Les demandes des pharmaciens des communes limitrophes seront les premières à être considérées. Les regroupements seront favorisés face aux transferts, qui eux-mêmes prendront le pas sur les créations. Mais pour ces dernières, les pharmaciens n’ayant jamais obtenu de licence seront prioritaires. Une manière d’encourager l’installation des plus jeunes.
Pour l’ensemble des dispositions de l’ordonnance réseau, des textes d’applications sont attendus d’ici au 31 juillet prochain. En attendant, les syndicats espèrent pouvoir être associés à leur rédaction. « Il y a eu une concertation poussée jusqu’alors, qui a été fructueuse, il y a tout lieu de penser que cette collaboration va se poursuivre, remarque Philippe Gaertner. C’est en tout cas le souhait de la Fédération. »
*3 500 en Guyane et en Alsace Moselle.
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