Après l’avenant n° 11, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) vient de signer seule avec l’assurance-maladie l’avenant relatif à la ROSP génériques pour 2018, qui porte notamment l’objectif national de substitution à 90 %.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a en effet refusé de parapher le texte car celui-ci « entraîne une baisse d’au moins 25 millions d’euros par rapport à 2017 ». Autrement dit, le montant de la ROSP générique passe de 140 millions d’euros pour 2017 à 115 millions d’euros pour cette année. « Il ne s’agit pas d’une nouvelle mesure, souligne le président de l’USPO, Gilles Bonnefond. La réduction de 25 millions d’euros est comprise dans le total de l’enveloppe de 280 millions d’euros permettant d’accompagner, sur trois ans, la réforme de la rémunération et de financer les nouvelles missions prévues par l’avenant n° 11. »
La ROSP générique en baisse
« Nous considérons que l’équilibre économique général de l’avenant n° 11 n’est pas bon, rappelle pour sa part le président de la FSPF, Philippe Gaertner. Aussi, nous ne pouvions pas signer un texte qui confirme cette perte de 25 millions d’euros pour le réseau. » De plus, argumente-t-il, non seulement le montant de la ROSP baisse, mais les objectifs de substitution augmentent. Le président de la FSPF pointe ainsi « l’augmentation significative du taux de substitution qui le rend difficilement atteignable », passant de 86 % à 90 %, avec un « réalisé » de 87,5 % pour 2017. Les pharmaciens pour qui la substitution est déjà difficile en raison, par exemple, de médecins adeptes de la mention NS, seront encore plus pénalisés, craint Philippe Gaertner, qui dénonce également la suppression du principe du « bonus garanti » pour les meilleurs substitueurs. « Cette signature conduit à une perte sèche de 18 %, soit 1 100 euros, en moyenne pour chaque officine », déplore le président de la FSPF.
À l’inverse, le président de l’USPO estime que l’objectif de 90 % est tout à fait réalisable. « Cela ne représente pas un saut exceptionnel, car il correspond à l’évolution du taux de substitution enregistrée ces trois dernières années », assure-t-il. Gilles Bonnefond précise : « En décembre 2017, le taux de substitution s’élevait à 88,1 % et les molécules compliquées à substituer, comme la lévothyroxine, ont été écartées de l’objectif. » De même, il assure que, « dans l’équilibre global, nous avons bien fait attention à ce que les pharmaciens qui substituent beaucoup soient moins impactés que ceux qui substituent moins » par la baisse de la ROSP. Quoi qu’il en soit, Gilles Bonnefond estime que, de toute façon, le dispositif de la ROSP devait évoluer. En effet, l’écart de prix entre princeps et générique diminuant au cours de la vie des produits et l’arrivée sur le marché de blockbusters se raréfiant, les économies supplémentaires générées par la substitution ont tendance à se réduire. « Si l’USPO n’avait pas signé la ROSP cette année, elle disparaissait », assure Gilles Bonnefond.
11 millions d'euros de perte en janvier
Certes, mais pour la FSPF, la ROSP 2018 est à ranger aux registres des mauvaises nouvelles pour l’économie. Entre janvier 2017 et janvier 2018, la rémunération totale de l’officine (honoraires plus marge commerciale) enregistre une perte d’environ 11 millions d’euros. Un mauvais point à créditer à l’avenant n° 11, explique la FSPF. Celui-ci « devait apporter, selon les signataires, un gain d’environ 6 millions d’euros par mois », rappelle Philippe Gaertner pour qui, malheureusement, la réalité des chiffres confirme ses prévisions. La modification de la marge dégressive lissée (MDL), appliquée depuis le 1er janvier, doit en effet apporter 70 millions d'euros au réseau. Mais Philippe Gaertner explique depuis plusieurs mois que, compte tenu des baisses de prix jusque-là envisagées pour cette année (à hauteur de 170 millions d’euros), l’avenant n° 11 serait insuffisant pour les compenser. Selon lui, la perte de ressources devrait ainsi s’élever à au moins 100 millions d’euros, auxquels il faut encore ajouter les 25 millions d’euros de perte liée à la nouvelle ROSP. « À périmètre constant des ventes, la perte moyenne par officine s’élèvera pour 2018 à plus de 5 500 euros », évalue le président de la FSPF.
Pour l’heure, la tendance se situe aux alentours des 130 millions d’euros de perte pour 2018. Toutefois, Gilles Bonnefond demande un peu de patience. « Cette réforme est progressive. Son efficacité pour diminuer l’effet des baisses de prix n’est que de 20 % cette année, mais l’année prochaine, avec l’introduction de nouveaux honoraires, l’impact se sera réduit de moitié, insiste-t-il. Attendons la fin du premier trimestre pour dresser un premier bilan. Là seulement, on pourra mesurer ce que la réforme aura fait pour amortir les baisses de prix et revaloriser la marge. » Le président de l’USPO explique également que la perte relevée sur le premier mois de l’année est surestimée. En effet, selon lui, janvier 2018 cumule deux inconvénients : une baisse d’activité très forte par rapport à janvier 2017, couplée à une concentration de baisses de prix liée notamment à des reports d’application.
L'honoraire à la boîte accusé
« Avec une baisse de 3,77 % des unités délivrées, une hausse de la rémunération n’était pas envisageable, souligne-t-il. Elle est donc en recul de 2,32 %, mais bien moins que la baisse des unités. » Selon ses calculs, sur les 11 millions d’euros de perte de rémunération, 8,9 millions d’euros sont le fait de la diminution importante des unités dispensées sur la période, et donc d’une baisse des revenus liés à l’honoraire à la boîte, fruit de la précédente réforme conclue par la FSPF. « L’honoraire de dispensation représente environ 50 % de notre rémunération, poursuit Gilles Bonnefond. La marge commerciale est maintenue grâce à la réforme qui a redonné 14 millions d’euros sur la tranche 0-1,91 euro associée au gain des deux dernières tranches dont les unités délivrées progressent chaque mois. » Le gain sur la dernière tranche est dû, selon lui, d’une part à l’augmentation des unités délivrées, et d'autre part à la légère augmentation de la rémunération de la tranche supérieure à 1 500 euros, dont le plancher est passé de 1 500 euros à 1 515 euros. « Grâce à la réforme engagée, l’officine gagne 4,7 millions d’euros lorsque l’on compare la rémunération des unités de janvier 2018 à celle de décembre 2017, affirme Gilles Bonnefond. Alors que tous les mois, la rémunération par boîte et par ordonnance ne cessait de diminuer, c’est la première fois qu’on la voit augmenter de 1,06 %. » Selon les derniers chiffres communiqués par l’USPO, la rémunération progresserait même de 0,59 % entre février 2018 et février 2017.
De nouvelles négociations
« Ne maquillons pas les chiffres », réplique Philippe Gaertner qui les juge sans équivoque : la perte de rémunération officinale sur janvier 2018 est de 11 millions d’euros par rapport à janvier 2017, date à laquelle s’appliquait l’avenant qu’elle avait signé. Le président de la FSPF tient également à rappeler que l’avenant n° 11 maintient l’honoraire de dispensation à la boîte pourtant décrié par l’USPO. Dans ce contexte économique tendu, Philippe Gaertner demande l’ouverture de nouvelles négociations avec l’État. Il souhaite la renégociation des paramètres de l’arrêté de marge pour 2019 et 2020, afin « de corriger les effets pervers de la politique de rabot sur les prix industriels insuffisamment compensés par l’avenant n° 11 ». Il sollicite également l’ouverture d’un chantier en vue de sécuriser rapidement la rémunération du médicament générique.
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