Syndicats, Ordre, associations… quelle représentation pour les adjoints ?

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Publié le 26/10/2023
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Bien qu'ils représentent plus de la moitié de la population officinale, les pharmaciens adjoints ne bénéficient pas d'une représentation syndicale ou associative dédiée majeure. Retour sur ce qui a été fait, ce qui est fait, et ce qui reste à faire.

Le même badge que le titulaire, mais des revendications différentes

Le même badge que le titulaire, mais des revendications différentes
Crédit photo : Burger / Phanie

Lorsqu'on évoque les entités représentatives des pharmaciens, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et l'Union nationale des pharmacies de France (UNPF) sont naturellement les premières qui viennent à l'esprit, suivies de la très active Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Mais aucun de ces syndicats ou associations ne représente les 28 192 pharmaciens adjoints du pays, pourtant plus nombreux que les titulaires (24 913 selon les derniers chiffres).

Aujourd'hui, les pharmaciens adjoints ne peuvent compter sur aucun syndicat « dédié » à leur statut, et sont donc défendus par les branches pharmacie des confédérations syndicales tel Force Ouvrière (FO), la Confédération générale du travail (CGT) et parfois, au niveau local, par leurs Unions régionales des professionnels de santé (URPS) respectives. Il n'en a pas toujours été ainsi.

Le SNPA devient SNACP

En 1945, les pharmaciens adjoints étaient défendus par le Syndicat national des pharmaciens assistants (SNPA), devenu ensuite le Syndicat autonome des cadres pharmaciens (SNACP) en 1952. Les objectifs de ce syndicat autonome étaient : défendre ses membres collectivement et individuellement face à leurs employeurs, représenter ses adhérents auprès des ministères et de l'Ordre national des pharmaciens, informer au moyen de son journal - « Le Journal de cadres pharmaciens » - et faire la promotion de l'enseignement universitaire.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et le syndicat a finalement été dissous pour se fondre, en 1997, par la création d'une nouvelle section pharmacie, dans le Syndicat des cadres de direction, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (SYNCASS). Une dissolution due à un manque de moyens financiers et humains. « C'est un problème assez commun dans les syndicats de ce genre », explique Serge Caillier, membre du Conseil national et ancien vice-président du Conseil central de la section D (adjoints). « Un syndicat est une structure complexe, qui demande de ses membres beaucoup d'implication, du temps, des moyens et, pour un syndicat de pharmaciens adjoints, des connaissances poussées en droit du travail et dans le Code de la Santé publique », un profil que l'on retrouve surtout chez les pharmaciens titulaires.

Une baisse d'implication

Pourquoi aucun syndicat n'a pris la relève, 25 ans plus tard ? Pour Olivier Clarhaut, Secrétaire fédéral de la branche officine à Force Ouvrière, la réponse est plurifactorielle : « Depuis quelques années, on observe une défiance à l'égard des syndicats et de ceux qui portent la parole des autres. En outre, nous avons affaire à un changement sociétal. Désormais, les salariés cherchent un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Cette baisse d’investissement dans le travail entraîne logiquement une diminution des envies de se syndiquer ». Et pour celles et ceux qui sont plus investis dans l'activité officinale, le statut d'adjoint est souvent vécu comme temporaire avant d'obtenir celui de titulaire, ce qui n'encourage pas à s'engager dans le syndicalisme d'employés. Un sentiment renforcé par la mobilisation des syndicats de titulaires au sein des universités : « Quand vous êtes en faculté de pharmacie, on ne parle absolument pas des syndicats de salariés », constate Serge Caillier.

Pour Benjamin Moutel, trésorier du Collectif des pharmaciens adjoints d’officine de France (CPAOF), « La culture du métier explique aussi en partie le faible taux de syndicalisation, car la majorité des pharmacies sont des entreprises de moins d'une demi-douzaine de personnes. Créer, rejoindre, ou au moins s'intéresser à la présence de structure syndicale ou représentative n'est donc pas un réflexe ».

Beaucoup de pharmaciens adjoints se tournent donc vers l'Ordre lorsqu'ils ont des questions ou des réclamations relatives au respect du code du travail ou du code de la santé publique. « Nous recevons plusieurs dizaines de mails et d’appels par jour sur des questions professionnelles, mais aussi personnelles, comme des agressions », témoigne Jérôme Parésys-Barbier, président du Conseil central de la section D. Mais si l'Ordre soutient quand il le peut ses adhérents, certains rôles, comme le soutien des salariés en conflit avec leur employeur, ne sont pas de son ressort : « Des thèmes tels que le droit du travail ou les problématiques de rémunération sont en dehors de notre mission. Ce n’est pas que ces sujets ne nous intéressent pas : nous n’avons simplement aucune autorité là-dessus ! », explique-t-il, assurant que l'Ordre voit d'un bon œil et encourage la création d'autres structures pouvant représenter, accompagner et défendre les pharmaciens adjoints sur ces sujets.

L'importance d'une bonne représentation

Car le manque de représentation dédiée aux pharmaciens adjoints n'est pas sans conséquences. Ces derniers ont en effet des préoccupations et des défis spécifiques liés à leur rôle au sein de l'officine (conditions de travail, rémunération, perspectives de carrières…). En l'absence de représentation via un syndicat ou une association spécialisée, leurs revendications risquent de ne pas être entendues à l'heure de négociations collectives. Au-delà, les associations et syndicats sont également les structures susceptibles de les aider à faire valoir leurs droits et à défendre leurs intérêts. Un enjeu plus crucial que jamais alors que les nouvelles responsabilités ne cessent de s'empiler pour les pharmaciens.

« On peut avoir la tentation de penser qu’on finira titulaire, mais la réalité, c’est que beaucoup de pharmaciens resteront des salariés toute leur vie. Et ces derniers ont intérêt à bien connaître leurs droits, et prêts à lutter pour les conserver », alerte Olivier Clarhaut. Dans l'ombre des syndicats, des organisations voient ainsi le jour, comme le Collectif des pharmaciens adjoints d’officine de France (CPAOF). Née il y a deux ans, l'association a approché l'ANEPF et l'USPO pour créer le cercle de réflexion de la pharmacie d’officine (Crepoff). Son but ? Que les discussions métier (qu'elles concernent l’attractivité des études, le statut et les missions de l’adjoint, la formation continue…) soient menées en prenant en compte le point de vue des adjoints, avant que les propositions et recommandations soient soumises aux syndicats, à l’Ordre et aux autorités. Dans ce contexte, il revient aux pharmaciens adjoints de se mobiliser et de s'engager, que ce soit au sein des syndicats et des associations, s'ils veulent faire entendre leur voix et peser dans les décisions dont dépend leur avenir.

 

François Tassain
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Source : Le Quotidien du Pharmacien