Désertification médicale, baisse de prix des médicaments, forte concurrence sur les tarifs de l’OTC et de la parapharmacie… de plus en plus de contraintes pèsent sur l'économie de l'officine.
Un indicateur, cependant, devrait redonner du baume au cœur des titulaires, celui du résultat net moyen de l’exercice 2016, qui ressort à 194 058 euros, soit 10,74 % du chiffre d’affaires HT. Un ratio tout à fait stable par rapport à l’année précédente. Et enviable au regard de bien d’autres domaines d’activité. C’est en tout cas l’analyse du réseau d’experts-comptables CGP (1). D’ailleurs Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil, membre de ce réseau, met en garde contre les discours anxiogènes : « ils auraient pour effet de décourager les jeunes. Cette désaffectation pour le réseau serait alors interprétée comme un signal négatif par les pouvoirs publics et pourrait les inciter à prendre des décisions telle l'ouverture du capital à des non-pharmaciens. » Le message est clair. La balle est dans le camp de la profession pour assurer la relève. « À elle de s’engager pour organiser l’accession des nouvelles générations aux fonds d’officine », lance Olivier Desplats.
L’invitation pourrait sonner comme une provocation tant l'avenir de l’officine reste soumis à plusieurs inconnues. La désertification médicale n’est pas sans inquiéter les titulaires confrontés à la disparition des prescripteurs. La politique du médicament entraîne un manque de visibilité pour le modèle économique officinal à moyen terme. Les chiffres, enfin, forcent à la tempérance. Atteignant 12,52 % du chiffre d’affaires, soit 226 200 euros, l’excédent brut d’exploitation (EBE) est en recul de 2,63 % en 2016 (soit - 6 116 euros pour une officine moyenne), et ce pour la deuxième année consécutive.
Le besoin de relève
Des facteurs d’inquiétude, certes, mais Olivier Desplats n’en voit pas moins des raisons de croire en l’officine. Car, selon lui, les fermetures (197 en 2016) dénotent davantage la volonté des titulaires de se regrouper que de liquidations pures et simples (9 % des cas). Selon les projections CGP et les hypothèses les plus probables, le réseau, qui a perdu 5 % de ses pharmacies, devrait continuer de décroître de 1 % à 2 % par an, pour atteindre 20 020 officines en 2020 et 18 562 en 2025.
Mais en même temps, la moyenne d'âge des titulaires atteint aujourd'hui 50,2 ans, près d'un tiers ayant même plus de 55 ans. Compte tenu de l’âge moyen de départ à la retraite (64,5 ans), c’est dire le besoin de relève qui se dessine pour les années à venir. Et la nécessité de fluidifier le marché des cessions au profit des jeunes tout en rassurant les « anciens », comme le remarque le réseau CGP.
Cette passation pourra s’appuyer sur l’une des forces de l’officine, le capital confiance dont jouit la profession auprès de sa clientèle. « Par ailleurs, de nombreuses études font état des attentes des Français en matière de prise en charge. Mieux même, les évolutions sociétales font qu’aujourd’hui les patients semblent prêts à une prescription par le pharmacien pour les petites pathologies », relève-t-il.
Le juste prix
En l’absence, pour l’heure, d’un modèle de rémunération adapté à ces mutations, seule une évolution de l’activité semble capable de maintenir la rentabilité de l’officine. Les titulaires sont donc incités à soutenir la dynamique de leur point de vente et à en soigner le profil. A fortiori s’ils envisagent de céder prochainement.
Car c’est aujourd’hui sur le critère de la rentabilité, avec pour principal indicateur l’excédent brut d’exploitation (EBE), que le prix des transactions est fixé. « Dans ce contexte, il n’est pas conseillé aux jeunes de reprendre les petites officines, celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros, voire 1,5 million pour certaines, qui ne dégageront pas assez de rentabilité », expose Olivier Desplats, précisant qu’en tenant compte du niveau d’endettement, ces petites officines ne permettent pas de rémunérer suffisamment leur titulaire. Sa rémunération nette annuelle atteindra ainsi péniblement 20 000 euros si son chiffre d’affaires ne dépasse pas un million, pendant que son confrère qui réalise un chiffre d’affaires entre 1,5 et 2 millions d’euros, s'octroiera 55 400 euros (2).
La taille, mais aussi la localisation de l’officine, composent deux autres éléments essentiels du prix de cession (3). À la lueur de ces critères, Olivier Desplats recommande ainsi de ne pas survaloriser le fonds de l’officine. Et de retenir pour son calcul, un multiple de l’EBE en moyenne de 6,83 selon les analyses CGP de 2016 (4).
Le poids de la dette
Le bon prix est d’autant plus important, souligne l’expert-comptable, que pour le repreneur la seule variable d’ajustement d’un fonds est « le prix d’acquisition ». Pas question en effet de jouer sur un niveau d’endettement du futur titulaire qui infléchirait sa rémunération. « L’officine n’est pas un produit de capitalisation sans risque et elle doit être regardée comme un outil de travail, devant, en premier lieu, rémunérer correctement son titulaire », constate l’expert-comptable.
Au-delà de cet aspect, Olivier Desplats rappelle qu’un niveau d’endettement trop important peut s’avérer être un piège fatal. Il en veut pour preuve le cas de petites officines n’ayant pu se regrouper en raison du poids de leur dette ! De manière plus générale, les experts-comptables observent que les difficultés économiques de certains pharmaciens restent liées à leur niveau d’endettement consécutif au prix payé lors de l’acquisition de l’officine. « Or le désendettement est rendu plus difficile en période de déflation », indique Olivier Desplats.
Autant de raisons donc pour veiller à ne pas hypothéquer son futur exercice par un prix d’achat excessif, et par conséquent, par un endettement délétère, aussi séduisant que puisse paraître à l’achat le point de vente. Car, comme le soulignent les experts, il n’y a aucune raison que le repreneur paie les compétences et l’énergie qu’il investira dans le développement de son officine.
D'après une conférence CGP.
(1) Issue de l’étude des comptes de 2015-2016 de 1 715 officines réparties sur l’ensemble du territoire français.
(2) 38 200 euros dans les officines d’un chiffre d’affaires entre 1 et 1,5 million d’euros, 67 600 si le chiffre d’affaires se situe entre 2 et 2,5 millions d’euros ; 70 600 euros au-delà d’un chiffre d’affaires de 2,5 millions ou plus.
(3) À partir d'un échantillon de 104 cessions réalisées par les cabinets du réseau CGP, le prix d'achat moyen était de 1,403 million d'euros en 2016 contre 1,372 million d'euros en 2015. Exprimé en multiple de l'EBE, le prix de cession baisse à nouveau.
(4) Déduction faite du coût du travail du titulaire calculé sur la base d'un coefficient 600 (charges sociales comprises).
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