La tentation de rejeter le protocole en bloc et de tout reprendre à zéro a effleuré les administrateurs de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), déçus de n'avoir pu finaliser le texte conventionnel.
Rejeter le protocole ou le signer, jeudi matin, c’était au conseil d’administration de chacun des syndicats de choisir. Le suspense était à son comble à la FSPF, où le dernier vote attendu pouvait tout faire basculer. Un 14e vote en faveur de la signature du protocole est arrivé par voie électronique, contre 10 votes en sa défaveur et deux abstentions. Soit la majorité absolue, requise pour signer le protocole. « Cela montre l'état d'esprit des confrères, qui hésitent entre repartir de zéro et ne pas perdre certains éléments obtenus dans le protocole d'accord, souligne Philippe Gaertner. On est à la limite de l'acceptable. Trois mois de plus, c'est l'opportunité d'accélérer les choses. » Bien que l’analyse du problème diffère peu à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), son conseil d’administration a offert un vote unanime en faveur de la signature du protocole d’accord. Pour Gilles Bonnefond, son président, il fallait à tout prix sauver la mise et ne pas remettre en cause les avancées acquises sur le volet métier (voir encadré). Et surtout ne pas pénaliser par des retards supplémentaires l’économie de l’officine. Celle-ci ne peut souffrir aucun report, selon le président de l’USPO qui estime « à 0,2 % la baisse du chiffre d’affaires en mars dernier, et une baisse de marge qui pourrait atteindre 1 %, voire davantage. ». « La profession mérite mieux qu’un jeu de blocages, qu’un jeu politique », conclut-il.
Entre deux tours
Ce qui coince encore ? L’enveloppe attribuée à l’évolution de la rémunération reste à négocier. Là où il était question d’une enveloppe de 300 millions d’euros par an, le protocole reste muet. Tout juste consent-il à indiquer la poursuite du transfert progressif d’une part de la marge réglementée, « dans la limite de 1,250 milliard d’euros », vers les honoraires de dispensation. Le but étant de transformer la rémunération en la faisant passer de 50 à 75 % à l’honoraire. « Ce que l’on sait actuellement c’est que nous allons transformer 1,25 milliard d’euros en honoraires sur une période de trois ans et que l’assurance-maladie se dit incapable d’introduire de nouveaux honoraires avant 2019. C’est tout, car ce qui n’est pas validé en séance plénière n’existe pas. Autrement dit, il n’y a pour l’instant aucun accord sur l’arrêté de marge », déplore la FSPF. Et ce d’autant moins qu’il n’y a, dans cette période politique d’entre deux tours, aucun ministre susceptible de publier un tel arrêté. « Le temps politique a joué en notre défaveur. Nous travaillons à un accord d’intérêt général tant pour les patients que pour les pharmaciens, hors clivage politique, mais cet accord doit passer au final par un arbitrage financier qui nécessite un gouvernement », analyse Philippe Gaertner.
Autres points d’achoppement : les génériques et les biosimilaires. Ces derniers ne sont pas abordés dans le protocole, « malgré nos demandes réitérées, et alors même qu’ils représentent l’évolution de notre métier », s’insurge Philippe Gaertner. Quant aux génériques, le prochain comité de suivi prévu en mai annonce déjà des baisses de prix considérables, donc des baisses de remises et des effets sur la ROSP basée sur l’économie potentielle réalisable.
Rattraper le retard
Heureusement, tout n’est pas négatif. Les syndicats se félicitent ainsi des avancées sur les missions du pharmacien (voir encadré). La FSPF se réjouit en particulier d’avoir obtenu l’inscription au protocole d’accord d’une « clause de revoyure » au premier semestre 2020. « L’assurance-maladie proposait de déclencher des négociations si on régressait de 1 % par rapport aux résultats de 2017, ce qui, selon nos calculs, reportait de nouvelles négociations à 2021 voire 2022. Or nous avons besoin de rendez-vous précis. »
Pour Gilles Bonnefond, il faut désormais rattraper le retard. « Le fait qu’un protocole soit signé entre les pharmaciens et l’assurance-maladie sera perçu comme un signal positif par le prochain ministre, qui appréciera certainement que le terrain des pharmaciens soit déminé », déclare-t-il. Il regrette cependant que le texte n’ait pu être stabilisé avant les élections. Le temps presse : il serait inopportun de repousser les négociations à l’automne, à l’aube du PLFSS 2018.
Les trois mois de négociations qui s’annoncent vont néanmoins permettre aux syndicats de travailler « non plus avec des équipes sortantes mais des équipes entrantes », relève Philippe Gaertner, qui s’attend à devoir attendre que ces dernières soient bien en place pour pouvoir travailler sur le nerf de la guerre : la partie économique. Sans compter les législatives qui se tiennent les 11 et 18 juin. « Nous avons quasiment une obligation de réussite dans les trois mois, au risque de voir ces dossiers traîner jusqu’en 2020. » Pour autant, les syndicats, unis, ne sont pas prêts à laisser passer un texte qui ne leur conviendrait pas, prévient Gilles Bonnefond : « Si tout est bloqué en juillet, nous dénoncerons la convention. » Manière de rappeler qu’ils sont bien décidés à garder la main sur leur destinée.
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