LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Quels seront les temps forts des 8e Rencontres de l’USPO du 9 octobre prochain ?
GILLES BONNEFOND. – Ces rencontres seront inaugurées par le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Jean-Paul Delevoye, qui connaît bien le métier de pharmacien. C’est un signe de reconnaissance de notre profession. Le premier débat portera sur l’observance des traitements. Chacun des intervenants y apportera sa vision, les patients, le ministère, les juristes et les pharmaciens. Le second débat de la matinée sera consacré aux « piliers » du modèle officinal français. L’officine ne cesse d’être attaquée sur les règles qui encadrent son exercice : l’implantation des pharmacies, le monopole de dispensation et la détention du capital. Pourtant, ces règles fondamentales sont les piliers sur lesquels repose l’équilibre de notre profession.
Justement, que pensez-vous de la proposition de l’UNPF d’ouvrir le capital à l’ensemble des pharmaciens ?
Cette proposition est complètement décalée. Il y a un an, la quasi-totalité des pharmacies avaient baissé leur rideau et les titulaires, les adjoints et les équipes officinales étaient dans la rue pour s’opposer au projet de déréglementation de la pharmacie. Proposer aujourd’hui de remettre en cause les règles de détention du capital des officines est de nature à relancer le débat avec le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, alors qu’il avait écarté cette idée le soir même de la manifestation du 30 septembre 2014. Attention à ne pas jouer les apprentis sorciers en cassant l’unité et le résultat de la mobilisation de l’an passé. Expliquer que cette mesure permettrait de sauver les petites officines est de la pure démagogie, car les investisseurs n’iront pas sur celles qui sont en difficultés, en particulier en milieu rural. Les biologistes y ont goûté, ils ne s’en sont pas remis.
Pour vous, quels sont les enjeux des élections aux Unions régionales des professionnels de santé ?
Ce qui intéresse les pharmaciens aujourd’hui, ce sont les questions touchant à l’économie. C’est « comment je sauve mon entreprise ? Comment je retrouve de la trésorerie ? » Ces élections sont aussi l’occasion de corriger un dysfonctionnement dont souffre notre profession : un syndicat ultra-majoritaire peut signer seul. Et celui-ci s’est fait piéger par le gouvernement sur la réforme de la rémunération. Il a voulu être le syndicat qui accompagne les réformes avec l’État et l’assurance-maladie. Or l’accord sur l’honoraire est mauvais. La réforme de la rémunération doit être impérativement revue et corrigée, sinon la profession sera dans l’impasse pour trois ans. Il est nécessaire de renégocier très rapidement et ne pas passer à l’étape du 1 euro à la boîte prévue pour janvier 2016. Le seul moyen de montrer que cette évolution ne convient pas aux pharmaciens, c’est qu’il y ait un vote sanction contre le signataire de cet accord qui ne profite qu’à l’assurance-maladie. C’est la seule façon d’être légitime pour ouvrir des négociations avant les élections présidentielles et mettre la profession sur les rails. 8 500 lettres de pharmaciens ont déjà été adressées à la CNAM pour dénoncer cet accord. D’ailleurs, le dernier bilan de l’observatoire de la rémunération de l’officine le montre, la marge recule de 2 % sur le premier semestre de 2015. Cela prouve bien que cette réforme n’est pas adaptée aux baisses de prix, alors qu’elle était censée nous en protéger.
Si vous gagnez les élections aux URPS, quelle réforme de la rémunération défendrez-vous ?
Nous proposons que l’honoraire de 0,80 euro HT à la boîte soit transformé en forfait à la boîte et intégré à l’arrêté de marge, ce qui éviterait toute discussion sur la légitimité d’un honoraire de dispensation en cas de non-prescription. Parallèlement, nous défendons l’idée d’un honoraire à l’ordonnance qui permettrait de compenser les prescriptions les moins rémunératrices. L’objectif est que le pharmacien bénéfice d’un minimum de perception, d’environ 4 euros par ordonnance. Lorsque sa marge est inférieure à ce montant, il percevra alors un honoraire complémentaire. Ce mécanisme permettra d’amortir les baisses de prix et du nombre de lignes prescrites. On mettra en place un véritable honoraire qui correspond à l’acte de validation de l’ordonnance, c’est-à-dire à l’acte de dispensation. Pour nous, cette modification doit se faire dans le cadre d’un contrat de 3 ans avec l’État.
C’est ce que nous demanderons au nouveau au directeur général de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, avec qui nous débattrons lors des Rencontres de l’USPO. Il doit également y avoir une synergie entre les conventions médicale et pharmaceutique.
Vous estimez qu’il n’y a pas de cohérence dans les accords signés entre l’assurance-maladie, les médecins et les pharmaciens ?
En effet, que ce soit pour la prise en charge des patients chroniques ou celle des personnes âgées, les conventions médicales et pharmaceutiques vont dans des sens opposés. D’un côté le pharmacien perçoit des honoraire à la boîte et pour les ordonnances de 5 lignes et plus ; de l’autre, les médecins sont incités, via un dispositif de ROSP*, à diminuer le nombre de boîtes et de lignes par prescription. Aujourd’hui, nous ne sommes pas seulement confrontés à un problème de baisse de prix, mais aussi d’incohérence entre le contenu de la convention médicale et celui de la nôtre. Sans parler de la nouvelle ROSP pour la substitution générique que l’assurance-maladie souhaite revoir pour 2016. Que l’on modifie certains paramètres, pourquoi pas, mais l’enveloppe ne peut être inférieure à celle de cette année. La marge recule, les prix des médicaments baissent, et en particulier ceux des génériques. La profession a déjà largement contribué aux efforts d’économies. Diminuer la ROSP générique serait une double peine. Les économies faites sur notre marge par ce mauvais accord sur la rémunération et la tentative de baisser la ROSP générique servent à alimenter la négociation pour les autres professionnels de santé. L’USPO est déterminée à négocier pied à pied pour retrouver une économie plus robuste pour toutes les officines.
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