Une évolution nécessaire mais délicate

La rémunération du pharmacien en question

Publié le 01/07/2010
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À l’occasion d’un colloque organisé par l’Institut Droit et Santé, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a fait le point sur la rémunération du pharmacien. Appelée à évoluer, la rémunération pourrait mieux prendre en compte la qualité de la dispensation.

PÉDAGOGUE, Philippe Besset – président de la commission Économie de l’officine de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) – rappelle en quoi consiste la rémunération du pharmacien. Sa marge est totalement différente selon le type de produits vendus. Mais même au sein de la catégorie médicament, rien n’est simple puisqu’il faut différencier ceux à prescription médicale obligatoire et ceux à prescription médicale facultative, mais aussi les remboursés et les non remboursés. Ce n’est que le début du casse-tête, puisque la rémunération repose ensuite sur la marge dégressive lissée (MDL) pour le médicament remboursable lorsqu’il s’agit du princeps ou du générique sous TFR, un système instauré en 1990, pour remplacer l’ancienne marge linéaire, comprenant désormais trois tranches. À cette rémunération à la marge s’ajoute un forfait à la boîte fixé à 0,53 euro. Enfin, des conditions particulières existent pour les génériques depuis 1999 et pour les génériques hors TFR depuis 2003. Or, « les mesures prises ces dernières années sur le médicament ont, compte tenu de la marge dégressive lissée, fortement impacté les pharmaciens d’officine », indique Philippe Besset.

Préserver les pharmacies essentielles.

Preuve à l’appui, la FSPF souligne les effets micro- et macro-économiques de la réglementation des marges du médicament. À l’aide du panel Pharmastat d’IMS Health, qui compte 13 000 officines, la Fédération peut connaître la situation des pharmaciens en termes de rémunération selon les typologies de pharmacie. « La marge moyenne du remboursé sur ordonnance est d’environ 8,50 euros, mais cela varie énormément d’une pharmacie à l’autre, par exemple entre les pharmacies de centres commerciaux et les pharmacies de proximité, entre les officines rurales et celles situées près d’un centre hospitalier… » La variable en cause est le nombre de lignes par ordonnance, qui affiche une certaine faiblesse dans les pharmacies de passage et des hypercentres, alors qu’elle est forte en milieu rural et dans les quartiers. « Tout changement de rémunération va perturber le réseau, mais la rémunération actuelle crée des distorsions entre officines, distorsions indépendantes de la qualité de dispensation. Dans le contexte économique particulièrement délicat de l’officine, la rémunération doit évoluer, mais on doit s’assurer que les écarts existant ne vont pas s’amplifier et préserver les pharmacies essentielles, c’est-à-dire celles situées en milieu rural, dont le rôle sociétal est important, et les pharmacies de quartier qui représentent souvent la dernière lumière de la cité », insiste Philippe Besset.

Confiance des patients.

D’autre part, la marge réglementée des produits remboursables, qu’ils soient remboursés ou pas, apporte 5,6 milliards au réseau officinal (cumul mobile à avril 2010, selon les données GERS). Une somme qui dépend aussi du caractère plus ou moins bon acheteur et plus ou moins bon commerçant du pharmacien. « Ces valeurs n’ont rien à voir avec la qualité de dispensation et avec l’enseignement suivi par le pharmacien », note Philippe Besset.

Les questions qui se posent sont donc de savoir comment faire évoluer la rémunération du pharmacien, alors que l’économie officinale se dégrade rapidement et comment l’articuler avec les missions définies dans l’article 38 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), « en particulier celles qui sont déconnectées de la vente de produits ». C’est pourquoi la FSPF s’interroge sur une évolution de la rémunération « vers un mode mixte permettant aux pouvoirs publics d’utiliser le pharmacien et la pharmacie pour des missions sans lien avec la dispensation de médicaments ». Philippe Besset rappelle : « Nous sommes attachés à ce que ces prestations disposent de prix réglementés, comme le C des médecins, pour qu’il n’y ait pas de perte de confiance des patients. »

› MÉLANIE MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2763