La compréhension de la réforme de notre mode de rémunération passe par la compréhension du fonctionnement de notre MDL qui fait que notre modèle économique n’est pas un modèle commercial.
En retenant des schémas obsolètes depuis 20 ans, en utilisant et en interprétant des indicateurs inadaptés les analyses économiques sont faussées.
Les taux de TVA sont systématiquement utilisés pour segmenter les ventes, mais en officine il n’existe que 2 ventes, l’ordonnance et le hors ordonnance (ou vente comptoir), qui peuvent contenir chacune les 4 taux de TVA. L’équilibre entre les taux va donc varier en fonction de la typologie des ventes, le taux 2,10 % étant, par exemple, inférieur à la moyenne nationale pour les pharmacies commerciales à cause de leurs forts volumes de dispensation en médicaments à faible PFHT ou diminuant avec l’augmentation de la substitution. Une des conséquences de la MDL est que la ventilation des taux va dépendre uniquement de la typologie des médicaments à TVA 2,10 %.
90 % de la rémunération provient de la première tranche.
Pour expliquer la réforme, la marge du réseau a été découpée en fonction des tranches de PFHT et du forfait à la boîte. Il en résulte que 3,5 milliards de marge, soit 85 % de la marge totale (hors forfait), proviennent de la 1re tranche et qu’ils sont assimilés à ce que rapporteraient les médicaments ayant un prix d’achat compris entre 0 et 22,90 € alors que cette valeur provient de la dispensation annuelle des 2,7 milliards de médicaments puisque les médicaments avec un PFHT› 22,90 € participent aussi au montant de la marge du réseau avec leur part de T1. L’ajout du forfait à la boîte de 53 centimes à la valeur de la marge apportée par la T1 aboutit au fait que 90 % de la rémunération provient de la première tranche.
Les 1,3 milliard de boîtes à PFHT ‹ 1,91 € n’apportent en réalité que 350 millions de marge, soit 10 % de la valeur ajoutée distribuée par la tranche T1. 2,20 % des volumes dispensés (soit 60 millions d’unités) avec un PFHT = ou› 22,90 € apportent autant de valeur ajoutée que les 50 % de volumes qui ont un PFHT ‹ 1,91 €, et les seuls médicaments de la réserve hospitalière, avec leurs 7,6 millions d’unités dispensées, apportent à la T1 autant de marge que 200 millions de boîtes de Doliprane.
Au niveau microéconomique la faiblesse de la valeur des marges des médicaments à PFHT ‹ 1,91 € fait que leurs forts volumes de dispensations dans les pharmacies commerciales influent très peu sur la répartition de la marge par tranches, mais impactent fortement à la baisse le taux de TVA à 2,10 %.
L’honoraire de 1 € correspond à l’augmentation de 47 centimes du forfait à la boîte. En 1999 c’est le réaménagement de la MDL, avec une baisse de la marge des médicaments à PFHT ‹ à 7 €, qui a financé le forfait à la boîte de 53 centimes. Pour assurer la mise en place de l’honoraire de dispensation la même méthodologie a été utilisée avec cette fois la suppression de la marge pour les médicaments à PFHT ‹ 1,91 €, une diminution des taux de marge pour les médicaments à PFHT› 1,91 € avec un plafonnement pour les produits à PFHT›1 500 €.
Des analyses faussées.
Les excédents de rémunération obtenus avec les simulations montrent que les prélèvements de marge ne couvrent pas l’augmentation de la part forfaitaire. En assimilant la réforme à de simples augmentations de marge pour les médicaments à PFHT ‹ 1,91 € et en les opposant aux baisses de marge pour les médicaments à PFHT› 1,91 € la profession et les sociétés conseils raisonnent comme si la marge était proportionnelle, faussant ainsi leurs analyses, et surtout ne tenant pas compte du fait que tous les médicaments voient la totalité ou une partie de leur marge prélevée.
Deux catégories de produits vont être créées : une catégorie ne possédant pas de marge (environ 1,3 milliard d’unités) et une catégorie avec marge (environ 1,4 milliard d’unités). Tous auront en commun un honoraire de 1 € correspondant à la répartition égalitaire du prélèvement de marge effectué sur les 2,7 milliards de médicaments dispensés par an.
Le sens de la réforme est donc une redistribution de marge sous forme forfaitaire plutôt qu’un transfert de marge d’une catégorie de produits à une autre et les raisonnements basés sur une proportionnalité de la marge ne tiennent pas compte de la distribution inégalitaire due à la MDL.
Pourtant l’analyse des simulations IMS, et des excédents de rémunération obtenus avec l’application de la réforme, confirme plutôt une amplification dans l’inégalité de la distribution. Ces simulations, réalisées avec un historique et des prix figés, mettent en évidence les différences existant entre une marge proportionnelle et la MDL.
Avec une marge proportionnelle il existerait une relation, indépendante de la typologie des dispensations, entre les volumes dispensés et les excédents obtenus. Mais avec la MDL cette relation n’existe pas et les excédents de rémunération obtenus avec l’honoraire de dispensation montrent au contraire une dépendance à la typologie des ventes.
Avec les comparatifs entre simulations, on constate que si la pharmacie moyenne, déterminée macro économiquement aura un excédent de 2 300 € (hors ordonnances complexes) pour 120 000 médicaments dispensés, une pharmacie qui dispensera 90 000 médicaments pourra avoir un excédent de rémunération de 3 700 € alors qu’une pharmacie qui dispensera 160 000 médicaments n’aura qu’un excédent de rémunération de 1 800 €.
Le niveau des excédents dépend de la typologie des dispensations.
Si les simulations montrent bien que la quasi-totalité des officines sera bénéficiaire avec la réforme, le niveau des excédents ne dépendra pas des volumes dispensés, mais de la typologie des dispensations, ce qui implique une remise en cause du modèle économique officinal. L’étude du fonctionnement de la MDL montre que depuis plus de 20 ans la rémunération du pharmacien tend à se détacher des volumes de médicaments dispensés parce que la nature de cette marge conduit à une concentration de sa valeur et la réforme ne fera qu’amplifier ce phénomène.
En continuant à utiliser les mêmes indicateurs que lorsque la marge était proportionnelle, la profession a rendu incompréhensible la lecture de l’économie officinale et la réforme de la rémunération devient alors un révélateur qui rend obligatoire l’utilisation d’indicateurs qualitatifs permettant la lecture de la MDL et l’élaboration de stratégies de développement innovantes basées sur la fonction de professionnel de santé.
Ainsi les excédents de rémunération seront d’autant plus élevés que le Panier Moyen Ordonnance (PMO) et le nombre moyen de médicaments prescrits par ordonnance seront élevés et supérieurs à la moyenne macroéconomique.
Le modèle économique suivi par les titulaires aura son importance puisque si macro économiquement le nombre moyen de médicaments prescrits est de 4,2, le modèle suivi majoritairement au niveau microéconomique aboutit à une diminution significative du nombre moyen des médicaments prescrits par ordonnance avec une moyenne de 3,8. De fait la MDL individualise la rémunération par officine.
Utiliser des indicateurs qualitatifs.
La compréhension du fonctionnement de la MDL va donc devenir essentielle pour comprendre la réforme et en tirer les éventuels bénéfices. À l’inverse d’une marge proportionnelle qui se lit avec des indicateurs quantitatifs, la MDL se lit uniquement avec des indicateurs qualitatifs, comme le Panier Moyen Ordonnance, le pourcentage d’ordonnances ALD, le pourcentage d’ordonnances dans les ventes ou la moyenne d’âge de la clientèle ou bien encore la valeur ajoutée apportée par ordonnance.
Avec la réforme, un indicateur supplémentaire va devenir indispensable, le nombre moyen de produits prescrits, puisque c’est ce nombre qui va déterminer la valeur de l’honoraire de dispensation par officine. Les écarts constatés avec les simulations sont significatifs puisque la rémunération par honoraire peut varier de plus de 50 % entre officines, la conséquence première étant l’obligation pour une majorité de pharmacien de modifier leur modèle économique s’ils ne veulent pas être encore plus pénalisés par le fonctionnement de la MDL.
L’installation de l’honoraire de dispensation ne peut être en aucun cas un tremplin pour un futur honoraire de dispensation à l’ordonnance comme semble le croire la FSPF. À ce jour, et au bout de plus de 20 ans de fonctionnement, la seule étude réalisée sur le fonctionnement économique de la MDL est ma thèse et je suis formel : seule une bonne compréhension du fonctionnement de notre rémunération actuelle nous permettra de la réformer et l’honoraire à l’ordonnance est certainement la solution la plus pénalisante économiquement pour une majorité de pharmaciens comme les résultats de ma thèse le confirment.
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