DEPUIS plus de 20 ans la profession n’a pas cherché à comprendre le fonctionnement de la MDL. À l’heure de la mise en place de l’honoraire de dispensation, la profession va payer cash cette erreur qui risque de désintégrer notre réseau officinal.
La MDL n’étant pas abandonnée, ce qui est d’ailleurs impossible sans un plan précis, la concentration de la rémunération sur un nombre minimum d’acte va demeurer. Il faut rappeler qu’à ce jour plus de 70 % de la dépense de remboursement médicamenteuse (16 milliards d’euros) se concentre sur les malades porteurs d’ALD à travers les 150 millions de dispensations annuelles, soit 24 % du total des dispensations, que nous effectuons pour nos patients. Ces 24 % de dispensations représentent plus de 55 % de notre rémunération à l’ordonnance (environ 3,5 milliards d’euros). Par comparaison, les quelque 175 millions de dispensations (28 % du total) nous rapportant moins de 2,50 euros, dont l’USPO demandait la revalorisation, représentent moins de 0,3 % de la dépense médicamenteuse remboursable par l’assurance-maladie et moins de 1,50 % de notre rémunération à l’ordonnance. Nous avons là une analyse linéaire s’appuyant sur une situation macroéconomique qui n’est pas la situation microéconomique de chaque officine puisque la typologie de la clientèle va modifier cet équilibre. La MDL demande des analyses qualitatives, et non quantitatives, qui, seules, permettent de prendre en compte la concentration du chiffre d’affaires.
Le risque d’une baisse historique de nos marges.
Ainsi les 85 millions de dispensations annuelles (57 % des 150 millions de dispensations aux malades ALD) comportant 5 lignes ou plus, pour lesquelles l’assurance-maladie propose un honoraire de 50 centimes, représentent près de 60 % de la dépense médicamenteuse remboursable (environ 13 milliards d’euros) et plus de 45 % de notre rémunération à l’ordonnance (2,9 milliards d’euros). En acceptant la proposition de l’assurance-maladie de financer l’honoraire de dispensation par un abaissement des taux par tranches de la MDL nos syndicats prendraient le risque énorme de provoquer une baisse historique de nos marges déjà parmi les plus basses d’Europe.
Financer une augmentation linéaire de 47 centimes par boîte par la baisse des taux d’une marge dégressive montre la profonde méconnaissance du fonctionnement de cette marge. Selon les simulations que j’ai pu faire, sur les seules 85 millions de dispensations de plus de 5 lignes, la perte de marge nette après intégration des honoraires de 1 euro par boîte et de 50 centimes par dispensation serait de l’ordre de 450 millions d’euros, alors que le gain de marge pour les 175 millions de dispensations rapportant moins de 2,50 euros ne dépasserait pas les 50 millions d’euros. Les phénomènes de concentration dus à la MDL font que les volumes ne compensent plus les pertes de marges. Alors que la FSPF annonce que 50 millions d’euros de marge seraient réinjectés dans l’économie officinale avec les propositions faites par l’assurance-maladie, il faut plutôt prévoir une perte de marge supérieure à 500 millions d’euros si ce système est appliqué. Il faut par ailleurs signaler que les simulations sont faites sur une situation figée ne tenant pas compte de l’évolution régulière de la structure des dispensations, qui voit, entre autre, l’augmentation régulière d’une année sur l’autre du pourcentage des dispensations ALD, qui fait que la perte de marge théorique peut être réduite, si toutefois l’État prend l’engagement de ne plus baisser les prix des médicaments.
Pour financer les 47 centimes d’euro et avoir la certitude de ne pas avoir de perte de marge, il faut simplement enlever 47 centimes de marge à chaque médicament remboursable, ce qui est aisément faisable puisqu’actuellement on rajoute 53 centimes de forfait. Ainsi les quelque 1,3 milliard nécessaire pour arriver à 1 euro d’honoraire par boîte serait intégralement financé.
D’autre part il faut détacher l’honoraire de dispensation du prix de remboursement ce qui ferait économiser environ 55 millions supplémentaires grâce à la TVA. Si la situation restait en l’état avec un honoraire à 1 euro, il représenterait moins de 30 % de la rémunération pour les dispensations aux malades en ALD et plus de 52 % pour les autres patients. Cet honoraire représenterait 100 % de la rémunération pour prés de 200 millions de dispensations.
Comprendre d’abord le fonctionnement de notre marge.
Plus la difficulté de l’ordonnance est élevée et plus la part de l’honoraire baisse dans la rémunération ce qui est illogique et qui est la conséquence de la MDL. En redistribuant les 2,5 milliards d’euros en véritable honoraire de dispensation on pourrait remédier à cet illogisme en affectant un honoraire de 10,50 euros aux 150 millions de dispensations effectuées auprès des malades ALD (50 % de la rémunération) et un honoraire de 2,50 euros pour les 465 millions de dispensations restantes (37 % de la rémunération). Pour les ordonnances de plus de 5 lignes un honoraire de 11 euros pourrait être mis en place.
Alors que nos voisins européens, comme l’Allemagne ou la Belgique, sont passés relativement facilement à un honoraire de dispensation parce qu’ils disposaient d’une rémunération linéaire, nous devons en priorité chercher à comprendre le fonctionnement économique de notre marge pour élaborer un plan précis permettant de passer d’une rémunération inégalitaire ne répondant pas à l’analyse linéaire à une rémunération à l’honoraire d’essence linéaire. Cette étape est indispensable et peut permettre une réorganisation de notre réseau autour d’une vraie rémunération de professionnel de santé à la condition toutefois que nos syndicats soient convaincus qu’il nous faut abandonner notre modèle devenu trop commercial pour un modèle libéral permettant de percevoir des honoraires sans la pression commerciale que nous connaissons actuellement.
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