LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. – Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année prochaine sera présenté en conseil des ministres dans quelques jours. Ce cru 2013 vous inquiète-t-il ?
GILLES BONNEFOND. – Oui, car on sait très bien que le poste Médicament va être, cette année encore, mis à contribution. Cela a été clairement annoncé par les ministres du Budget et de la Santé. D’où, selon nous, la nécessité de passer un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État. La profession a besoin de visibilité pour s’engager dans la réforme du métier et de la rémunération prévue par la nouvelle convention pharmaceutique. Pour nous, c’est clair : si Marisol Touraine considère que la profession est inutile pour les patients et doit être sacrifiée, elle ne signera pas de contrat ; dans le cas contraire, nous trouverons un accord avec la ministre de la Santé pour les cinq ans à venir. En effet, nous devons connaître les intentions des pouvoirs publics pour notre profession et quels moyens ils sont prêts à nous accorder pour que cette réforme soit réussie. Si nous n’avons pas de visibilité à moyen terme, nous ne pourrons pas nous engager dans la mise en place progressive d’une part d’honoraires de dispensation, part qui doit atteindre 25 % à l’horizon 2018. D’ailleurs, compte tenu de la situation économique actuelle du réseau, nous nous opposons à l’idée de transférer dès 2013 12,5 % de notre marge vers l’honoraire. Pour nous, cela revient à rouler à 130 km/h dans le brouillard, c’est-à-dire courir à la catastrophe.
Quelle part l’honoraire doit-il représenter selon vous dans un premier temps ?
Il n’est pas nécessaire de fixer des objectifs qui sont de toute façon intenables. En fait, nous partons du principe que rien ne doit venir diminuer la rémunération actuelle des pharmaciens. En clair, la marge du réseau, qui s’élève aujourd’hui à 5,5 milliards d’euros, doit être maintenue pour les cinq ans à venir. Si le prochain PLFSS vient amputer la marge de la pharmacie de 300 ou 400 millions d’euros via des baisses de prix, l’introduction d’honoraires doit venir compenser cette perte. Ce qui représente déjà 5 à 6 % de la rémunération. La part d’honoraires doit tenir compte du contexte et de la conjoncture. Les 12,5 % ne correspondent à aucune réalité. Pire, sans maintien de l’enveloppe de 5,5 milliards d’euros, l’introduction brutale d’honoraires revient à prendre de la marge à certains pharmaciens pour la redonner à d’autres. Ce qui, à nos yeux, est inacceptable.
La nouvelle convention prévoit également une restructuration du réseau. Où en êtes-vous aujourd’hui avec l’assurance-maladie ?
Pour l’instant nous cherchons à faire une photographie du réseau, à déterminer les zones dans lesquelles des pharmaciens sont exposés, notamment en raison de leur environnement médical. Après seulement, nous verrons comment il est possible d’aider ces pharmacies à se restructurer. Aujourd’hui, nous disposons de deux outils : le regroupement et la procédure de rachat-destruction de licence. Ces outils n’ont pas encore donné leur plein rendement. Il nous paraît donc avant tout nécessaire de faire preuve de pédagogie envers les pharmaciens pour justement les informer de l’existence de ces outils. Quoi qu’il en soit, nous sommes opposés à la disparition programmée de 10 ou 15 % des officines, comme le proposait un récent rapport de l’IGAS et de l’IGF. Cela n’a pas de sens. Car ce ne sont pas obligatoirement les pharmacies en surnombre qui vont être éliminées, mais celles qui sont endettées et qui n’ont plus le soutien des banquiers. Le pacte de confiance que nous souhaitons passer avec Marisol Touraine permettra aussi d’envoyer un signal positif en direction des banques qui sauront où va notre profession.
En ce qui concerne la substitution générique, où en est l’accord que vous souhaitiez signer avec les médecins ?
La balle est dans le camp de l’assurance-maladie. Nous attendons que son directeur général, M. Frédéric van Roekeghem, nous transmette enfin un texte à partir duquel nous pourrons discuter avec les médecins. Cet accord est essentiel si l’on veut augmenter encore le taux de substitution en France, même si l’accord tiers payant contre générique mis en place au début de l’été nous a permis de relancer fortement la machine. Aujourd’hui, nous avons dépassé la barre des 80 % au niveau national. Il reste toutefois encore de petits problèmes à régler dans quelques départements où les caisses sont allées parfois trop loin dans l’application de la mesure. Il nous faut aussi éclaircir la situation avec les associations de patients et mettre fin une bonne fois pour toutes à ce débat sur la qualité des génériques. Oui, les génériques sont des produits fiables et efficaces.
Plus largement, quelles sont vos priorités pour les prochaines semaines ?
Il faut que l’on arrache ce contrat avec Marisol Touraine afin que le PLFSS 2013 ne soit pas un PLFSS de plus contre nous. Nous disons « stop, la coupe est pleine ». Les pharmaciens ne peuvent pas être d’éternels contributeurs aux dépassements de l’ONDAM générés par d’autres. Car cela fait cinq ans que l’on tape sur la pharmacie d’officine. À l’heure où la profession est prête à s’engager dans une réforme importante, nous demandons simplement que l’on nous donne les moyens de cette ambition. Mais ce n’est pas tout. Le réseau doit aussi préserver toutes ses activités, en particulier la dispensation de médicaments aux maisons de retraite. Le dossier de la préparation des doses à administrer doit également trouver une issue favorable. Enfin, nous devons être capables à travers la formation continue, d’apporter des services complémentaires aux patients. Une fois ces conditions réunies, la profession entrera à nouveau dans une spirale positive. Nous, les contrats nous savons ce que c’est et nous savons les respecter, comme nous l’avons fait pour le générique. Les pouvoirs publics ont tout à gagner à jouer la carte du pharmacien.
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