« DANS SA LETTRE À l’IGAS, Xavier Bertrand indiquait qu’il fallait s’inspirer d’exemples étrangers. Or, nos amis Canadiens, et en particulier Québécois, ont pris de l’avance. Depuis presque quarante ans, les pharmaciens au Québec ont une rémunération à l’acte et non une rémunération tarifaire basée sur le prix des médicaments », explique l’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski.
La valorisation de l’acte intellectuel du pharmacien a vu le jour en 1971, avec le remplacement de la marge par un taux fixe par médicament, indépendant du coût du produit. La même année, décision est prise pour que les pharmaciens soient aussi rémunérés lorsqu’ils refusent d’exécuter une ordonnance jugée non appropriée. Les Québécois vont plus loin dès 1978, en rémunérant l’opinion pharmaceutique, une recommandation écrite de l’officinal au prescripteur pour arrêter ou modifier un traitement. Depuis 2003, les pharmaciens perçoivent également une rémunération pour la « consultation rattachée à la délivrance de la contraception orale d’urgence ». Des avancées qui ont fortement inspiré l’esprit de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). « Il est intéressant de regarder ce cheminement parce que c’est ce qui va probablement s’opérer chez nous, mais dans un laps de temps très court », note l’économiste.
Ordonnance collective.
La loi québécoise réserve aux pharmaciens un certain nombre d’activités bien précises : émettre une opinion pharmaceutique, préparer les médicaments, les vendre (délivrance à l’unité près), surveiller la thérapie médicamenteuse, prescrire un médicament à des fins de contraception orale, initier ou ajuster selon une ordonnance la thérapie médicamenteuse, « en recourant, le cas échéant, aux analyses de laboratoires appropriées ».
Parmi toutes les activités spécifiques au pharmacien québécois, l’une d’elles n’est cependant pas reprise par la législation française. « Il s’agit de l’ordonnance collective, un dispositif dans lequel le médecin décrit un ensemble de symptômes ou de situations particulières auxquelles un pharmacien peut se trouver confronté et pour lesquels il définit, dans cette ordonnance qui n’est pas nominative, les objectifs thérapeutiques, un protocole de traitement et les situations pour lesquelles le pharmacien devra renvoyer les patients au médecin. » Bien que collective, c’est bien une ordonnance qui, en tant que telle, sera remboursée par le financeur.
Efficacité et tolérance.
Plus concrètement, la rémunération du pharmacien québécois lui permet de recevoir 7,80 dollars canadiens par ligne prescrite « quels que soient le prix du médicament et la quantité servie ». Il reçoit les mêmes honoraires lorsqu’il refuse la délivrance d’une ordonnance pour des raisons de contre-indication, d’interaction ou de dosage non adéquat. Ses honoraires sont doublés lorsqu’il émet une opinion pharmaceutique en direction du prescripteur. De plus, pour certains médicaments comme les antihypertenseurs ou tout autre médicament pour lesquels l’atteinte de l’objectif peut-être évaluée rapidement, lors d’une première délivrance et lorsque la prescription concerne un traitement pour un mois, le pharmacien ne donne qu’une semaine de traitement et demande au patient de revenir après sept jours de prise pour faire le point sur l’efficacité et la tolérance du médicament. « Si tout est en ordre, il délivre les trois semaines de traitement restantes en percevant une seconde rémunération. Ainsi, on ne laisse pas le patient exposé des semaines ou des mois à un nouveau traitement ou à une nouvelle posologie, sans que le pharmacien n’ait eu l’occasion de vérifier que l’efficacité et la tolérance escomptées sont au rendez-vous. »
Petit pays…
La nomenclature mise en place pour les actes des pharmaciens est très complète. « Il y en a des pages et des pages. Par exemple, pour les 40 500 ordonnances que traite un pharmacien, il touche 8,44 dollars canadiens pour exécuter ou renouveler une ordonnance, mais s’il dépasse 40 500 ordonnances, il ne perçoit plus que 7,89 dollars canadiens. Si c’est pour une maladie chronique, le tarif est différent, puisqu’on admet que le conseil n’est pas le même. »
Tout cela est pris en charge par l’assurance-maladie obligatoire ou facultative, mais il existe également des rémunérations en sus, par exemple pour les programmes de suivi. « L’association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a développé un programme d’anticoagulothérapie, ou un programme d’évaluation thérapeutique avec la revue complète de la pharmacothérapie. L’AQPP propose une rémunération mais ne l’impose pas, chaque pharmacien fixe librement ses honoraires et la facture est susceptible d’être remboursée par un certain nombre d’assureurs privés qui assurent au Québec plus de la moitié des patients, elle n’est pas prise en charge par un assureur public. »
Pharmaciens, payeurs et patients semblent satisfaits de ce fonctionnement. Pour autant, serait-ce applicable en France ? « Le Québec est un bien plus petit pays que la France, avec une population plus faible que celle de la Belgique. C’est le système québécois mais chaque province canadienne est libre de s’organiser comme elle le souhaite. Ce système fonctionne bien sur un petit pays hautement civique… »
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