Les syndicats représentant la profession ont obtenu, dans le cadre des négociations sur la nouvelle convention pharmaceutique, un alignement sur le tarif accordé aux médecins concernant la prescription, l’injection et le renseignement dans la base d’information de tout vaccin pour les adolescents et les adultes. Une perspective qui fait monter dans les tours de nombreux médecins, qui n'y vont pas de main morte pour critiquer les pharmaciens.
Suite aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), les pharmaciens vont bientôt voir leurs compétences vaccinales élargies à sept vaccins supplémentaires *. Pour cet acte, les officinaux percevront 7,50 euros si le patient présente une ordonnance médicale et 9,60 euros s'ils sont eux-mêmes prescripteurs et doivent vérifier l'éligibilité de la personne. Le « Quotidien du médecin » a voulu savoir quel regard portaient les généralistes sur ces évolutions et le moins que l'on puisse dire c'est que, pour nombre d'entre eux, la pilule a du mal à passer. « Les pharmaciens s'achètent une vertu en se faisant passer pour des professionnels de santé. Bercy les considère sur un plan fiscal comme des commerçants », tance un premier internaute, non sans sarcasme.
Ce renforcement des compétences du pharmacien est vu par de nombreux généralistes comme une évolution dangereuse pour la santé des patients. Les résultats probants de la vaccination antigrippale et anti-Covid en officine ne les ont visiblement pas tous convaincus. « On délègue les actes médicaux au pharmacien pour soi-disant apporter une solution au désert médical… Aucun contrôle n'est fait par la suite pour vérifier que c'est bien lui qui fait ces actes et pas son préparateur en pharmacie… Les médecins récupèrent de plus en plus des conjonctivites et des cystites mal soignées… », dénonce un médecin, repris aussitôt de volée par un pharmacien. « Ce n'est certainement pas le pharmacien qui les a mal soignés, car nous ne pouvons délivrer sans ordonnance aucun antibiotique. (...) La réalité, que vous ne voulez pas reconnaître et admettre, c'est que la plupart de ces pathologies mal soignées ou aggravées, sont la conséquence des difficultés d’accès aux soins. On manque de médecins, alors forcement il y a de la casse, mais SVP ne rejetez pas la faute sur les pharmaciens », argumente cet officinal, dont la réponse rappelle justement que l'élargissement des compétences vaccinales du pharmacien a notamment été décidé pour répondre à la problématique de l'accès aux soins.
Les échanges entre les professions des deux camps, s'ils ne sont pas représentatifs de la pensée de tous, donnent tout de même une idée du niveau de défiance des médecins envers les officinaux. « Si c'est faire la même chose (...) il est normal de rémunérer pareil », estime un pharmacien. « Vous ne faites pas la même chose que le médecin, rétorque l'un d'entre eux. Le médecin ne pousse pas un patient à acheter des produits qu'il sait inefficaces… ». Une remarque que les pharmaciens sauront apprécier. Pour démontrer que les officinaux sont avant tout des commerçants selon eux, certains médecins font référence aux méga pharmacies ou à des affaires de fraude impliquant des membres de la profession. Ou quand des exceptions sont promues au rang de généralité. « J'attends de pouvoir me faire vacciner à la parapharmacie Leclerc… », ironise un médecin qui n'est pas parvenu à éviter le piège de l'amalgame.
Des praticiens se demandent ainsi comment les pharmaciens parvenaient à s'occuper avant la crise sanitaire qui les a vus vacciner et tester massivement. « Au vu de la crise du Covid et la mobilisation des pharmaciens on peut supposer qu'avant ils avaient beaucoup de temps libre », ironise un médecin… Du côté des généralistes, la peur du déclassement explique en partie ces réactions épidermiques. « Dans quelques années, les médecins en auront du "temps médical", ils auront même du temps tout court, d'ailleurs », prédit un médecin inquiet.
Certains prescripteurs comprennent toutefois pourquoi les autorités sanitaires ont décidé de renforcer les compétences vaccinales du pharmacien. « Le gouvernement a fait le choix de s'appuyer sur les pharmaciens pour ses campagnes de santé publique car ils ont du personnel que les médecins ne peuvent pas se payer, leurs horaires d'ouverture sont amples, ils ont un maillage du territoire du fait des limitations de la concurrence alors que les généralistes prennent des vacances et ferment leur cabinet, n'ont pas vraiment la fibre santé publique, sont généralement critiques et réticents vis-à-vis des pouvoirs publics, des ARS et de l'assurance-maladie, ne sont pas faciles à "manager", ne font pas ce qu'on leur dit de faire… », explique un praticien, qui n'est peut-être pas le seul à partager cette analyse.
*diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite ; papillomavirus humains ; pneumocoque ; hépatite B ; hépatite A ; méningocoques A, C, W, Y ; grippe.
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