En 2023, le réseau a encore perdu un plus de 500 officines, pour s’établir dorénavant à 17 500 pharmacies, soit près de 20 % de moins qu’il y a 15 ans, ou 10 % de moins qu’en 2014. Pire encore, selon le président du syndicat de la profession, le Deutscher Apothekerverband (DAV), Hans-Peter Hubmann, « une officine sur trois est en grand danger économique », essentiellement en raison de l’augmentation générale de leurs coûts et des charges aggravée par la non-revalorisation de leurs honoraires. L’ABDA, l’association faîtière des pharmaciens, redoute que le nombre d’officines tombe à 14 000, voire 10 000, dans les cinq prochaines années, pour 84 millions d’habitants !
Une officine sur trois est en grand danger économique, en raison de l’augmentation des charges aggravée par la non-revalorisation des honoraires.
Un titulaire sur quatre gagne moins qu’un adjoint
L’an dernier, le chiffre d’affaires moyen a certes progressé de près de 7 % pour atteindre 3,5 millions d’euros – 64 % des pharmacies étant toutefois en deçà de ce dernier-, mais c’est uniquement « grâce » aux fermetures des pharmacies dont la patientèle s’est repliée sur les officines les plus proches. On constate d’ailleurs que les pharmacies s’éloignent de la population, au sens propre du mot, en raison des fermetures d’officines : entre 2018 et 2023, le nombre d’habitants devant parcourir entre 2 et 5 kilomètres pour atteindre une pharmacie a augmenté de 2 millions, et de 500 000 pour ceux devant faire plus de 5 kilomètres, même si plus de la moitié de la population continue de vivre à moins d’un kilomètre d’une officine.
Si le chiffre d’affaires progresse, le résultat net avant impôt connaît, lui, une baisse inquiétante : il s’est établi en 2023 à 147 879 euros, le pire chiffre depuis 2011, année marquée par un plan de rigueur sans précédent, mais provisoire. Selon les statistiques du DAV et des centres de gestion, un titulaire sur trois gagne désormais moins qu’un pharmacien hospitalier, un sur quatre moins qu’un adjoint, et un sur dix n’a rien gagné du tout, ou perdu de l’argent en 2023. Les indemnités tirées des gardes de nuit et de week-end représentent jusqu’à 25 % des revenus des titulaires les moins bien payés.
Des « pharmacies sans pharmaciens »
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les pharmaciens sont sous le coup d’un arrêt de la Cour de Justice Fédérale qui, au nom de la concurrence, vient de limiter les remises consenties par les grossistes aux pharmaciens aux seuls achats de médicaments remboursables. Cette mesure devrait coûter entre 5 000 et 10 000 euros à chaque pharmacie, estime le DAV.
Le ministre de la santé Karl Lauterbach a certes promis de préparer une réforme portant sur la rémunération des pharmacies, avec une hausse de l’honoraire en contrepartie d’une baisse de la marge de 3 % qui complète ce dernier, mais selon les évaluations présentées par le syndicat, cette réforme ne se traduira que par une hausse de… 800 à 1 200 euros par an du revenu du titulaire. Seule lueur d’espoir, le projet du ministre d’ouvrir des « pharmacies sans pharmaciens », tenues uniquement par des préparateurs, connectés à distance à une pharmacie principale, semble avoir du plomb dans l’aile. L’ABDA a fait réaliser une étude juridique qui montre que le fait de proposer des médicaments à la vente en dehors de la présence d’un pharmacien diplômé pourrait constituer une atteinte au principe de protection de la santé qui incombe à l’État et, de ce fait, se retrouver contraire la Loi fédérale. Cet angle juridique vient s’ajouter aux nombreuses critiques politiques lancées contre le projet, alors même que le Bundestag, la chambre basse du parlement allemand, commence ces jours-ci à en étudier le principe. Pour cette raison d’ailleurs, les syndicats régionaux de plusieurs Länder avaient appelé leurs adhérents, toute cette semaine, à porter une chemise rouge dans leur officine, afin de bien montrer aux patients que « les pharmaciens voient rouge » face à ce projet.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Cas de comptoir
Douleur et fièvre au comptoir
Gestion comptable
Fidéliser sa clientèle ? Oui, mais pas à n’importe quel prix