Au comptoir, les enjeux liés à l'environnement ne peuvent plus être ignorés aujourd'hui. La convention pharmaceutique du 9 mars 2022 consacre en effet un article entier aux enjeux écologiques et de développement durable. « L'implication des pharmaciens dans la limitation de l'impact environnemental de leur activité constitue une priorité pour les partenaires conventionnels », précise clairement l'article VII de la convention, titré : « le pharmacien, acteur de l'écologie ». L'assurance-maladie a voulu verdir la convention pharmaceutique et assigne aux officinaux différents objectifs en matière d'écoresponsabilité. Parmi les points les plus importants : « l'implication dans les différentes filières de collecte de médicaments non utilisés, de tri et de recyclage et notamment la mise en œuvre de la collecte des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés, perforants ou électroniques pour les patients en autotraitement ou produits par les soins pharmaceutiques et les utilisateurs des autotests ».
DASTRI et les syndicats trouvent enfin un terrain d'entente
Après des mois de tâtonnement, suite au désengagement de l'État qui a cessé depuis septembre de prendre en charge la collecte des déchets produits par les pharmaciens, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a signé le 21 février les deux nouvelles conventions proposées par l'éco-organisme DASTRI. La collecte des déchets d'activité de soins à risque infectieux des patients en autotraitement et celle des déchets produits par les officinaux (vaccination, dépistage), interrompues depuis le 1er janvier, ont donc pu reprendre. Président de la FSPF, Philippe Besset a tenu à insister sur l'importance de cette action du point de vue environnemental, invitant tous les titulaires à se rallier à cette solution écologique de la chaîne du médicament.
Néanmoins, l'USPO a décidé, de son côté, de ne pas signer la convention hors agrément concernant les déchets de soins à risque infectieux produits par les pharmacies d’officine. S'il refuse l'idée de payer les frais administratifs demandés par l'éco-organisme DASTRI, le syndicat présidé par Pierre-Olivier Variot a aussi des doutes sur la manière dont la collecte va désormais se dérouler. « La seconde convention limite la collecte des DASRI aux vaccins. Les autres DASRI existants ou pouvant arriver sur le marché ne seront donc pas collectés dans le même camion. Dans une démarche écoresponsable, et afin de simplifier le travail des pharmaciens, il est impératif de ne pas mobiliser un camion de collecte pour chaque catégorie de DASRI », estime l'USPO. Reste à voir si ces craintes seront fondées ou non.
Mettre en place « un programme de développement durable » dans son officine
Si elle constitue une part importante de l'engagement des pharmaciens en matière d'écoresponsabilité, la collecte des déchets d'activité de soins à risque infectieux n'est qu'un élément parmi d'autres. Comme le stipule l'article VII de la convention pharmaceutique, « le programme de développement durable » que le titulaire est incité à mettre en place en impliquant son équipe fixe des objectifs bien plus larges : « l'utilisation d'ampoules basse consommation et l'extinction des lumières en dehors des horaires d'ouverture et des périodes de garde et d'urgence » ; « la réduction des déchets d'emballage et des sacs distribués aux patients » ; « la limitation des impressions et l'utilisation de produits d'entretien à faible impact environnemental » ; « une politique d'achat responsable, consistant à privilégier des fournisseurs choisissant des emballages mono-matériau et recyclables, et en privilégiant les fournisseurs locaux s'ils existent » ; « la diminution des transports, en optimisant les commandes de produits afin de limiter l'impact environnemental des livraisons » : ou encore « privilégier le choix de produits dont la composition et l'origine des matières premières sont connues ». Sans oublier la sensibilisation des patients sur le gaspillage mais également le déploiement de la dispensation à l'unité (DAU).
Les pharmaciens sont donc invités à revoir un certain nombre de leurs pratiques quotidiennes. « Cette volonté de l'assurance-maladie de verdir la convention nous a un peu surpris au départ, admet aujourd'hui Fabrice Camaioni, vice-président de la FSPF. Cela dit, l'écologie est un aspect que nous sommes obligés de prendre en compte aujourd'hui, il est difficile d'éviter le sujet. Dans notre vie personnelle comme professionnelle, il y a un certain nombre d'actes que l'on avait déjà commencé à adopter : sur l'éclairage, le tri des déchets, le chauffage… Cependant, comme cela peut être le cas avec la démarche qualité par exemple, lorsqu'on s'auto-évalue on prend conscience qu'il existe de nombreuses pistes d'amélioration », souligne-t-il. Pour Fabrice Camaioni, la dernière convention pharmaceutique a indiscutablement permis d'accélérer le développement de ces bonnes pratiques.
S'auto-évaluer sur son niveau d'écoresponsabilité
Pour aider les officinaux à savoir où ils se situent en matière d'écoresponsabilité, l'assurance-maladie a justement conçu un questionnaire intitulé « Programme de développement durable 2023 ». Envoyé aux pharmaciens dans le courant du mois de février, il liste les différentes actions qui peuvent être menées pour sensibiliser les patients, notamment contre le gaspillage et l'impact environnemental des médicaments, et offre un panorama de l'ensemble des éco-gestes qui peuvent être facilement appliqués par l'équipe officinale. « Il faut prendre certaines habitudes, c'est une remise en question de ce que l'on fait tous les jours », observe Fabrice Camaioni. Installé dans les Ardennes, il a profité de récents travaux pour installer des ampoules LED et un double vitrage. Il utilise davantage sa climatisation réversible, moins gourmande en énergie, et sensibilise son équipe sur l'importance du tri. « L'axe écologique de la convention nous a fait réfléchir mais le coût de l'énergie et le risque de délestage pour cet hiver nous ont aussi fait prendre conscience que nous devions vraiment arrêter de laisser tous les postes allumés le soir au moment de partir ou de garder la lumière allumée dans certaines pièces, même si nous n'y allions que quelques minutes par jour. »
Pour Fabrice Camaioni, plusieurs solutions existent si l'on veut inciter encore davantage les pharmaciens à adapter leur exercice quotidien aux problématiques environnementales. « Il faut favoriser le partage d'expériences entre pharmaciens, mais aussi éviter les discours trop extrêmes qui sont contre-productifs, notamment quand on s'adresse aux pharmaciens plus âgés qui ne sont pas nés à une époque où les préoccupations écologiques étaient présentes et qui peuvent ressentir une certaine usure vis-à-vis d'un métier qui a énormément changé ces dernières années. Il faut aussi avoir conscience de la situation de certaines pharmacies. Il est difficile de demander à une officine dont le chiffre d'affaires s'effondre d'entreprendre des travaux pour changer son système d'éclairage », rappelle-t-il à titre d'exemple.
Des progrès à faire pour les industriels
Les pharmaciens sont aussi impuissants face à certaines pratiques aberrantes du point de vue écologique. « Aujourd'hui avec toutes les ruptures que nous subissons, toutes les commandes que nous passons sont incomplètes, ce qui entraîne des reliquats et donc la multiplication des livraisons. Les industriels nous livrent de gros cartons avec quelques échantillons et une affiche à l'intérieur, il y aurait un travail à mener avec eux pour qu'ils évoluent sur ces pratiques. » D'autres initiatives qui semblent pertinentes en termes de réduction des déchets peuvent aussi s'avérer contre-productives. « La DAU peut être pertinente pour les antibiotiques, pour limiter le mésusage. Néanmoins, il ne faut pas que cela soit fait de manière anti-écologique. Si on doit délivrer un médicament à l'unité en utilisant un sachet et une épithète de la taille d'une feuille A4 pour préciser tous les renseignements, ce n'est pas mieux du point de vue écologique, bien au contraire », fait remarquer Fabrice Camaioni.
Associer les différentes générations de pharmaciens
Lorsqu'on évoque le thème de l'écoresponsabilité, les jeunes pharmaciens et leurs confrères et consœurs plus expérimentés sont souvent opposés. Si les jeunes générations sont sans doute mieux sensibilisées aux problématiques environnementales, l'ensemble de la profession doit avancer ensemble. C'est le but affiché par l'alliance PHORSE, récemment créée par les syndicats de pharmaciens (FSPF et USPO), l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et une association de patients (AFLAR). Son but : communiquer sur les défis planétaires en matière de santé et promouvoir auprès des patients les stratégies à adopter pour préserver sa santé, l’environnement et la planète. L'alliance PHORSE a l'ambition de proposer rapidement des pistes d’actions avec et pour les pharmacies autour de 3 thèmes : la santé et l’environnement, l’énergie, les déchets et la préservation de la planète. Une preuve de plus que l'écoresponsabilité et la préservation de l'environnement sont devenues incontournables aujourd'hui dans l'univers de la pharmacie.
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