Le constat est le même au dernier trimestre 2021 que fin 2020. L’officine possède une capacité d’adaptation sans commune mesure pour faire face à l’adversité. La crise n’est pas encore terminée mais les pharmaciens peuvent être « fiers du travail accompli », souligne Philippe Besset, président de la Fédération de syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui n’en oublie pas moins la fatigue générale du réseau, une fatigue « saine, issue de l’effort fourni ». C’est pourquoi Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) tient à remercier la profession : « On a tenu la barre, 18 mois c’est long, et ce n’est pas fini ! »
Cette capacité à s’adapter à toutes les missions, de la distribution de masques à la fabrication de gel hydroalcoolique en 2020, à la vaccination contre le Covid-19 et la réalisation massive de tests antigéniques en 2021, a aussi permis à la profession de tenir économiquement. Car si les marchés de l’officine ont été touchés par la crise – la FSPF estime actuellement la perte sur le médicament en 2021 entre 100 et 200 millions d’euros – le réseau tire son épingle du jeu grâce à son investissement dans les actes de prévention. « La vaccination, la délivrance du matériel de protection, les masques et les dépistages anti-Covid vont rapporter au moins 1 milliard d’euros au réseau. L’assurance-maladie dit que ce sera beaucoup plus, mais nous verrons », détaille Philippe Besset. Selon l’observatoire de la rémunération, celle-ci passerait ainsi de 6,5 milliards à 8 milliards d’euros pour l’ensemble du réseau. Ce que la FSPF considère être « une base solide pour les négociations conventionnelles » qui démarrent.
Champions de la vaccination
« Nous avons obtenu l’ouverture d’une grande négociation conventionnelle quinquennale, en avance de phase par rapport à la période traditionnelle de janvier à mars, juste avant l’élection présidentielle donc et qui n’est pas le bon tempo », précise Philippe Besset. Reste que les délais sont serrés, comme le rappelle Gilles Bonnefond, porte-parole de l’USPO. « La négociation doit être terminée aux alentours du 15 janvier, au-delà il sera très difficile de signer en raison de la présidentielle. » Philippe Besset est confiant quant au respect des délais. « C’est jouable car on a déjà tout dans nos cartables et je ne doute pas qu’on arrive à travailler ensemble et vite. Ce qui prendra plus de temps c’est de s’accorder sur le volet économique. » Tout comme Pierre-Olivier Variot, il se réjouit des six axes de travail retenus par l’assurance-maladie pour la future convention pharmaceutique, en particulier l’axe de la prévention. « Nous devons prendre en main tout le champ de la prévention en officine : tous les vaccins, les dépistages, la distribution des matériels », insiste-t-il.
L’USPO le rejoint sur ce point. « Tout ce qu’on a fait en termes de vaccination et de dépistage pendant la crise ne doit pas être un one-shot mais s’inscrire dans le temps. On n’aura pas toujours le dépistage du Covid mais nous devons en avoir d’autres comme l’hypertension, le cholestérol, le sida, les hépatites, le diabète… Il est d’ailleurs inadmissible qu’aujourd’hui nous ne puissions pas faire une glycémie capillaire en dehors de la semaine ou du mois du diabète ! », défend Pierre-Olivier Variot. Quant à la vaccination, là encore l’officine a largement fait ses preuves, d’abord avec la grippe et maintenant le Covid. « Quel est l’effecteur de ville qui a tiré la vaccination Covid vers le haut ? C’est le pharmacien, et pas qu’un peu. Nous sommes les plus vaccinateurs alors que nous sommes moins nombreux que les médecins et que les infirmiers. Il paraît donc complètement légitime qu’on nous confie toute la vaccination », ajoute le président de l’USPO.
Des missions à déployer
La FSPF n’en oublie pas pour autant le cœur de métier : la dispensation. « C’est le métier socle du pharmacien, on doit la faire évoluer en améliorant la qualité, que ce soit par la dispensation à domicile, la préparation des doses à administrer (PDA), la délivrance de médicaments hospitaliers préparés par les pharmacies à usage intérieur ou encore les accompagnements patients. » Pierre-Olivier Variot espère d’ailleurs que la nouvelle convention permettra de rattraper le retard pris « conventionnellement parlant » sur les dossiers de la dispensation à domicile et de la PDA, sur lesquels les pharmaciens sont prêts de longue date, et espère voir avancer l’engagement du réseau dans le cancer colorectal et le sevrage tabagique.
Mais encore faut-il que les confrères se saisissent des missions qui leur ont été confiées. En effet, regrette Philippe Besset, les bilans partagés de médication (BPM) devraient représenter bien plus que « 1 ou 2 millions d’euros dans les 6,5 milliards d’euros de rémunération annuelle du réseau ». Selon ses calculs, si tous les pharmaciens s’y investissaient au même niveau que son prédécesseur, Philippe Gaertner, les BPM représenteraient 260 millions d’euros de rémunération pour le réseau. « Il est anormal qu’il n’y ait que 10 000 pharmacies qui fassent les tests, il est anormal qu’il n’y ait que 15 000 pharmacies qui vaccinent, il est anormal qu’il y ait si peu de pharmacies qui réalisent des bilans de médication. Nous ne pouvons pas sans cesse créer de nouvelles missions si elles ne sont pas déployées. Ce déploiement est donc la clé d’un nouveau modèle économique pour la pharmacie de demain », lance Philippe Besset en appelant tous les acteurs, et en particulier les groupements de pharmaciens, à les y aider.
Évolution de la rémunération
Autre axe « fondamental » pour l’USPO : le développement de la médication officinale par la voie du pharmacien de premier recours. « Pour être pris en charge, le patient n’a aujourd’hui d’autre choix que le médecin ou les urgences. La pharmacie doit aussi être une porte d’entrée dans le système de soin, avec une prise en charge par le régime obligatoire et/ou complémentaire. Le pharmacien de premier recours doit être pérennisé et rémunéré. Aujourd’hui quand on retire une tique ou une écharde, on le fait en toute illégalité, il faut que cela change », martèle Pierre-Olivier Variot. Il souhaite également remettre sur la table la rémunération du pharmacien correspondant et son déploiement limité à l’exercice coordonné. Et veut reprendre la main sur le matériel médical, actuellement sous la férule quasi-exclusive des prestataires de soins à domicile. « Le libre choix du patient doit être respecté ! »
Les syndicats vont aussi travailler, dans le cadre conventionnel, sur la poursuite de l’évolution de la rémunération, dans le but de la rendre moins perméable aux baisses de prix et de volume des médicaments. Pour Pierre-Olivier Variot, l’avenant 11 a permis de redonner « visibilité et croissance à l’économie de l’officine » sans lesquelles les nouvelles missions n’avaient pas d’avenir et sans quoi « on n’aurait jamais été prêts à affronter la crise sanitaire ». Reste cependant un point essentiel à faire progresser pour permettre aux pharmaciens de s’investir pleinement auprès de leurs patients. « Nos logiciels métier doivent évoluer, ils sont basés sur la gestion des commandes et du tiers payant, il faut qu’ils répondent maintenant à la gestion des patients, il faut qu’on puisse se connecter via le LGO aux plateformes d’enregistrement des tests et vaccins », ajoute Pierre-Olivier Variot. Une transformation qui occupe une part importante du Ségur du numérique.
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