Le Quotidien du pharmacien.- Comment interprétez-vous l'absence de notification de la part de l'État français ?
Me Sébastien Beaugendre.- La chose est incompréhensible car l’État français, devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, vigoureusement défendu la possibilité de soumettre aux règles françaises un pharmacien ressortissant d’un autre État membre exerçant le commerce électronique de médicament en France. Or l’État sait que pour rendre ses règles impérieuses opposables à un pharmacien d’un autre État membre (ici hollandais), il doit préalablement les notifier aux autres États membres et à la Commission européenne.
Après avoir obtenu de la CJUE une excellente décision, mes clients, l’UDGPO, l’AFPEL et des pharmaciens qui ont agi dans l’intérêt de la profession, voient leurs efforts ruinés par l’incurie de l’État français qui s’est abstenu de notifier ou, à supposer qu’il l’ait fait, n’en a informé personne, ni les parties, ni la cour d’appel de Paris saisie de l’affaire. Dans les deux cas la chose est éminemment regrettable.
La situation est-elle irréversible ?
Non. La CJUE a dit le droit. La notification entre États membres et auprès de la Commission peut intervenir à tout moment. La balle est dans le camp du ministère de la Santé qui peut empêcher – pour l’avenir - les effets délétères de cette absence de notification.
Pourriez-vous exposer ce que cela impliquerait alors pour la profession ?
Le réseau officinal français se trouve soumis à une « discrimination à rebours ». Ce qui n’est pas tolérable. Une concurrence loyale suppose que les « règles du jeu » soient les mêmes pour toutes les pharmacies qui agissent sur un même marché (ici français).
Pour rétablir une égalité de traitement il n’y a que deux voies : soit soumettre les pharmacies étrangères aux règles françaises nécessaires à la santé publique, ce qui suppose la notification par l’État français de ces règles ; soit modifier les règles françaises, notamment en matière de publicité, pour que les officinaux français puissent faire en France ce qu’un pharmacien d’un autre État membre (hollandais ou belge notamment) peut faire en France par application de son propre droit national. C’est cette voie qu’a empruntée, le 17 mars dernier, le Conseil d'État lorsqu’il a mis fin à l'interdiction du référencement payant pour les pharmacies françaises en ligne et enjoint au ministère de la Santé d'abroger l'arrêté du 28 novembre 2016 dans les deux mois*.
Pour l’heure, l’inégalité perdure. Ainsi, qu’une pharmacie française s’avise, comme Shop Apotheke, de démarcher la clientèle française avec 3 millions de flyers, d’offrir des frais de port à partir d’un certain montant, et de vendre des médicaments sans un questionnaire préalable de santé, et elle sera assurément sanctionnée. Cette inégalité expose à un risque économique et sanitaire.
Sur le terrain économique, c’est laisser les pharmacies étrangères prendre en France des parts de marché au détriment des officinaux français, contraints de les regarder agir sans pouvoir user des mêmes moyens. Sur le terrain sanitaire, c’est exposer les patients à un risque d’acheter des médicaments dans des conditions moins sécurisées que celles exigées par le droit français.
C’est à se demander si le ministère de la Santé a bien compris les enjeux, sa responsabilité et son rôle décisif dans la régulation de ce marché.
* Ce qu’il a fait, permettant ainsi aux pharmacies en ligne françaises de recourir au référencement payant et aux comparateurs de prix, comme leurs concurrentes belges ou néerlandaises.
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