Avec leur double casquette de professionnel de santé et de commerçant, les pharmaciens sont particulièrement exposés aux agressions et aux vols, en particulier pendant les périodes d'inflation… et de pénuries de médicaments.
Les vols (qu'ils soient commis par la clientèle ou en interne) représentent plus des trois quarts de la démarque inconnue totale, qu'on estime à 1,4 % du chiffre d'affaires des officines. Ce qui peut représenter plusieurs dizaines de milliers d'euros par an, au nez et à la barbe des pharmaciens, qui sont nombreux à ignorer l'ampleur du phénomène. Un enjeu d'autant plus préoccupant que le vol à l'étalage a augmenté de 14 % rien qu'en 2022, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Pour s'en prémunir, les outils à disposition ne manquent pas : alarmes, caméras, portiques de sécurité, voir vigiles pour les pharmacies les plus grandes.
Lever le doute
Depuis quelques années, l'IA a révolutionné de nombreux secteurs, et la vidéosurveillance ne fait pas exception. « L'objectif est de créer une levée du doute. Les algorithmes conçus par l'IA contrôlent les gestes des personnes dans l'officine, et identifient ceux qui sont suspects ou clairement caractéristiques d'un vol », explique Lionel Dupuy, dirigeant et fondateur d'Anodia, une entreprise française qui propose des solutions numériques aux officines. « Une fois un voleur identifié, l'IA prévient le pharmacien via l'application, que ce soit sur son téléphone, son ordinateur ou sa tablette. » Le pharmacien ainsi alerté n'a plus qu'à aller à la rencontre du voleur. Un fonctionnement qui ne se limite pas aux vols, mais permet aussi de détecter les comportements agressifs ou l'accès non autorisé à des zones restreintes.
Avec ce système, l'avantage est double : les voleurs sont mieux détectés, et les membres de l'équipe officinale n'ont plus besoin d'avoir l'œil rivé sur les caméras, puisqu'ils sont prévenus au moment opportun par l'IA, ce qui améliore l'efficacité de la surveillance tout en libérant du temps de travail. De plus, avec l'analyse des données issues de ces systèmes (généralement effectuée par le fournisseur lui-même), le pharmacien peut également visualiser quelles sont les parties les plus vulnérables de son officine et étudier les comportements d’achat de la patientèle, adaptant son agencement en conséquence. À quel prix ? Généralement, entre 200 et 350 euros par mois pour une demi-douzaine de caméras, selon les prestataires.
Pas de solution miracle
De là à se prémunir de tous les vols ? Tant s'en faut. « Le problème de la vidéosurveillance est qu'elle perd en efficacité si le pharmacien n'est pas disponible… ce qui est le cas de la majorité d'entre eux », constate Lionel Dupuy. La caméra n'empêche pas le voleur de quitter la pharmacie et, sans vigile professionnel, tous les pharmaciens ne sont pas capables - physiquement ou mentalement - de confronter un voleur ou de l'arrêter le temps que les autorités arrivent. Beaucoup n'en ont pas le temps : parfois, le voleur est tout simplement parti avant que le pharmacien n'arrive, ou même n'ait réalisé l'alerte lancée par l'IA.
Coupler la vidéosurveillance à d'autres systèmes de sécurité
De l'aveu même de ses fournisseurs, la vidéosurveillance (par IA ou non) doit impérativement être conjuguée à d'autres systèmes de sécurité. Un système de vidéosurveillance par IA, doublé à des portiques de sécurité (qui signalent clairement qu'un larcin est commis), permet d'avérer le vol quasiment à coup sûr… et donc de mettre la main sur le voleur puisque dans ce cas de figure, il pourra être facilement identifié par la police via les enregistrements des caméras.
Avant d'investir dans ce genre de système, attention toutefois : l'utilisation de l'IA en vidéosurveillance doit être faite en conformité avec les réglementations en vigueur et dans le respect de la vie privée des individus et de la patientèle. Une politique de confidentialité transparente, une gestion responsable des données et une formation adaptée de l'équipe sont essentielles pour garantir que les avantages de l'IA sont réalisés de manière éthique et légale.
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