Cas de comptoir
Le contexte : Mme L., 35 ans, a appris récemment qu’elle était enceinte et vient chercher de l’acide folique. Elle demande un complément pour stimuler le système immunitaire de son aînée afin qu’elle n’attrape pas les petites infections automnales.
Votre conseil : Vous lui donnez ce qu’il faut pour sa fille, mais Mme L. a-t-elle pensé à elle ? Au-delà des gestes barrières maintenant bien connus, toute occasion est bonne pour parler des vaccins et pourquoi pas lui proposer un entretien pharmaceutique. Mme L. pourra ainsi se protéger, et protéger son bébé de la grippe et du Covid-19. On pourra lui rappeler à la même occasion l’importance de se vacciner contre la coqueluche quand elle aura atteint le 2e trimestre de sa grossesse.
Définitions
- Semaines d’aménorrhée (SA) : semaines comprises entre la date des dernières règles et l’accouchement, en moyenne 41.
- Semaines de grossesse (SG) : semaines comprises entre la fécondation et l’accouchement, en moyenne 39.
- Vaccin vivant atténué : vaccin constitué de germes vivants (virus, bactérie) qui ont été modifiés afin d’atténuer leur pouvoir pathogène tout en conservant leur capacité à induire une protection immunitaire proche de celle succédant à une infection naturelle.
- Vaccin inactivé : vaccin constitué d’un agent infectieux rendu inoffensif par un procédé chimique ou thermique, d’un fragment de celui-ci ou d’une toxine.
- Vaccin à ARNm : vaccin contenant un ARN messager codant pour la fabrication d’un fragment d’agent infectieux permettant de susciter une réponse immunitaire chez la personne vaccinée.
3 vaccins sont fortement recommandés chez la femme enceinte : contre la coqueluche, contre la grippe saisonnière et contre le Covid-19
Physiopathologie
Rappels sur la coqueluche
La coqueluche est une infection respiratoire très contagieuse, transmise par voie aérienne, causée par la bactérie Bordetella pertussis. Elle provoque des quintes de toux qui peuvent perdurer plusieurs semaines. Les formes sévères de la maladie touchent majoritairement les nourrissons de moins de 2 mois, trop jeunes pour être vaccinés, et peuvent aller jusqu’au décès.
Depuis le début de l’année 2024, la coqueluche est en recrudescence en France et en Europe. Les autorités de santé appellent à la vigilance et à la vaccination, notamment celle des femmes enceintes et de leur entourage car les nourrissons sont, dans 50 % des cas, contaminés par l’un de leurs parents.
Grippe et Covid-19 chez la femme enceinte
Lorsqu’elle est contractée par une femme enceinte, la grippe est doublement dangereuse puisqu’elle menace la future maman mais aussi son nourrisson. Ainsi, elle augmente les taux de pneumonie, d’hospitalisation en soins intensifs, de mortalité maternelle mais aussi les risques d’accouchement prématuré et de mortalité fœtale.
Une infection par le Covid-19 chez une femme enceinte peut également s’avérer dangereuse. En effet, le risque de complications est augmenté par rapport à des femmes adultes non enceintes. Sont ainsi observés une hausse des admissions en soins intensifs, une augmentation des ventilations invasives mais aussi des décès. Les risques d’accouchement prématuré, de césarienne et de décès des nouveau-nés à la naissance sont également plus importants.
Conduite à tenir
Proposer un entretien pharmaceutique
La convention pharmaceutique signée le 9 mars 2022 a permis la mise en place d’entretiens pharmaceutiques pour les femmes enceintes, quel que soit le stade de la grossesse. L’objectif est d’informer les futures mamans sur l’importance de certaines vaccinations mais aussi de faire le point sur les risques de nombreux médicaments s’ils sont pris pendant la grossesse.
Il s’agit d’un entretien court de 5 minutes basé sur les documents de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), disponibles auprès du Cespharm. Il peut être facturé avec le code EFE à 5 euros (5,25 euros dans les départements et collectivités d’outre-mer) et est pris en charge à hauteur de 70 %, ou de 100 % grâce au régime maternité, par l’assurance-maladie.
À l’issue de l’entretien, deux documents peuvent être envoyés à la future maman par messagerie sécurisée : le lien vers la page « Femme enceinte » du site ameli.fr ainsi que le guide réalisé par l’Assurance maladie intitulé « Ma maternité ». Le pharmacien remet aussi le flyer « Médicaments et grossesse : les bons réflexes ».
Proposer une vaccination
- Contre la grippe saisonnière et le Covid-19 : depuis 2012, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de vacciner les femmes enceintes contre la grippe, quel que soit le trimestre de grossesse puisqu’elles sont à risque de forme sévère ou compliquée. Grâce au passage transplacentaire des anticorps maternels, le nouveau-né sera protégé durant ses six premiers mois de vie, période pendant laquelle il ne peut être vacciné contre la grippe. Le pharmacien peut donc proposer cette vaccination à toute femme enceinte et lui éditer un bon de prise en charge à 100 %.
La vaccination contre le Covid-19 est recommandée chaque année à l’automne chez les personnes à risque de forme grave comme les femmes enceintes. Un délai de 6 mois doit être respecté depuis la dernière dose de vaccin ou la dernière infection. On utilisera le vaccin à ARNm adapté au variant en circulation. Le vaccin Nuvaxovid à sous-unité protéique n’est pas recommandé chez la femme enceinte dans l’attente de données complémentaires.
- Contre la coqueluche : depuis avril 2022, la HAS recommande de vacciner les femmes enceintes contre la coqueluche avec un vaccin tétravalent à doses réduites d’anatoxines (dTcaP). Cette vaccination doit être proposée dès le 2e trimestre de grossesse, idéalement entre 20 et 36 SA afin d’augmenter le transfert transplacentaire actif des anticorps maternels et d’assurer une protection optimale du nouveau-né et du nourrisson jusqu’à l’obtention d’une protection vaccinale individuelle. De plus, elle doit être renouvelée à chaque grossesse. Même si une femme a été vaccinée contre la coqueluche avant sa grossesse, elle doit de nouveau être vaccinée pour protéger l’enfant à naître, tout en respectant un délai minimum d’un mois par rapport à la dernière injection.
La stratégie du cocooning
Elle consiste à vacciner contre la coqueluche toutes les personnes susceptibles d’être en contact étroit avec le nourrisson durant ses six premiers mois de vie en attendant qu’il développe une protection vaccinale individuelle. Elle concerne les parents, la fratrie, les grands-parents, la nourrisse, la baby-sitter… en cas de dernier rappel datant de plus de 5 ans.
Auparavant recommandée systématiquement, la vaccination de l’entourage n’est désormais préconisée que si la mère n’a pas été vaccinée pendant sa grossesse ou qu’il s’est écoulé moins d’un mois entre la vaccination et l’accouchement.
La vaccination de la mère peut aussi être réalisée en post-partum, avant la sortie de la maternité si elle n’a pas été vaccinée pendant sa grossesse. L’allaitement peut être maintenu.
La stratégie du cocooning consiste à vacciner contre la coqueluche toutes les personnes susceptibles d’être en contact étroit avec le nourrisson durant ses six premiers mois de vie : parents, fratrie, grands-parents, nourrisse…
Éviter les voyages en zones à risques
Les amatrices de voyage doivent tout de même être prudentes pendant leur grossesse. Par exemple, les zones impaludées ou à risques de fièvre jaune, typhoïde, etc. doivent être évitées. Si toutefois le départ est indispensable et ne peut être différé, des vaccinations peuvent être envisagées.
L’ANSM a édité un tableau de recommandations au sujet des vaccins pendant la grossesse. Ainsi, les vaccins contre l’encéphalite à tiques et la fièvre jaune ne doivent pas être utilisés pendant la grossesse sauf en cas de réel besoin et après un examen approfondi des risques et bénéfices potentiels. Le vaccin contre l’hépatite A quant à lui, doit être évité sauf en situation de risque de contamination important. Celui de la rage peut être utilisé si une prophylaxie est nécessaire. En curatif, compte tenu de la gravité de la maladie, la vaccination ne doit pas être modifiée par la grossesse. Il en est de même pour le vaccin contre la fièvre typhoïde. Étant donné la sévérité de la maladie, il peut être injecté en cas de fort risque d’exposition.
Les différents vaccins
Les vaccins vivants
Ils doivent être évités pendant la grossesse compte tenu du risque théorique d’infection du fœtus.
Ainsi, les vaccins ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et contre la varicelle sont contre-indiqués pendant la grossesse et une grossesse doit être évitée dans le mois qui suit la vaccination. Les vaccins contre la tuberculose et contre la fièvre jaune ne doivent pas être utilisés sauf en cas de fort risque d’infection et si le bénéfice de la vaccination l’emporte sur les risques potentiels.
Cependant, si une vaccination par un vaccin vivant a eu lieu par mégarde ou lors d’une grossesse encore méconnue, elle ne constitue pas une indication à interrompre la grossesse.
Les vaccins inactivés
Ce sont les plus nombreux. On trouve parmi eux les vaccins contre la grippe saisonnière et les vaccins tétravalents contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche. On utilisera d’ailleurs chez la femme enceinte ceux à teneur réduite en antigènes (dTcaP) : Repevax et Boostrixtetra.
Le vaccin contre l’hépatite B ne doit pas être utilisé pendant la grossesse sauf s’il est jugé clairement nécessaire. Les vaccins contre les infections à pneumocoques et le vaccin Shingrix contre le zona sont à éviter pendant la grossesse, faute de données.
Les vaccins à ARN messager
Le vaccin contre la Covid-19 Comirnaty (Pfizer/BioNTech) est le seul vaccin à ARNm adapté au variant circulant approuvé en Europe actuellement. Il peut être utilisé à tous les stades de la grossesse.
Points clés
- Sont recommandés pendant la grossesse : les vaccins contre la grippe saisonnière, le Covid-19 et la coqueluche.
- Les vaccins contre la grippe saisonnière et le Covid-19 peuvent être utilisés quel que soit le stade de la grossesse.
- Le vaccin contre la coqueluche est un vaccin tétravalent qui associe une protection contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Il doit être réalisé entre 20 et 36 SA.
- La stratégie du cocooning est recommandée en l’absence de vaccination contre la coqueluche pendant la grossesse.
- La vaccination contre la coqueluche doit être renouvelée à chaque grossesse.
- Les vaccins vivants (ROR, varicelle) doivent être évités chez la femme enceinte, sauf cas particuliers.
- Proposer un entretien pharmaceutique pendant la grossesse permet d’aborder les thèmes de la vaccination et des risques médicamenteux.
Testez-vous
1. Quand la vaccination contre la coqueluche est-elle recommandée idéalement pendant la grossesse ?
a) À partir du 2e trimestre ;
b) Entre 20 et 36 SA ;
c) N’importe quand pendant la grossesse.
2. Quels vaccins sont contre-indiqués pendant la grossesse ?
a) Le vaccin ROR ;
b) Le vaccin contre le Covid-19 ;
c) Le vaccin contre la varicelle.
3. Quand doit-on mettre en place la stratégie du cocooning contre la coqueluche ?
a) Quand la maman n’a pas été vaccinée contre la coqueluche pendant la grossesse ;
b) A chaque grossesse ;
c) A la première grossesse.
4. À propos de la vaccination contre la coqueluche, quelles affirmations sont vraies ?
a) Elle doit être faite avec un vaccin tétravalent à doses réduites ;
b) Elle peut être réalisée avec un délai d’au moins 6 mois depuis la dernière injection ;
c) Elle doit être renouvelée à chaque grossesse.
5. Pourquoi la vaccination contre la grippe saisonnière est-elle recommandée pendant la grossesse ?
a) Car elle augmente les risques d’hospitalisation en soins intensifs ;
b) Car elle augmente les risques d’accouchement prématuré ;
c) Car elle augmente les risques de mort fœtale.
Réponses : 1. b) ; 2. a) et c) ; 3. a) ; 4. a) et c) ; 5. a), b) et c).
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