Le Quotidien du pharmacien.- Comment expliquez-vous ce nombre important de décès ?
Andrea Mandelli.- Nous sommes en première ligne, comme les médecins, car avec la crise le taux de fréquentation des officines a augmenté. De plus en plus d’usagers nous demandent des conseils face à la maladie. Pour les pharmaciens, le risque de contamination est par conséquent plus important. Nous garantissons des services essentiels 24 heures sur 24, et pourtant nous n’avons pas reçu d’équipement de protection individuelle. Disons que, au départ, la situation a été gérée avec une certaine légèreté. La maladie n’était pas décrite comme quelque chose de particulièrement violent et tragique et nous pensions que nous étions tous immunisés. Il n’y a pas de véritables explications à ce nombre de morts, je crois que c’est le prix à payer pour les professionnels de santé qui sont confrontés au quotidien à une vague épidémiologique d’une grande intensité.
Estimez-vous, comme les médecins de famille, que l’État ne vous protège pas suffisamment ?
Non seulement l’État n’est pas intervenu mais, en plus, il n’existe pas de stratégie à l’échelle nationale. Chaque titulaire a dû s’organiser individuellement, même si les dispositifs de protection sont identiques dans toutes les officines. Par exemple, des barrières en plexiglas ont été installées devant les comptoirs, tout le personnel porte des gants et des masques, et des distributeurs de gels hydroalcooliques sont mis à disposition des usagers. La Fédération a donné des indications aux titulaires des officines pour désinfecter et aérer ponctuellement les locaux. Elle a aussi conseillé la mise en place de parcours à l’intérieur des officines pour gérer les entrées et les sorties des usagers afin d’éviter les rassemblements. Nous ne prenons plus d’apprentis et nous avons aussi demandé aux Régions de permettre aux pharmaciens de servir les usagers à portes closes, c'est-à-dire à travers un guichet installé devant la porte comme le font les pharmacies ouvertes la nuit.
La crise sanitaire a-t-elle impacté l’activité officinale ?
Nous sommes tous concentrés sur la crise sanitaire. Les usagers sont frappés de plein fouet par les retombées économiques de l’épidémie, donc ils réduisent leurs dépenses et renoncent au superflu. Les coupes ponctuelles sur la santé au niveau territorial avaient déjà impacté les activités des officines qu’elles essayaient de compenser en diversifiant leurs éventails. Avec l’épidémie, les officines sont en état de crise. Les ventes de la cosmétique, par exemple, ont chuté de 70 %. La loi nous autorise à vendre des masques, des gants et des gels hydroalcooliques qui représentent une dépense supplémentaire pour les ménages, certaines régions comme la Lombardie ayant rendu le port de ce type de protection obligatoire, mais ne permettent pas aux pharmaciens de compenser les pertes.
Avez-vous déjà alerté les pouvoirs publics ?
Le confinement devrait être levé le 4 mai prochain, probablement progressivement, ce qui veut dire que les officines vont être ultérieurement fragilisées sur le plan économique. Les dispositifs adoptés jusqu’à présent pour aider les catégories en crise prévoient l’élargissement de prêts. Or l’endettement n’est jamais la meilleure solution.