Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 170 vaccins anti-Covid font actuellement l’objet de tests sur animaux et 63 sont en phase de développement clinique sur l'homme. Une vingtaine d’entre eux sont en phase 3 des essais. Six font l'objet de commandes de l'Europe (Pfizer/BioNtech, Moderna, AstraZeneca/université d'Oxford, Sanofi/GSK, Janssen, CureVac) pour près de 2 milliards de doses, dont 15 % pour la France.
Pour répondre, sous un angle à la fois pratique et pharmacologique, aux nombreuses questions que vous vous posez sur ces nouveaux vaccins, nous faisons aujourd'hui un point très précis sur les trois premiers disponibles en France, ou qui le seront prochainement.
Vaccin Pfizer-BioNTech
Indiqué dans l’immunisation prophylactique contre l’infection par le SARS-CoV-2 chez le sujet ≥ 16 ans, le vaccin Comirnaty (tozinaméran) agit via l’ARN messager (ARNm) viral codant la protéine S (spike) du virus, directement traduit en protéine par les ribosomes cellulaires. Une fois injecté dans le tissu musculaire, cet ARNm induit la production de la protéine, laquelle suscite la réaction immunitaire. Cet ARNm demeure à ce niveau et est détruit rapidement : il n’y a donc pas de risque de « contamination » génomique, contrairement aux allégations d’activistes anti-vaccination. Fragile, l’ARNm actif dans ce vaccin est stocké à très basse température (environ - 80 °C), ce qui constitue un handicap à son usage dans de nombreuses régions du globe. Il se conserve 5 jours entre 2° et 8 °C avant reconstitution, mais ne doit pas être recongelé.
Le vaccin se présente en flacons multidoses devant être reconstitués avant usage. Après reconstitution, il se conserve 6 heures maximum entre 2° et 30 °C. Chaque flacon permet de réaliser 5 ou 6, voire 7 doses de 0,3 ml. L’immunisation nécessite deux injections IM (deltoïde), la seconde réalisée idéalement à J21 après la première. Elle commence à se développer deux semaines environ après la première injection. Des raisons logistiques et la nécessité d’immuniser partiellement le plus vite possible une proportion significative de la population justifient toutefois de pratiquer la seconde injection jusqu’à J42.
L’efficacité est de 95 %, un chiffre indépendant du sexe, d’une éventuelle comorbidité ou de l’âge. Par comparaison, celle du vaccin contre la grippe est de 30 à 60 % selon les années et le profil des sujets vaccinés, et celle de la rougeole d’environ 97 %. Ce vaccin semble efficace contre les variants anglais et sud-africain du coronavirus.
Avec un recul limité, les effets iatrogènes sont fréquents mais bénins : douleur, rougeur, gonflement possible au point d’injection dans la semaine suivant le geste vaccinal et disparaissant en 1 à 2 jours, fièvre, frissons, fatigues, céphalées ou douleurs musculaires 1 à 2 jours après la vaccination, habituellement régressifs en 1 à 2 jours.
Le vaccin est contre-indiqué chez tout sujet ayant présenté antérieurement des manifestations allergiques graves. Une surveillance de 15 minutes s’impose après l’injection. Un traitement du choc anaphylactique doit être immédiatement disponible si besoin. En l’absence de données, la vaccination n’est pas conseillée durant la grossesse et l’allaitement, sauf risque élevé de forme grave (discussion au cas par cas). La vaccination est recommandée chez le sujet sous traitement immunosuppresseur ou immunodéprimé ainsi qu’en cas d’infection par le VIH. Chez un sujet contact, il faut différer la vaccination et réaliser un test RT-PCR : l’immunisation est possible s’il revient négatif.
Vaccin Moderna
Le « Covid-19 vaccine Moderna » repose sur la même logique pharmacologique que le vaccin Comirnaty. L’ARNm introduit dans les cellules hôtes, protégé dans des nanoparticules lipidiques, y déclenche l’expression de la protéine S du virus, d’où la réponse immune. Son indication est analogue au précédent (sujet ≥ 18 ans).
Sa formulation reste stable 7 mois entre - 20 et - 15 °C (température d’un congélateur classique) : sa distribution est donc plus aisée à organiser que celui requis par le vaccin Comirnaty. Le flacon non ouvert se conserve au réfrigérateur entre 2 et 8 °C, à l'abri de la lumière, pendant 30 jours au maximum. Une fois décongelé, le produit ne doit pas être recongelé. Le flacon non ouvert se conserve entre 8 et 25 °C pendant 12 heures au maximum. La stabilité en cours d'utilisation a été démontrée pendant 6 heures à une température de 2 à 25 °C après la ponction initiale du flacon mais, sur le plan microbiologique, le produit doit être utilisé extemporanément.
Le vaccin est présenté en flacon de 10 doses, prêt à l’emploi après décongélation. La vaccination est réalisée par deux injections IM (deltoïde) d’un volume de 0,5 ml contenant 100 μg d'ARNm. Un délai de 28 jours entre les deux doses est respecté. Il s’agit d’un seuil minimum : en cas de retard à l’injection de la seconde dose, la vaccination peut reprendre sans qu’il soit nécessaire de réitérer le schéma vaccinal initial.
L’efficacité du vaccin est d’environ 94 % tous groupes confondus, et de près de 91 % chez les sujets à risque de Covid sévère.
Hormis les réactions locales et systémiques transitoires classiquement décrites dans les suites d’une vaccination, aucun problème iatrogène n'est identifié à ce jour. Comme pour le vaccin Comirnaty, l’utilisation de ce vaccin n’est pas recommandée chez un sujet présentant des antécédents d’allergies graves de type anaphylactique, il faut respecter une surveillance d’au moins 15 minutes après la vaccination et disposer d’un traitement médical du choc anaphylactique. L'administration du vaccin Moderna au cours de la grossesse n’est envisagée que si les avantages potentiels l'emportent sur le risque potentiel pour la mère et le fœtus.
Vaccin AstraZeneca-université d’Oxford
Le vaccin ChAdOx1-S (AZD-1222) ou « Covid-19 vaccine AstraZeneca » utilise comme vecteur de l’ARNm un adénovirus simiesque inactivé. Il induit l’expression de la protéine S du virus, d’où la réaction immunitaire. Son indication est identique à celle des autres vaccins anti-Covid (sujet ≥ 18 ans).
Le stockage de ce vaccin n’impose pas de contrainte particulière : il est stable 6 mois entre 2 et 8 °C (réfrigérateur). Présenté en flacon contenant huit ou dix doses de 0,5 ml, il s’administre par voie IM (deltoïde) en deux doses espacées de 4 à 12 semaines ; en cas de retard à l’injection de la seconde dose, la vaccination peut reprendre sans qu’il soit nécessaire de réitérer le schéma vaccinal initial. Le flacon entamé se conserve 6 heures entre 2 et 25 °C.
L’efficacité globale est de près de 71 %. Ce chiffre s’élève à 90 % lorsque le schéma de vaccination est d’une demi-dose en première injection, puis d’une dose standard quelques semaines plus tard (ce schéma ayant toutefois été administré à un groupe limité de sujets, une étude va compléter les données actuelles). Le profil de tolérance est analogue à celui des vaccins précédents, avec, là aussi, un risque de choc anaphylactique. L'administration du vaccin AstraZeneca au cours de la grossesse n’est envisagée que si les avantages potentiels l'emportent sur le risque potentiel pour la mère et le fœtus. Peu coûteux et facile à conserver, ce vaccin facilite l’immunisation de la population à grande échelle.