Jusqu’alors, les études qui ont comparé l’efficacité de la buprénorphine (ou buprénorphine/naloxone, la naloxone étant destinée à empêcher le mésusage du produit par voie intraveineuse) et de la méthadone comme traitement substitutif aux opiacés (TSO) ont été peu concluantes. De plus, elles n’ont été réalisées que chez patients usagers d’héroïne ou d’opioïdes, et pas de fentanyl, alors que la consommation de ce dernier a fortement augmenté en Amérique du Nord.
31 000 dossiers-patients analysés
Pour en savoir un peu plus, et en prenant en considération l’introduction du fentanyl chez les usagers de drogues, des chercheurs canadiens ont analysé les dossiers de près de 31 000 patients ayant débuté un TSO par buprénorphine/naloxone (39 %) ou méthadone, entre 2010 et 2020 au Canada. Ils se sont intéressés au niveau d’observance des patients et à la mortalité après deux ans de suivi. Conclusion : les personnes sous buprénorphine/naloxone ont plus de risque d’arrêter le traitement que ceux sous méthadone. En effet, au bout de 24 mois, 88,8 % d’entre eux ont abandonné le traitement contre 81,5 % dans le groupe méthadone. Aux doses optimales de traitement, les taux d’abandon sont moins élevés : 42,1 % pour la buprénorphine/naloxone et 30,7 % pour la méthadone. Quant au risque de mortalité, il s’est révélé similaire pour les deux TSO : 0,08 % pour la buprénorphine/naloxone et 0,13 % pour la méthadone.
Cette étude pourrait remettre en cause la place de la méthadone dans la stratégie thérapeutique
« En prenant en compte l’augmentation de la puissance des molécules consommées, ces résultats doivent nous mener à reconsidérer les recommandations internationales pour réduire le risque d’interruption du traitement », aujourd’hui très élevé, estiment les auteurs. C’est-à-dire, avoir plus souvent recours à la méthadone pour gagner en observance. En France, rappelons que « le choix initial d’un TSO est pris avec le patient en tenant compte de ses préférences, ses comorbidités, des potentielles interactions médicamenteuses, des considérations de sécurité », selon la Haute Autorité de santé (HAS). Si l’objectif consiste en une simple réduction de la consommation d’opioïdes, il est recommandé d’instaurer une substitution avec la méthadone, la buprénorphine n’étant pas adaptée compte tenu de ses propriétés pharmacologiques (action agoniste partielle, forte affinité aux récepteurs). Si l’objectif consiste en l’arrêt de la consommation d’opioïdes et que le patient n’a pas de préférence du TSO, il est recommandé d’instaurer une substitution avec la buprénorphine, plus sûre que la méthadone vis-à-vis du risque de surdose. De plus, la buprénorphine est plus accessible du fait d’une prescription possible par tout médecin non hospitalier et en dehors des centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Il est recommandé d’instaurer une substitution avec la méthadone lorsque le traitement par la buprénorphine associée ou non à la naloxone n’est pas l’option de choix du patient ou a été insuffisamment efficace. Mais cette étude pourrait remettre en cause la place de la méthadone (aujourd’hui plus utilisée en seconde intention) dans la stratégie thérapeutique, afin d’obtenir une meilleure observance.
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