Le trafic de Captagon, cette drogue proche du speed produite en Syrie et au Liban et principalement consommée en Arabie saoudite, atteint de nouveaux sommets. Souvent qualifiée de « drogue du terroriste » pour sa capacité à supprimer la douleur tout en donnant un sentiment d’invincibilité, elle pourrait trouver un nouveau débouché en Europe en tant que « drogue récréative ».
La valeur marchande potentielle des saisies à grande échelle est estimée à plus de 5,7 milliards de dollars en 2021 pour 420 millions de comprimés, contre 3,5 milliards de dollars un an plus tôt. Une augmentation exponentielle pointée par l’étude de New Lines Institute parue ce matin, et qui ne reflète qu’une fraction des saisies réalisées, de nombreux pays n’ayant pas fourni de données sur ce fléau. Pour le think tank, « le commerce du Captagon constitue une économie illicite en croissance rapide au Moyen-Orient et en Méditerranée » et pose un risque croissant pour la santé et la sécurité dans la région.
À la base, le Captagon (fénétylline) est un médicament synthétisé dans les années 1960 par une entreprise allemande, prescrit chez les enfants atteints de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ainsi que pour traiter la narcolepsie et la dépression. Mais dès les années 1970, il est utilisé comme drogue récréative et même comme dopant. Interdit dès 1981 aux États-Unis et retiré de la vente en France en 1993, le Captagon en circulation aujourd’hui au Moyen-Orient n’aurait plus grand-chose à voir avec l’original. Selon le New Lines Institute, il contient souvent peu ou pas de fénétylline, est proche du speed et sa formule variable complique la lutte contre ce trafic.
Le rapport craint en particulier que la consommation illicite de Captagon ne se limite plus au Moyen-Orient, où il est surtout utilisé par la « jeunesse dorée d’Arabie » comme une drogue récréative et par des Syriens qui cumulent les emplois pour joindre les deux bouts. « La diversité d'effets et de motifs d'utilisation lui confère un attrait très large. Il pourrait éventuellement pénétrer en Europe et se tailler une part de marché. » Le sud de l’Europe et l’Afrique du Nord semblent déjà ciblés par les trafiquants, mais l’étude ne peut encore distinguer s’il s’agit de marchés émergents du Captagon ou d’aires de transit.
Par ailleurs, les auteurs se penchent sur le rôle de la famille du président Bachar al-Assad et de son régime dans la fabrication – désormais industrialisée – et la contrebande de Captagon, qui en ont fait « un moyen de survie politique et économique » face aux sanctions internationales. Ce long rapport souligne en outre l’appui « technique et logistique » de certaines milices pour organiser le trafic, notamment le Hezbollah libanais, actif sur un long segment de la frontière syro-libanaise et déjà expérimenté dans le contrôle de la production et la contrebande de cannabis.
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