« Cette étude est très importante car elle identifie un mécanisme complètement nouveau à travers lequel ces gènes pourraient majorer le risque de développer la maladie de Crohn, souligne le Dr Dermot McGovern, directeur de l’Initiative de Médecine de précision au Centre médical Cedars-Sinai à Los Angeles, qui a participé à l’étude. Ces résultats indiquent la voie pour améliorer le traitement en identifiant les patients qui répondraient le mieux à la manipulation des bactéries dans leur intestin. »
La maladie de Crohn (MC), une maladie inflammatoire chronique de l’intestin le plus souvent diagnostiquée chez des sujets jeunes, est associée à des gènes de susceptibilité et à un microbiote intestinal altéré. Parmi les nombreux gènes de susceptibilité à la MC, un bon nombre est lié à l’autophagie, un mécanisme de dégradation intracellulaire, comme NOD2 et ATG16L1, deux des gènes les plus importants associés à la MC. NOD2 recrute ATG16L1 pour l’élimination autophagique des pathogènes intracellulaires, et les variants à risque de NOD2 ou ATG16L1 affectent ce processus. Chu, Mazmanian et coll. de Caltech en Californie ont maintenant constaté que ces variants à risque perturbent aussi les effets bénéfiques d’une bactérie commensale de l’intestin - Bacteroides fragilis. De précédentes études ont montré que lorsque B. fragilis colonise l’intestin de la souris, cette bactérie délivre des molécules immunomodulatrices (polysaccharide A capsulaire, ou PSA) aux cellules immunes intestinales, via la sécrétion de vésicules de membrane externe (OMV). Les signaux PSA, transportés dans les vésicules OMV, induisent les cellules T régulatrices à produire l’interleukine IL-10 anti-inflammatoire, un effet suffisant pour protéger les souris de la colite.
Les chercheurs ont découvert que si les souris normales reçoivent un traitement oral par OMVs (de B. fragilis), elles sont protégées d’une colite expérimentale, mais les souris déficientes en ATG16L1 ou en NOD2 ne sont pas protégées par les OMVs. Les cellules dendritiques déficientes en ATG16L1 n’amènent pas les cellules T régulatrices à supprimer l’inflammation muqueuse. « Ceci démontre que des composants de l’autophagie dans les cellules immunes (dendritiques) sont nécessaires pour l’activation des cellules T reg par les bactéries commensales », notent les auteurs.
Ils ont observé le même phénomène avec les cellules immunes de patients sains et de patients atteints de MC (cellules recueillies au Centre Médical Cedars-Sinai). « Les cellules immunes des individus portant le variant protecteur d’ATG16L1 répondent au traitement, mais les cellules immunes des patients portant le variant à risque majeur d’ATG16L1 ne montrent pas de réponse anti-inflammatoire aux OMVs du B. fragilis », précise la chercheuse Hiutung Chu. Toutefois, ils ont fait une observation intéressante : ces mêmes cellules immunes répondent aux molécules PSA purifiées.
Candidats aux probiotiques
Ainsi, ces gènes défectueux pourraient favoriser la maladie de Crohn de deux manières : en étant incapables de détecter et détruire les bactéries pathogènes intracellulaires et en empêchant la réponse anti-inflammatoire suscitée par les « bonnes » bactéries. Ce nouvel aperçu pourrait permettre d’identifier les meilleurs candidats aux probiotiques dans les futurs essais cliniques. « Nos précédents travaux suggèrent que B. fragilis pourrait offrir un traitement probiotique pour certaines maladies. L’étude actuelle suggère que certains groupes pourraient ne pas bénéficier de ce probiotique en raison de leur prédisposition génétique », estime le Pr Sarkis Mazmanian. L’étude suggère que ces patients pourraient peut-être, en revanche, bénéficier du prébiotique PSA lorsqu’il sera développé.
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