Ces nouvelles thérapies ont chacune leurs spécificités. Dans le domaine de la pharmacologie génétique, de petits ADN ou ARN synthétisés par voie chimique sont utilisés pour soigner les patients.
Les grandes classes sont les oligonucléotides ADN antisens (ODN) et les ARN interférents (siRNA). Ces molécules permettent d'inhiber l'expression d'une protéine toxique ou pathologique. Les ODN peuvent, par ailleurs, être utilisés pour induire un saut d'exon au niveau de l'épissage d'ARN messager (ARNm) (1). Dans la thérapie génique, des séquences d'ADN conduisant à l'expression d'un ARNm et/ou d'une protéine thérapeutique sont introduites dans les cellules des patients. L'ARNm peut également être utilisé directement. Les ADN ou ARNm sont administrés aux cellules par encapsidation dans un virus recombinant défectif c'est-à-dire, un vecteur viral. Une autre stratégie consiste à utiliser des ADN circulaires (appelés « plasmide ») produits par des bactéries ou des ARNm synthétisés ou biosynthétisés in vitro. « Au sein de notre laboratoire, nous avons découvert le concept de biosécurité des plasmides thérapeutiques, c'est-à-dire, de mini-cercles d'ADN dénués de tout squelette bactérien. Ou, de mini-plasmides dénués de séquence de résistance aux antibiotiques », affirme Daniel Scherman. directeur de recherche au CNRS, membre de l'Académie Européenne des Sciences et directeur de la Fondation Maladies Rares.
Une recherche en ébullition
Dans la thérapie génique, il existe ainsi deux approches pour administrer les ADN ou ARNm aux cellules. Celle dite « in vivo » qui permet d'administrer directement au patient, un virus portant un gène thérapeutique ou un plasmide. Et celle dite « ex vivo » qui consiste à prélever des cellules au patient à effectuer un transfert de gènes dans un laboratoire puis à réadministrer les cellules au patient. « Nous avons aussi découvert une technique d'électro-transfert qui augmente, d'un facteur de 100 à 1 000 fois, la pénétration de plasmides dans les cellules », indique Daniel Scherman. La pharmacologie génétique et la thérapie génétique sont en pleine explosion. « Car le coût du séquençage génétique s'est effondré. De nombreuses opérations sont en cours pour obtenir le génome de millions de personnes, trouver de nouveaux gènes et avancer dans la thérapie personnalisée basée sur les caractéristiques génétiques », confie Daniel Scherman.
Des applications concrètes
Dans le domaine de la pharmacologie génétique, le premier ODN (Fomivirsen) a été mis sur le marché entre 2000 et 2010. Il permet le traitement de la rétinite à cytomégalovirus. En 2018, Spinraza (nusinersen) - qui permet la réactivation du gène appelé SMN2 (survie du motoneurone 2) par inhibition de saut d'exon - a été mis à disposition des enfants souffrant d'amyotrophie spinale infantile. Les siRNA permettent, par ailleurs, de traiter des maladies rares telles que l'amyloïdose héréditaire à la transthyrétine (ATTR) ou la porphyrie hépatique aiguë (Onpattro, Patisiran et Givlaari, Givosiran introduits en 2018-2019). « Dans notre laboratoire, nous avons utilisé avec succès un cocktail de siRNA contre 3 cytokines pro-inflammatoires, dans un modèle murin d'arthrite au collagène. Cela nous ouvre des voies pour le contrôle de l'inflammation dans d'autres pathologies telles que le COVID-19 », souligne Daniel Scherman. Par ailleurs, des découvertes sont en cours en matière de vaccination génétique et d'immunothérapie par électrotransfert intra-musculaire pour l'infection chronique au papillomavirus (HPV). Enfin, une autre application de thérapie génique est en développement à l'hôpital de Genève, dans la DMLA humide et à la faculté de médecine de Sydney, pour améliorer la performance des implants cochléaires.
(1) Les exons sont les segments d’un précurseur ARN, conservés dans l’ARN après épissage. Ce dernier étant un processus par lequel les ARN transcrits à partir de l'ADN génomique peuvent subir des étapes de coupure et ligature qui conduisent à l'élimination de certaines régions dans l’ARN messager final qui est composé d’une suite d’exons correspondant chacun à une partie de la protéine traduite à partir de l’ARNm. Le saut d’exon consiste à agir sur une partie du code d'un gène comportant une erreur, en sautant un ou plusieurs exons lors de l'épissage, pour permettre à une cellule de synthétiser une fonctionnelle. Enfin, l'ARNm est une copie transitoire d'une portion de l'ADN correspondant à un ou plusieurs gènes.
D'après une séance de l'Académie nationale de pharmacie.
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