Insolite

Mordu d'herpétologie !

Par

Publié le 16/06/2022

Article réservé aux abonnés

C'est une passion ancienne pour Tim Friede. À l'adolescence déjà, l'Américain parcourt la campagne du Wisconsin à la recherche de couleuvres. Puis, s'intéressant très vite à des serpents beaucoup plus venimeux, il remplit des vivariums de cobras, mambas, taïpans et autres serpents à sonnette. Se sachant exposé à des risques d’envenimation, Friede réalise qu’il lui faut, d’une manière ou d’une autre, développer une certaine immunité. Son objectif est alors d'aider son corps à produire des anticorps en réponse aux toxines pour être physiquement plus à même de faire face à une future morsure. Il commence donc à extraire les venins de ses serpents de compagnie et se les injecte à plusieurs reprises… en les diluant au besoin. Plusieurs années de ce « traitement » passent. Mais à l'âge de 32 ans, alors qu'il survit à une première morsure accidentelle de son cobra égyptien, il est mordu une seconde fois, à peine une heure plus tard, par un autre cobra, et manque y passer… Cet autodidacte de l'immunologie comprend alors que l’auto-envenimation est une activité qu’il doit soit abandonner, soit perfectionner. Il choisit la deuxième option. Ainsi, durant les dix-sept années suivantes, il se soumet à plus de 200 morsures directes et reçoit quelque 500 doses supplémentaires par aiguille hypodermique. Aujourd'hui Tim Friede est directeur de l’herpétologie pour l’entreprise californienne de recherche sur les vaccins Centivax, qui tente de produire un antivenin universel pour tous les serpents les plus mortels du monde à partir de son sang. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 2,7 millions de personnes sont mordues par des serpents venimeux chaque année. Entre 81 000 et 138 000 personnes en meurent, et jusqu’à 400 000 personnes sont amputées d’un membre ou souffrent d’autres handicaps permanents. « Presque chaque morsure est douloureuse », reconnaît Friede, qui offre généralement ses avant-bras aux reptiles. « Comme une piqûre d’abeille multipliée par cent. » Voilà un don de soi qui impose le respect.

Didier Doukhan