LA SAGA DES MARQUES
ANNÉE 1953, en Belgique. Paul Janssen, docteur en pharmacologie, fonde un laboratoire auquel il donne le nom de Janssen Pharmaceutica. Son objectif, en créant son entreprise, est à la fois simple et terriblement ambitieux. Il projette, en effet, d’améliorer la qualité de vie des patients au moyen des recherches qu’il compte bien entreprendre au sein de son laboratoire. Celles-ci, pour une part au moins, s’orientent rapidement vers le fonctionnement du système nerveux central de l’être humain. À cette époque, la douleur est alors communément prise en charge par les dérivés d’opiacés, morphine, codéine, thébaïne… Mais elle n’est pas la seule à trouver soulagement dans l’utilisation de ces fameux alcaloïdes. Certaines affections de la sphère digestive, comme la diarrhée et ses spasmes répétitifs, sont également traitées au moyen d’un extrait du pavot, permettant notamment de fabriquer une teinture d’opium benzoïque mieux connue dans le monde officinal sous le nom d’élixir parégorique. Ces substances, si elles sont efficaces sur le péristaltisme et les sécrétions, ne sont malheureusement pas dépourvues d’effets secondaires – somnolence, dépendance – par ailleurs parfaitement identifiées. Bien sûr, d’autres solutions thérapeutiques existent face à la diarrhée. L’écorce de chêne préparée en décoction réduit la perméabilité de l’intestin et permet donc de soulager les symptômes de l’affection. La rhubarbe est également utilisée pour son effet astringent. Ces médications, certes, présentent toutes un intérêt mais elles ne constituent pas la réponse que cherche Paul Janssen. Le pharmacologue est pourtant sur la bonne voie, guidé dans sa quête par l’exemple des opiacés et leur mode de fonctionnement dans le système digestif. Il faudrait trouver un principe actif capable d’agir sur le péristaltisme intestinal sans franchir la barrière hématoencéphalique… L’idée ne tarde pas à jaillir sous la forme d’une molécule qui va initier toute une classe thérapeutique.
Nouvelle classe thérapeutique.
Nous sommes en 1963 quand Paul Janssen découvre le lopéramide. L’invention va faire grand bruit. Car cet analogue structurel des opiacés – agoniste opioïde des récepteurs µ - n’a que peu d’effets sur le système nerveux central. En revanche, c’est un ralentisseur efficace de la motricité intestinale qui agit en se fixant sur les récepteurs des muscles lisses de l’intestin. Son action sur le péristaltisme permet de ralentir le transit mais la molécule a aussi un effet antisécrétoire par augmentation du flux hydroélectrolytique de la lumière intestinale. L’innovation est retentissante d’autant qu’elle donne naissance à une nouvelle classe thérapeutique, celle des ralentisseurs de la motricité intestinale.
C’est en Belgique, sa terre natale, et sous le nom d’Imodium que le médicament est lancé. Sa forme est celle d’une gélule, une présentation peu banale à l’époque, qui offre le grand avantage d’être ambulatoire. L’accueil qui est alors fait au nouveau venu est à la hauteur de ses revendications. Indiquée en cas de diarrhée aiguë chronique ou passagère de l’adulte et de l’enfant de plus de 15 ans, la formule d’Imodium est dosée à 2 mg de chlorhydrate de lopéramide et délivrable uniquement sur ordonnance. Son lancement est suivi d’une autre référence de prescription, destinée cette fois aux enfants et présentée sous forme de solution buvable dosée à 0,2 mg/ml. En France, l’AMM est accordée en 1975 au pionnier des ralentisseurs de la motricité intestinale. Le laboratoire Janssen Pharmaceutica a alors intégré depuis plusieurs années le groupe Johnson & Johnson. En son sein, il va poursuivre ses activités de recherche dans des domaines hautement spécialisés de la pharmacie éthique. Mais là ne s’arrête pas la saga Imodium qui poursuit sa lancée sous l’égide d’une entité OTC du groupe, celle-là même qui deviendra quelques années plus tard la division consumer Johnson & Johnson Santé Beauté France. Un positionnement logique qui répond au lancement, en 1993, d’Imodiumcaps – présenté tout d’abord sous le nom Imossel, version sans prescription du médicament éthique. Si son dosage est le même que celui de la formule originelle – 2 mg de chlorhydrate de lopéramide, son indication est réservée aux cas de diarrhée aiguë passagère et son conditionnement n’autorise que 12 gélules par boîte.
Accessible au plus grand nombre.
La mise en œuvre d’Imodiumcaps va initier toute une gamme OTC dont l’objectif est de faciliter l’accès des patients à une médication de pointe. L’année 1999 voit ainsi le lancement d’Imodiumduo, une formule destinée aux adultes et aux adolescents de plus de 12 ans associant lopéramide et siméticone pour une action combinée sur les symptômes de la diarrhée aiguë assortis d’une gêne abdominale liée à la présence de gaz. L’année d’après c’est une référence consacrée à la diarrhée d’origine infectieuse du nom d’Imoseptyl qui vient élargir la gamme.
Puis l’esprit pionnier de la marque se manifeste à nouveau, en 2003, par la mise au point d’une forme novatrice et unique sur son marché, le lyophilisat. Mais pas n’importe lequel puisque celui-ci fait l’objet d’un brevet. Car la forme est remarquable par sa petite taille, d’une part, qui facilite la dissolution du médicament dans la bouche, par son processus de fabrication, également, qui est spécifiquement adapté à la molécule qu’il véhicule. La plus ambulatoire des galéniques est baptisée Imodiumlingual et constitue un traitement de courte durée des diarrhées passagères de l’adulte de plus de 15 ans. Resté longtemps sans concurrence sur son segment de marché, le médicament est devenu un produit de référence pour le pharmacien car il apporte une grande facilité d’utilisation et s’adresse à de nombreux patients. Trois ans plus tard, la couverture des réponses aux symptômes de la diarrhée s’élargit encore avec le lancement d’Imonogas, formule dédiée au traitement des ballonnements abdominaux chez l’adulte.
Si handicapantes et fréquentes que soient les manifestations liées aux désordres intestinaux, elles trouvent aujourd’hui dans la gamme grand public initiée par Imodium un large éventail de prises en charge. Le marché OTC ne s’y trompe pas puisqu’il la place au second rang des traitements antidiarrhéiques et la désigne comme leader des inhibiteurs du transit. Providentielle, la marque l’a été et compte bien le rester puisqu’elle prépare un nouveau lancement sur le segment des traitements OTC de la diarrhée passagère. La saga Imodium a encore bien des pages à tourner et elle n’est pas prête de se tarir.
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