« La dengue est présente aux Antilles de façon endémo-épidémique, avec tous les 2 à 4-5 ans des épidémies de dengue qui surviennent et, entre ces épidémies, quelque cas de transmission », indique le Pr André Cabié, du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Martinique à Fort-de-France, lors d’une conférence de l’ANRS-MIE. L’infectiologue rappelle qu’il y a quatre sérotypes de virus qui circulent alternativement d’une épidémie à l’autre. La dernière épidémie a débuté fin juillet-début août 2023 et est en train de se terminer dans les deux territoires de Guadeloupe et de Martinique. On estime qu’il y a eu un peu moins de 35 000 cas symptomatiques, de 85 à 90 formes graves et une quinzaine de décès.
En métropole, le risque de transmission est loin d’être écarté. Tout d’abord, on observe une explosion de cas importés en grande partie des Antilles. Cette année, on a déjà battu des records de cas importés des Antilles, « avec 2 666 cas déclarés du 1er janvier au 11 juin », selon Santé publique France, soit 16 fois plus de cas que les années précédentes sur la même période. Ensuite, c’est à partir de ces cas importés qu’apparaissent des cas autochtones. S’il n’y en a encore eu aucun en 2024, on peut s’attendre, alors qu’on entre dans la période estivale, à ce que ces cas autochtones soient nombreux cette année, sachant que le moustique tigre est présent sur plus de 75 % du territoire. Et la tenue des Jeux Olympiques en France, avec la venue de touristes du monde entier, pourrait faire exploser le nombre de cas dans l’Hexagone.
Qui sont les personnes à risque de forme grave ?
Côté recherche, les scientifiques tentent de mieux identifier les personnes qui sont à risque de forme grave, chez qui la dengue peut évoluer vers une forme hémorragique ou un syndrome de choc mortel. « Certains sujets sont plus à risque, comme les drépanocytaires et les diabétiques. Mais il existe aussi une sous-catégorie de personnes qui va évoluer vers une forme grave, pour des raisons mal élucidées. Nous avons créé un consortium réunissant plusieurs experts des territoires d’outre-mer afin de travailler sur les déterminants de ces formes graves », avance André Cabié.
Des personnes qu’il importe d’identifier, car ce sont elles qu’il faudrait vacciner en priorité. À ce jour, on dispose de deux vaccins ayant une AMM dans la dengue en France : Dengvaxia (Sanofi Pasteur) et Qdenga (Takeda). « Dengvaxia est commercialisé, mais son utilisation a été rendue assez complexe car il faut être sûr que les personnes ont déjà eu au moins une fois la dengue pour pouvoir les vacciner. Cela a été une gêne à la mise en place d’une vaccination à grande échelle », relate André Cabié. Au final, Dengvaxia n'est pas recommandé pour les voyageurs d'une zone non endémique vers une zone endémique, ni pour les résidents de La Réunion et de Mayotte. Pour les personnes qui vivent en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane, la vaccination n'est pas recommandée mais peut toutefois être proposée à celles apportant une preuve documentée d’une infection confirmée par virologie.
De plus, ce vaccin ne devrait plus du tout être utilisé. En effet, avec l’arrivée prochaine sur le marché français d’un vaccin plus facile à utiliser, Sanofi Pasteur a décidé d’arrêter la commercialisation de Dengvaxia.
Ce nouveau vaccin, c’est Qdenga. « Son principal avantage est qu’il n’y a pas besoin d’avoir eu la dengue avant de faire ce vaccin, même s’il est un peu moins efficace chez les personnes qui n’ont pas eu la dengue », estime l’infectiologue. En revanche, avec cette nouvelle donne vaccinale, on ignore encore quelle sera la conduite à tenir en termes de vaccination dans les différentes populations concernées. « La HAS devrait émettre des recommandations dans les tout prochains jours pour les voyageurs et pour les personnes vivant en zones d’endémie », dévoile André Cabié. Aujourd’hui, Qdenga est déjà utilisé dans plusieurs pays, notamment en Allemagne, en Belgique, au Brésil ou en Asie. « L’OMS recommande de l’utiliser chez les enfants de 6 à 16 ans, mais ces préconisations concernent surtout le continent asiatique, où la maladie est essentiellement pédiatrique, explique André Cabié. Pour la zone outre-mer côté Amérique, le profil épidémiologique de la dengue est différent, avec autant d’adultes que d’enfants qui sont touchés ». Les recommandations que l’on attend de la HAS devraient donc concerner également les adultes, notamment ceux à risque de forme grave.
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