Selon les résultats définitifs de l'essai CORIMUNO-TOCI-1 paru dans le « JAMA Internal Medicine », « le tocilizumab limite l’aggravation et la nécessité de transfert en réanimation des patients atteints de pneumonie Covid-19 modérée à sévère », affirme l'AP-HP. Cet essai est paru en même temps qu'une autre étude randomisée contrôlée aux résultats négatifs. Le bilan quant à l'efficacité de cet anticorps monoclonal anti-IL-6 chez les patients Covid-19 hospitalisés mais non admis en soins intensifs apparaît donc contrasté.
« Pour l'instant, les résultats des essais randomisés ne soutiennent pas l'utilisation systématique du tocilizumab dans le cadre du Covid-19 », écrit Jonathan Parr (Division of Infectious Diseases, Department of Medicine, University of North Carolina à Chapel Hill) dans un édito associé à ces publications.
Une diminution du recours à la ventilation
Dans l'essai randomisé contrôlé français, 130 patients d'âge médian 64 ans et pris en charge au sein de neuf hôpitaux français ont été inclus entre le 31 mars et le 18 avril pour un suivi de 28 jours. Parmi eux, 63 ont reçu du tocilizumab et 67 des soins standards. Les patients présentaient une pneumonie liée au Covid modérée à sévère et avaient besoin d'au moins 3 l/min d'oxygène mais sans ventilation ni prise en charge en soins intensifs.
Le critère principal de l'étude était un score supérieur WHO-CSP à cinq au jour 4 (le WHO-CSP étant une échelle en dix points reflétant le besoin de ventilation, avec 0 correspondant à un patient non infecté, 5 à un patient hospitalisé nécessitant de l’oxygène par masque ou sondes nasales et 10 à un patient décédé), ainsi que la survie sans besoin de ventilation au jour 14.
Comparé aux soins standards, le tocilizumab n'a pas permis d'abaisser le score WHO-CPS en dessous de cinq à J4. Toutefois, le tocilizumab a permis de réduire le risque de ventilation non invasive, de ventilation mécanique ou de décès survenus à J14 (24 % des patients sous tocilizumab contre 36 % des patients du groupe contrôle).
Concernant la mortalité à 28 jours, aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes de patients.
Pas de bénéfice pour l'étude italienne
Dans un second essai randomisé contrôlé (RCT-TCZ-COVID-19), menée au sein de 24 hôpitaux italiens, 123 patients d'âge médian 60 ans ont été inclus entre le 31 mars et le 11 juin. Ils sont 60 à avoir reçu du tocilizumab et 63 des soins standards. Les patients présentaient une pneumonie Covid-19 documentée par imagerie radiologique, un taux PaO2/FiO2 compris entre 200 et 300 mmHg, et un phénotype inflammatoire caractérisé par de la fièvre et une protéine C-réactive élevée.
Le critère principal était un critère composite incluant l'admission en unité de soins intensifs avec ventilation mécanique invasive, le décès pour toutes causes ou l'aggravation clinique associée à un taux PaO2/FiO2 inférieur à 150 mm Hg.
L'étude n'a montré aucun bénéfice du tocilizumab. En effet, une aggravation clinique a été observée pour 28,3 % des patients du bras tocilizumab et 27 % du bras contrôle. De plus, deux patients sont décédés moins de 30 jours après la randomisation dans le groupe tocilizumab et un dans le groupe soins standards. À noter que l'essai a dû être interrompu prématurément pour futilité, car aucune amélioration du critère composite n'a été constatée lors de l'analyse primaire.
Deux autres essais aux résultats contradictoires
Si ces deux essais cliniques ont inclus des patients de sévérité clinique similaire, Jonathan Parr pointe leurs différences dans son édito. Notamment, dans l'étude italienne, les patients avaient besoin d'oxygène par canule nasale sans besoin de soins intensifs, tandis que les patients français avaient besoin d'oxygène, mais pas d'oxygène à haut débit par canule nasale, de ventilation non invasive ou de ventilation mécanique.
En plus de ces deux études, Jonathan Parr évoque deux autres essais randomisés, multicentriques et contrôlés menés chez des patients hospitalisés pour pneumonie Covid. Selon des résultats préliminaires (non revus par les pairs), l'essai COVACTA n'a pas atteint les critères d'efficacité définis et la mortalité à 28 jours ne différait pas des soins standards, et dans l'essai EMPACTA, le tocilizumab a permis une réduction de la ventilation mécanique et de la mortalité à 28 jours.
« Les résultats des études CORIMUNO-TOCI-1 et EMPACTA suggèrent que le tocilizumab peut réduire le besoin de ventilation mécanique et, par extension, de soins intensifs chez certains patients atteints de COVID-19 sévère », résume Jonathan Parr. Les résultats définitifs de COVACTA, d'EMPACTA et des autres essais en cours - dont RECOVERY - devraient apporter des éléments plus solides.
Un bénéfice chez les patients en soins intensifs
Par ailleurs, une grande étude observationnelle américaine (STOP-COVID), publiée dans le même numéro du « JAMA Internal Medicine », apporte des résultats complémentaires. Entre le 4 mars et le 10 mai, 3 924 patients admis en soins intensifs pour Covid-19 dans 68 hôpitaux aux États-Unis ont été inclus. Parmi eux, 433 (11 %) ont reçu du tocilizumab dans les deux jours suivant l'admission. Le risque de décès à 27 jours était inférieur de 30 % chez les patients traités par tolicizumab par rapport aux autres.
« L'effet bénéfique du tocilizumab sur la survie a été particulièrement remarquable pour les patients dont la maladie évolue plus rapidement, c'est-à-dire qui sont admis aux soins intensifs dans les trois jours suivant l'apparition des symptômes. Dans ce groupe de patients, la réduction de la mortalité grâce au tociliuzumab a été de 60 % », précise David Leaf, co-premier auteur de l'étude.
À noter que cette étude observationnelle se distingue des deux essais cliniques par la population de patients étudiés (qui présentaient une forme beaucoup plus sévère de la maladie) et par une utilisation précoce du tocilizumab - dans les deux premiers jours suivant l'admission aux soins intensifs. « Cela peut être la clé de l’efficacité du tocilizumab - l’administrer avant l’apparition d’une lésion irréversible des organes », avance David Leaf, qui précise qu'« en l'absence d'essais contrôlés sur le tocilizumab menés dans cette population de patients très sévères, cette étude fournit le plus haut niveau de preuve d'un effet sur la mortalité du tocilizumab chez ces patients ».
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