Dans le sillage de la vitamine D, du sulfate de zinc, de l'azithromycine ou de la colchicine, un nouveau « conseil anti-Covid » circule depuis peu sur la Toile.
Mais cette fois-ci il ne s'agit pas de lutter contre l'infection virale, mais plutôt de prévenir les effets rares, mais redoutables, du vaccin anti-Covid produit par AstraZeneca. La prise d'aspirine à faible dose, quelques jours avant et après l'injection, permettrait d'éviter la fameuse thrombose atypique et ses effets parfois mortels. Un antiagrégant plaquettaire pour éviter la thrombose, l'idée ne paraît pas, a priori, saugrenue. À tel point, que quelques professionnels de santé auraient même contribué à la diffuser auprès du public.
Une attitude empirique non fondée
Quant à valider la pertinence de cette automédication fondée sur l'intuition il y a un pas… que le professeur de médecine vasculaire, Stéphane Zuily, ne veut pas franchir. Interrogé par « le Quotidien », celui qui conduit l'essai thérapeutique « Covid et thrombose » depuis bientôt un an, se veut clair : « Il s'agit là d'une attitude empirique non fondée sur les preuves, qui va en outre à l'encontre de la problématique que nous rencontrons. » Globalement, explique-t-il, les thromboses induites par le vaccin ne procèdent pas des mécanismes habituels des thromboses classiques, accessibles, elles, à l'aspirine.
Artérielles ou veineuses mais plutôt veineuses, les thromboses induites par le vaccin sont principalement cérébrales. Or, souligne le Pr Stéphane Zuily, « si les thromboses artérielles passent par le biais du mécanisme plaquettaire sur lequel l'aspirine est compétente, les thromboses veineuses mettent en jeu d'autres mécanismes de la coagulation qui ne se traitent pas par l'aspirine ». Les processus impliqués dans ces thromboses veineuses atypiques sont en effet bien différents de ceux observés lors d'une chirurgie ou d'une stase veineuse. « Il s'agit là d'un mécanisme de nature immuno-allergique », précise le spécialiste. De fait, le vaccin induit une réponse du système immunitaire qui amène la production d'anticorps dirigés contre les plaquettes (anti-FP4), ce qui va provoquer l'agrégation plaquettaire. C'est justement cette agrégation qui pourrait donner l'idée d'utiliser l'antiagrégant plaquettaire qu'est l'aspirine. « Le problème, c'est que nous connaissons très bien cette situation lors des thrombocytopénies induites par l'héparine (TIH) où le même phénomène d'agrégation plaquettaire se produit. Cette TIH est également un phénomène immuno-allergique par lequel les Ac anti-FP4 qui rencontrent le facteur plaquettaire 4, provoquent l'activation des plaquettes, leur agrégation et la formation de thrombi veineux et artériels. » Au total, si on fait l'analogie entre les thromboses induites par le vaccin et celles induites par l'héparine qui procèdent d'un même mécanisme immuno-allergique, la conclusion est claire : l'aspirine n'étant pas efficace dans les TIH, elle ne le sera pas non plus sur les thromboses atypiques induites par les vaccins. CQFD.
La prise d'aspirine n'est pas anodine
De plus, rappelle le membre de la SFMV, comme pour enfoncer le clou : « Je suis d'autant plus opposé à cette démarche thérapeutique que la prise d'aspirine n'est pas anodine, notamment chez les plus de 60-70 ans. Dans cette population, le risque de saignement grave induit par l'aspirine est, à 10 % près, équivalent au risque de saignement qu'on peut avoir sous AVK, même aux petites doses. » Un risque qu'il faut aussi rapprocher de celui de thrombose induite par le vaccin qui concerne 1 personne sur 125 000. « Traiter en préventif à l'aspirine, reviendrait à faire supporter à 124 999 personnes le risque d'un saignement majeur avec un rapport bénéfice/risque totalement défavorable pour prévenir ce type de thrombose », estime Stéphane Zuily. Depuis peu, un nouveau protocole, coécrit par plusieurs sociétés savantes dont la SFMV, prévoit le traitement des thromboses apparues 4 à 20 jours après une vaccination AstraZeneca. Il s'agit d'associer un anticoagulant sans héparine (Arixtra ou Fondaparinux) à des injections intraveineuses d'immunoglobulines. Une attitude désormais admise au niveau national et international.
Quant à établir un traitement préventif, hors l'option « aspirine », la tâche est ardue, dit en substance le spécialiste. Avec « seulement » 8 morts par million et 1 cas de thrombose sur 125 000 personnes vaccinées, il est difficile d'avancer sur cette question. Reste que le rapport bénéfice/risque d'AstraZeneca est clairement favorable. « Après 50 ans, on a 10 fois plus de bénéfices à se faire vacciner pour éviter le Covid que de risque de déclencher une thrombose. Sans compter que celle-ci peut désormais être traitée », rappelle enfin le Pr Stéphane Zuily.
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