« IL N’Y A aucun exemple, dans toute l’histoire du médicament d’hier et d’aujourd’hui, d’un dérapage scientifique et éthique comparable et d’une cascade de tromperies aussi moralement choquantes », écrit Philippe Even dans « La Vérité sur le cholestérol » qui sort jeudi prochain aux Éditions du Cherche midi. Pour lui, le cholestérol pourrait bien être un ennemi imaginaire contre lequel des millions de personnes se battent pour rien depuis des années. « Le cholestérol, affirme-il dans son ouvrage, est sans danger », et les statines sont prescrites inutilement dans au moins 9 cas sur 10. Près de cinq millions de Français prennent actuellement des statines, un marché évalué à 2 milliards d’euros par an, soit un quart du déficit de l’assurance-maladie, selon Philippe Even. Au niveau mondial, le marché atteindrait 25 milliards de dollars par an, avec plus de 200 millions de malades traités.
La Haute Autorité de santé (HAS) n’a pas tardé à réagir, face aux nombreux échos médiatiques suscités par ce livre, avant même sa sortie. Pour elle, cet ouvrage, « risque d’augmenter encore la défiance à l’égard des traitements existants et de ceux qui les prescrivent chaque jour pour soigner ». Contrairement aux affirmations de Philippe Even, la HAS rappelle que « l’hypercholestérolémie augmente le risque de survenue de maladie cardio-vasculaire. À plus forte raison si elle est associée à un autre facteur de risque, diabète, hypertension artérielle, tabagisme, ... et quand elle est présente chez des malades qui ont déjà fait un accident cardiaque ou vasculaire. La prendre en charge s’avère donc indispensable pour certains malades ». Procédant, en 2010, à l’analyse critique de très nombreuses études, la HAS concluait déjà que « les statines ont une place dans la prise en charge de certains patients car elles sont associées à une baisse de la mortalité totale d’environ 10 % et du risque de survenue d’un accident cardio-vasculaire (infarctus du myocarde notamment) ». Elle insiste sur le fait que, « en prévention secondaire (après un accident cardio-vasculaire, infarctus, AVC), l’intérêt des statines est indiscutable ». En prévention primaire (avant un accident), « les statines sont à réserver aux personnes qui sont à haut risque, c’est-à-dire qui cumulent plusieurs facteurs de risque, tels qu’un diabète, une HTA, un tabagisme… » Par contre, « dans le cas d’une hypercholestérolémie non familiale isolée, il n’a pas été démontré que la prescription de statines était efficace. Le traitement par statine n’est alors pas justifié, admet la HAS, qui constate un certain mésusage des statines en France : un recours abusif aux statines en prévention primaire - en regard notamment des effets secondaires possibles de ces molécules - chez des personnes qui ne sont pas à haut risque, en même temps qu’un défaut de prescription de statines chez des patients qui le justifieraient ».
La HAS tient à rappeler que « les patients ne doivent pas interrompre leur traitement sans en avoir discuté avec leur médecin et que, s’ils sont inquiets, ils doivent aborder ce sujet à l’occasion d’une prochaine consultation médicale ». Et elle n’hésite pas à dénoncer l’irresponsabilité de l’auteur : « Inquiéter les malades, provoquer leur défiance vis-à-vis d’un traitement utile et vis-à-vis des médecins qui prescrivent leur traitement n’est pas responsable. Faire courir le risque d’arrêter leur traitement à des malades qui en ont réellement besoin fait porter une responsabilité lourde à l’auteur de ce livre. »
Même condamnation de la part du LEEM, qui dénonce également « l’irresponsabilité de Philippe Even à l’égard des patients ». Pour les laboratoires, ce livre, « rempli de contre-vérités », n’est qu’ « une attaque sans nuance contre la prise en charge du cholestérol et consiste en un déni pur et simple de l’ensemble des recommandations scientifiques internationalement admises en la matière ». Le LEEM parle d’« instrumentalisation des patients ». Et enfonce le clou. « En semant le doute sur les dangers du cholestérol et sur l’utilité de sa prise en charge médicamenteuse, l’auteur prend le risque de conduire des malades à arrêter de leur propre initiative des traitements qui leur sont nécessaires. » Il rappelle que les maladies cardio-vasculaires sont responsables de 150 000 décès par an en France et représentent la deuxième cause de mortalité après le cancer, que la mortalité cardio-vasculaire en France a diminué de 50 % en 25 ans grâce à l’ensemble de la prise en charge notamment médicamenteuse et que les statines sont des médicaments efficaces, comme l’ont confirmé de très nombreuses études scientifiques prises en compte par les autorités sanitaires de tous les pays.
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