Les inhibiteurs de checkpoints immunitaires (ICP) ont considérablement amélioré la survie des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) à un stade avancé. Toutefois, une part importante d’entre eux ne répond pas à cette immunothérapie.
Le marqueur de choix actuel pour prédire la probabilité de réponse aux ICP est l’expression du PD-L1 (programmed death ligand-1) par les cellules tumorales détectées en immunohistochimie. Or, ce test nécessite une biopsie tissulaire et sa précision est limitée. En outre, s’il « prédit les répondeurs à l’immunothérapie, il n’est pas suffisament sensible. C’est pourquoi, jusqu’ici, chaque patient peut recevoir une immunothérapie malgré le résultat du marquage PD-L1. Ce qui signifie que beaucoup d’entre eux recevront un traitement auquel ils ne répondront pas, tout en risquant de développer des effets secondaires », explique au « Quotidien » la Dr Mirte Muller, chercheuse en oncologie thoracique à l’Institut néerlandais du cancer à Amsterdam et l’une des deux premières cosignataires de l’étude publiée dans les « Annals of Oncology » (1).
Une exactitude de 85 %
« En utilisant le PD-L1 pour prédire la non-réponse, le pourcentage d’exactitude serait de 60 à 75 %. Par contraste, notre analyse de l’air expiré par les patients, via le nez électronique (eNose), peut distinguer les répondeurs des non-répondeurs avec une exactitude de 85 %. Dans notre étude, 24 %, des patients pourront ainsi éviter de recevoir une immunothérapie inefficace. »
Le nez électronique est un petit dispositif (Spironose développé par la start-up Breathomix) qui permet de capter le mélange des composés organiques volatiles (COV) présents dans l’air expiré par les patients. Les résultats sont transmis en quelques secondes au cabinet médical.
« Le patient prend une profonde inspiration, la retient pendant cinq secondes, puis expire lentement dans le nez électronique », explique Rianne de Vries, chercheuse en médecine respiratoire à l’université médicale d’Amsterdam et chef des opérations de la compagnie Breathomix, qui cosigne l’étude. « Les capteurs eNose répondent au mélange complet de composés organiques volatils dans l’haleine expirée. Chaque capteur est sensible à un groupe différent de molécules. Les lectures des capteurs sont envoyées à un serveur en ligne pour permettre le traitement en temps réel des données et la correction de l’air ambiant, car l’air expiré est influencé par l’air inspiré. La mesure prend moins d’une minute et les résultats sont comparés à une base de données en ligne dans laquelle des algorithmes d’apprentissage automatique déterminent immédiatement si le patient est susceptible de répondre au traitement anti-PD1. »
Nivolumad ou pembrolizumab
L’étude prospective porte sur 143 patients atteints de CPNPC avancé, recrutés entre mars 2016 et février 2018. Les patients ont soufflé dans l’eNose deux semaines avant de commencer le traitement par un ICP, nivolumab ou pembrolizumab. La réponse au traitement a été évaluée après 3 mois. Les résultats des 92 premiers patients (groupe d’entraînement pour les algorithmes) ont ensuite été validés par les résultats des mêmes tests sur les 51 patients restants (groupe de validation).
Les résultats montrent que l’eNose prédit la réponse à l’immunothérapie avec une exactitude de 85 % chez les patients ayant un CPNPC avancé. L’analyse des données des capteurs avant traitement, et après 3 mois, a confirmé que 24 % des patients étaient non-répondeurs au traitement anti-PD1. « Ces résultats indiquent que la susceptibilité au traitement anti-PD1 est reflétée par une empreinte moléculaire distincte exhalée », notent les chercheurs. Le prochain objectif est de confirmer ces résultats dans une large étude prospective multicentrique. Une étape nécessaire avant que l’eNose puisse être utilisé comme un nouvel outil en temps réel pour guider le traitement.
(1) R. de Vries et al., Annals of Oncology, 10.1093/annonc/mdz279, 2019.
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