L’ÉQUIPE de Levine a constaté que des souris prétraitées par la nicotine (pendant 7 jours) présentent une réponse accrue à la cocaïne : leur sensibilisation locomotrice induite par la cocaïne est accrue de 98 % ; leur préférence de place conditionnée (une mesure du conditionnement induit par la drogue) est accrue de 78 % ; et la réduction de la potentialisation à long terme (PTL) induite par la cocaïne dans le noyau accumbens est accentuée de 24 %.
De façon importante, ces réponses à la cocaïne sont majorées uniquement lorsque la nicotine est administrée en premier, la nicotine et la cocaïne étant ensuite administrées en même temps. En inversant l’ordre administration des drogues (prétraitement par la cocaïne puis exposition à la nicotine), la cocaïne n’a aucun effet sur les comportements et la plasticité synaptique induits par la nicotine, ce qui indique un effet « d’amorçage » (priming en anglais) spécifique de l’exposition à la nicotine.
Enfin, au niveau cellulaire, les chercheurs ont constaté que le prétraitement par la nicotine accentue (de 61 %) l’augmentation de l’expression du gène FosB induite par la cocaïne. Le gène FosB contrôle en partie la réponse comportementale à la cocaïne.
L’acétylation des histones.
L’étude révèle que le traitement chronique par la nicotine augmente l’acétylation des histones – les protéines nucléaires autour desquelles s’enroule l’ADN pour former la chromatine – dans le striatum (ou se trouve le noyau accumbens) et spécifiquement dans le promoteur du gène FosB. L’acétylation des histones est un marquage épigénétique dans la chromatine qui favorise l’expression génique et elle est modulée par l’équilibre entre les enzymes HAT (histone acétyltransférase) et HDAC (histone désacétylase). La nicotine augmente l’acétylation des histones en inhibant les histones désacétylases (HDAC). Cet effet épigénétique pourrait relâcher la chromatine et majorer l’activation de la transcription du gène FosB après usage chronique de la cocaïne.
En d’autres termes, l’exposition chronique à la nicotine avant l’usage de cocaïne accélère les effets épigénétiques (inhibition HDAC), génétiques (superinduction de l’expression de FosB), électrophysiologiques (augmentation de l’atténuation PTL) et comportementaux (activité locomotrice accrue) qui sont observés lors de la transition entre la réponse aiguë et la réponse chronique à la cocaïne et sont liés au processus d’addiction.
Ces effets du prétraitement par la nicotine peuvent être simulés par l’administration aiguë aux souris d’un inhibiteur des histones désacétylases (SAHA, ou suberoylanilide hydroxamic acid), avec augmentation de l’expression du gène FosB et dépression PTL dans le noyau accumbens.
Inversement, l’infusion dans le noyau accumbens d’une faible dose de théophylline, un activateur des HDAC, diminue les effets de la cocaïne sur la PTL.
« Si nos résultats chez la souris s’appliquent à l’homme, une baisse du tabagisme chez les jeunes devrait conduire à une baisse de l’addiction à la cocaïne », estiment les chercheurs.
La voie de nouveaux traitements de l’addiction.
Pour le Dr Nora Volkow (National Institute on Drug Abuse, NIH, Bethesda), auteure d’un commentaire associé, ces résultats pourraient conduire à la découverte de nouveaux traitements de l’addiction. Dans ce cadre, des médicaments influençant l’acétylation des histones (comme la théophylline faible dose) pourraient-ils être bénéfiques dans le traitement de l’addiction à la cocaïne ?
De plus, les implications de ces résultats pourraient s’étendre bien au-delà de l’addiction, ajoute-t-elle. En voici un exemple. Puisqu’il apparaît que les inhibiteurs des HDAC augmentent la mémoire dans des modèles animaux, la possible activité inhibitrice des HDAC identifiée dans l’étude suggère que des analogues de la nicotine pourraient devenir des cibles prometteuses pour le développement de médicaments capables de stimuler la mémoire et l’apprentissage.
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