MOLÉCULES, galéniques et conditionnements sont aussi différenciés que nombreux sur le marché de l’antisepsie, une diversité qui donne au rayon un visage pour le moins éclectique en pharmacie. Variété dans les formes galéniques, tout d’abord, dont chacune répond à un mode d’utilisation particulier : la solution, qui fait figure de « standard » de l’armoire à pharmacie, le spray, très pratique à l’usage, et sans doute la forme la plus vendue du rayon des antiseptiques, la solution moussante, ou « scrub », à utiliser sous la douche, les crèmes et gels convenant bien aux peaux irritées, les compresses et pansements imprégnés pour les plaies à protéger. Moins prolixe, le conditionnement présente tout de même le choix entre plusieurs contenances de flacon – toujours apprécié des usagers bien que, une fois ouvert, il n’assure qu’une durée limitée (pas plus d’un mois) de conservation à la solution, et l’unidose, qui présente l’avantage de la mobilité et de l’hygiène (usage unique).
Mais, en matière d’antiseptiques, la diversité de l’offre s’exprime avant tout dans les molécules qui la composent. Des formules qui donnent lieu à un marché partagé de façon relativement équitable entre les achats remboursés (51 %) et l’automédication (49 %) - OTC et vignettés non remboursés, et qui pèse près de 130 millions d’euros pour 38 millions d’unités vendues (CMA à mars 2012). Peu enclin aux bouleversements, c’est un univers stable qui évolue, pour une part, au rythme des vagues de déremboursements. Ainsi, le segment des antiseptiques hors prescription a-t-il gagné près de 6 %, en volume et en valeur, sous l’impulsion de certaines présentations couramment prescrites qui, suite à un déremboursement partiel, ont endossé la fameuse vignette orange. Mais là n’est pas la seule explication.
Les leviers du marché.
L’évolution du marché repose aussi sur quelques références à forte notoriété, des blockbusters capables d’insuffler une dynamique certaine aux ventes. C’est le cas de Biseptine, des laboratoires Bayer Santé Familiale. La formule, association de trois principes actifs - dont la chlorhexidine - est présente sur les deux versants du rayon des antiseptiques : celui de la prescription, avec une référence vignettée, et celui de l’automédication, grâce à une déclinaison non remboursable de la formule originelle lancée sous le nom de Biseptinespraid. Le produit, qui fait actuellement l’objet de publicité télévisée, est depuis peu proposé en format nomade de 50 ml ciblant tout particulièrement les mères avec jeunes enfants. Si bien que le laboratoire dispose de deux leviers importants, générateurs de notoriété, la prescription médicale et la communication grand public.
La logique de marque est donc une stratégie forte sur le marché. Elle est d’ailleurs appliquée par d’autres grands noms de l’antisepsie. Dakin (Cooper), sur le segment des dérivés chlorés, et Bétadine (Meda Pharma) sur celui des dérivés iodés, en sont de bons exemples. Déclinés en version remboursable et non remboursable, ils offrent au rayon une impulsion certaine, sans compter la diversité de leurs formes galéniques qui, dans le cas de Bétadine, offre un choix non négligeable (solution et compresses imprégnées, gel et pansements médicamenteux, scrub). Puissants antiseptiques capables d’agir sur les bactéries, les champignons et les virus, les dérivés chlorés et les dérivés iodés ne présentent cependant pas les mêmes caractéristiques, les premiers étant indiqués en cas de blessure avec exposition au sang, les seconds étant contre indiqués aux sujets intolérants à l’iode et aux nouveau-nés.
D’autres grandes catégories de molécules viennent compléter l’offre officinale en antiseptiques. Parmi elles, la chlorhexidine apparaît comme un fer de lance du marché. « Cet antiseptique présente un bon rapport efficacité/praticité pour le conseil du pharmacien au quotidien car il est efficace sans piquer ni colorer la peau », précise Rose May Lucotte, chef de produits antiseptiques auprès du Laboratoire Cooper. D’autres rappellent cependant que la chlorhexidine n’est pas dispensée de précautions d’emploi, ne s’appliquant pas sur les muqueuses et son action étant inhibée par l’utilisation conjointe de savon – un « détail » qui a son importance quand on sait que le nettoyage à l’eau et au savon est la première étape dans le soin d’une plaie ! Ce qui n’empêche pas le succès de la formule qui fait de ce segment l’un des plus larges du rayon, abritant de nombreuses références : Chlorhexidine Cooper 0,5 %, Dosiseptine (Gifrer Barbezat), Chlorhexidine alcoolique et Chlorhexidine aqueuse Gilbert, Septivon (Oméga Pharma), Diaseptyl (Ducray) et Cetavlex (Pierre Fabre Santé)… On retrouve la molécule associée à un produit de la famille des ammoniums quaternaires dans les formules de Mercryl (Ménarini) et de Dermobacter (Innotech).
Appartenant à la même famille que la chlorhexidine, l’hexamidine est, quant à elle, active sur un nombre de germes plus restreint. Elle n’en fédère pas moins un nombre conséquent d’antiseptiques qui affichent le nom de différents laboratoires (Gilbert, Mylan, Ratiopharm…) ou celui de marques notoires comme Hexomédine (Sanofi).
Incontournables.
Autre poids lourd du marché, l’alcool modifié bénéficie d’un statut historique, grâce auquel le produit continue d’être largement conseillé. Il n’est pourtant pas indolore, appliqué directement sur la plaie, mais est très utilisé pour la désinfection de la peau saine et du matériel. « L’alcool modifié est également vendu en grande distribution où les deux tiers de ses ventes sont réalisées. Pourtant, il constitue un des deux plus importants segments de l’antisepsie à l’officine », précise Rose May Lucotte. De potentiel, le produit ne manque pas et, dans cette logique, la chef de produits du laboratoire Cooper préconise de lui offrir un maximum de visibilité afin de favoriser l’achat d’impulsion dont la formule fait généralement l’objet. « Il ne faut pas que ce segment échappe à l’officine, conclut-elle non sans étendre son raisonnement au rayon entier des antiseptiques : Souvent associés aux produits contre les coups, les bosses et les brûlures derrière le comptoir, les antiseptiques mériteraient qu’on leur accorde une plus grande place dans le rayon car ce sont eux qui génèrent le plus de ventes. » L’alcool n’est cependant pas la seule substance « générique » du marché. L’éosine et l’eau oxygénée en sont d’autres et constituent chacune des segments modestes mais incontournables du rayon. C’est pourquoi on les trouve, tout comme l’alcool généralement sous forme modifiée, dans l’offre de nombreux laboratoires (Cooper, Gifrer, Gilbert, Évolupharm…). L’éosine fait partie des antiseptiques colorants au pouvoir asséchant, recommandé dans le traitement d’appoint des maladies de peau susceptibles de se surinfecter comme l’érythème fessier du nourrisson. L’eau oxygénée est un hémostatique souvent utilisé pour arrêter les hémorragies des petites plaies superficielles.
Dans cette logique confidentielle, certaines molécules donnent lieu à de rares références qui forment de tout petits segments de l’antisepsie : le triclocarban est utilisé pour le nettoyage et le traitement des lésions de la peau et des muqueuses infectées (Solubacter de Lisapharm) ; les dérivés anioniques ont une action détergente et doivent être utilisés avec prudence sur les muqueuses (Dermacide de Sinclair Pharma France) ; les sels de zinc et de cuivre ont également des propriétés antiseptiques et entrent dans la composition de l’eau Dalibour (Ramet Dalibour chez Tradiphar) ; les dérivés du mercure font partie des plus anciens antiseptiques, mais ne doivent pas être associés aux dérivés iodés (Mercurescéine Gifrer)…
Certaines crèmes, enfin, présentent également un pouvoir antiseptique. C’est le cas de Cetavlon (Pierre Fabre Santé), notamment indiquée pour prévenir le risque infectieux occasionné par les petits traumatismes quotidiens (éraflures, échauffements, épilation, rasage) mais aussi de Flammazine (Sinclair Pharma) utilisée dans le traitement d’appoint des plaies et brûlures.
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Françoise Amouroux
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