Quelques définitions
La photosensibilisation correspond à un processus exagérant la sensibilité d’un organisme à la lumière. Selon le mode d’administration de l’agent photosensibilisant, on distingue les photodermatoses de contact où l’agent responsable est appliqué sur la peau (parfums, cosmétiques, médicaments) et les photodermatoses systémiques où celui-ci est introduit par voie interne. Les substances photosensibilisantes peuvent être définies comme des éléments absorbants une ou plusieurs longueurs d’onde et qui induisent au sein de l’organisme irradié des effets spécifiques.
Un peu de physiopathologie
Deux types de réactions peuvent être mises en évidence : la réaction phototoxique, et la réaction photoallergique. Dans les deux cas il s’agit d’une excitation de l’agent photosensibilisant par les photons du rayonnement solaire, puis d’une interaction entre cet agent excité et les molécules du derme. La réaction phototoxique produit des radicaux libres et des peroxydes toxiques pour les membranes cellulaires, et les dégâts peuvent être importants à long terme. La réaction photoallergique fait intervenir les lymphocytes T et le système immunitaire. Contrairement aux réactions phototoxiques, les lésions peuvent s’aggraver avec le renouvellement des expositions même de faible intensité.
Les mots du conseil
Beaucoup plus énergétiques que les UVA, les UVB, responsables des coups de soleil et du photovieillissement, ont longtemps été considérés comme les seuls coupables des méfaits du soleil. Aujourd’hui, il est clairement établi que les radiations UVA sont fortement impliquées, seules ou associées aux UVB, dans l’étiologie des photodermatoses. Contrairement aux UVB, les UVA pénètrent les couches profondes du derme et jouent un rôle majeur dans les phénomènes d’immunosuppression et de photocarcinogenèse.
Comment se manifeste la réaction phototoxique ?
Elle apparaît s’il y a suffisamment de photosensibilisant et de soleil. Elle s’exprime dès la première exposition, dans les minutes ou les heures suivant l’exposition, et se reproduit chaque fois dans les mêmes conditions. Sur le plan physique, la phototoxicité se traduit par des brûlures limitées aux zones imprégnées de produit sensibilisant et découvertes. Elles ressemblent à des coups de soleil intenses parfois accompagnés d’œdèmes et de bulles. Leur apparition et leur disparition sont très rapides. Les lésions desquament laissant une zone hyperpigmentée pendant quelques mois.
Quelles sont les lésions produites ?
Elles sont au nombre de trois : les photo-onycholyses qui s’accompagnent d’un décollement de l’ongle et d’atteintes au niveau des mains ou des pieds ; les pseudo-porphyries caractérisées par la présence de bulles plus ou moins hémorragiques, localisées au visage, aux pieds, et aux mains ; les pigmentations anormales qui régressent en plusieurs mois.
Quelles sont les différences avec la réaction photoallergique ?
Dans ce cas, les lésions dépassent le strict cadre des zones découvertes et peuvent atteindre les zones couvertes. Leur déclenchement est indépendant de la dose de produit et de l’intensité de l’ensoleillement. En 48 heures, la peau rougit, démange fortement et se couvre de vésicules. Leur disparition peut être très lente (plus de deux mois).
Quelles sont les causes de la dermite des prés et de la dermite « en breloques » ?
Toutes les deux sont des réactions de photosensibilisation de contact. La dermite des prés est causée, sur un mode phototoxique, par le contact de la peau avec certaines plantes suivi d’une exposition solaire. Elle survient classiquement chez un sujet qui, après un bain, s’allonge dans l’herbe par temps ensoleillé. Après quelques jours, il se produit une éruption érythémateuse qui reproduit le dessin du végétal. Elle régresse en quelques jours mais une pigmentation résiduelle peut persister. La dermite en breloques se manifeste sur les faces latérales du cou et sous les aisselles consécutivement à un contact avec un parfum (furocoumarines, huiles essentielles).
À quoi est due la lucite estivale ?
Dans la lucite estivale, les UVA provoquent une hyperactivité des cellules immunitaires (cellules de Langerhans) et participent à la destruction des membranes cellulaires libérant des éléments intracellulaires non reconnus par les cellules immunitaires. Mais l’agent responsable n’est pas identifié et cette photodermatose est dite idiopathique, tout comme l’urticaire solaire. La lucite estivale bénigne (LEB) est la forme la plus répandue, elle touche essentiellement les femmes dès la trentaine, elle respecte le visage et diminue de poussée en poussée au cours de l’été.
Quand parle-t-on de photosensibilisation rémanente ?
Parfois la photoallergie médicamenteuse, végétale ou cosmétique, se poursuit pendant des mois ou des années, malgré l’éviction de l’allergène : les différentes lésions récidivent et sont à nouveau déclenchées lors des expositions aux UV sans réintroduction de l’allergène. Cette réaction est aussi qualifiée de dermatose actinique chronique, elle est peu fréquente et affecte surtout les hommes mûrs ou âgés. Plus tard, la dermatose diffuse au-delà, sur les régions couvertes, se transformant parfois en un érythème généralisé.
Les récidives de l’éruption juvénile printanière sont elles fréquentes ?
Proche de la lucite estivale, cette photodermatose touche surtout les garçons de 5 à 12 ans. L’éruption se localise sur le pourtour des oreilles sous forme de papules œdémateuses puis croûteuses. Elle débute après une exposition au soleil par temps froid, ne récidive pas aux expositions ultérieures au printemps ou en été, mais parfois les années suivantes.
Le soleil peut-il améliorer ou aggraver certaines dermatoses ?
Outre l’acné, certaines maladies sont accentuées et connaissent des poussés alors que d’autres sont améliorées. Dans le cas de l’herpès labial, une poussée herpétique peut apparaître sous l’influence du soleil (UVB). Si le soleil atténue les manifestations de la dermatite atopique, l’anomalie de la fonction barrière expose à une plus grande sensibilité aux UV. Un climat sec et ensoleillé profite aux patients atteints de psoriasis sous sa forme bénigne, à condition d’éviter les coups de soleil.
Quels sont les principaux médicaments incriminés… ?
Les drogues le plus souvent en cause sont les dérivés porphyriniques, les antibiotiques (essentiellement les cyclines et les quinolones), les psychotropes (phénothiazines, benzodiazépines, carbamazépine, et les antidépresseurs tricycliques), les normolipémiants (fibrates), les anti-inflammatoires (piroxicam, kétoprofène), les dérivés quinidiniques, l’amiodarone, les psoralènes, le flutamide, des antihypertenseurs (dérivés diurétiques sulfamidés et nifédipine), certains antiviraux.
et les principaux agents photosensibilisants de contact ?
Certains topiques antiseptiques (triclosan, hexamidine, chlorhexidine…), des médicaments (sulfamides locaux, AINS, aciclovir, psoralène, dérivés de la vitamine A acide, antiacnéiques dont l’isotrétinoïne, adapalène et peroxyde de benzoyle, quelques antihistaminiques) ; des produits utilisés dans l’agriculture (pesticides, fongicides) ; des cosmétiques (musc ambrette, psoralènes, baume du Pérou, essence de bergamote, huiles essentielles de lavande, de santal, de cèdre) ; des végétaux (surtout les furocoumarines présentes dans les ombellifères, les rutacées, dans le millepertuis, le géranium, le figuier) ; certains filtres solaires ; des goudrons et des métaux (chrome, nickel, cobalt).
Existe-t-il des facteurs prédisposants ?
Il n’y a pas d’état prédisposant à une photoallergie, mais une application de topiques à fort potentiel photoallergisant sur une peau lésée peut favoriser le développement d’une photoallergie médicamenteuse. Un phototype clair, une exposition solaire intense, une concentration cutanée importante en principe actif sont des facteurs prédisposants à une réaction phototoxique.
Le rôle de l’ensoleillement est-il indispensable ?
Les réactions de photosensibilisation sont plus fréquentes en été, mais elles peuvent apparaître par temps couvert et même en l’absence d’exposition directe au soleil. Ne pas oublier que les UV artificiels en cabine sont, comme les UV naturels, des facteurs nocifs et déclenchants.
Comment détecter une photosensibilisation ?
La photosensibilisation peut être recherchée par des photopatch-tests : trois séries de patchs contenant la substance incriminée sont collées sur le dos du sujet. L’une d’elles est irradiée par des UVA, l’autre par des UVB, et la troisième reste couverte et sert de témoin (patch-test). L’apparition d’une réaction d’eczéma après irradiation, en l’absence de réaction au patch test, confirme la photoallergie de l’agent testé.
Les produits conseils
La première mesure de prévention consiste à suspendre, dans la mesure du possible, tout traitement photosensibilisant en période d’ensoleillement intense. L’autre mesure est de s’exposer progressivement au soleil pour faire une désensibilisation naturelle : la peau s’habitue tout doucement aux rayons UV.
Comment bien préparer sa peau au soleil ?
L’exposition doit commencer en mars ou avril quand les rayons ne sont pas trop forts. On peut remplacer l’exposition naturelle par une quinzaine de séances d’UV, éventuellement de Puvathérapie à raison de trois par semaine. Des photoprotecteurs internes peuvent compléter la prévention : caroténoïdes, vitamines A et E, antipaludéens de synthèse.
Que faire si cette préparation n’est pas possible ?
Pour éviter la stimulation brutale du soleil en été, il faut réaliser une photoprotection mécanique avec des vêtements et des crèmes solaires écrans et/ou filtres. Les écrans sont des produits minéraux (dioxyde de titane, oxyde de zinc…) qui reflètent le soleil, leur mode d’action est physico-chimique. Les filtres font une réaction chimique avec le soleil pour entraîner une photoprotection (cinnamates, octocrylène, meroxyl-XL, benzophénones…).
Faut-il préférer les écrans ou les filtres ?
L’avantage des écrans est qu’ils ne présentent pas de risque d’allergie, mais leur aspect blanc est inesthétique. Avec les filtres, il y a passage transcutané et il peut se produire des réactions allergiques aux produits photosensibilisants que contiennent certains d’entre eux. Les écrans organiques (Tinosorb M. et S) ont une double action réfléchissante et absorbante mais ils restent en surface, ce qui leur confère une bonne tolérance. L’indice de protection dépend du phototype de la personne, de l’intensité du soleil et de la durée de l’exposition. L’idéal est de renouveler les applications toutes les deux heures avec un soin solaire d’indice 50 +.
Quels sont les médicaments disponibles ?
Pour soulager la sensation de brûlure, le pharmacien peut proposer une crème apaisante (énoxolone, calendula…) ou une crème à l’hydrocortisone. Dans les formes pathologiques, en traitement curatif, le médecin prescrit des dermocorticoïdes d’activité forte sur les lésions inflammatoires jusqu’à disparition des lésions (environ une semaine). On peut associer des antihistaminiques par voie orale. Si les lésions résistent au traitement, une hospitalisation spécialisée est nécessaire.
Quand recommander les dépigmentants ?
Ils sont conseillés pour lutter contre les taches disgracieuses apparues après une réaction phototoxique. Les substances qu’ils contiennent (rucinol, acide kojique, ombellium…) agissent en freinant la production de mélanine, en éclaircissant la mélanine déjà formée, ou en empêchant sa stimulation par les UV.
Quelle est la place des compléments alimentaires ?
Les formulations sont établies autour de trois axes : coloration, protection contre les radicaux libres et hydratation. L’effet protecteur annoncé ne concerne pas les UV, l’action protectrice est d’aider l’organisme à piéger les radicaux libres en surproduction sous l’action des UVA et des UVB. Le bêtacarotène peut réaliser une certaine photoprotection interne avant l’exposition. Il est toujours le phytopigment le plus utilisé mais d’autres caroténoïdes et antioxydants sont venus enrichir les formules : lycopène de tomate, zéaxanthine, astaxanthine, lutéine. La durée des cures est en moyenne de trois mois : 15 jours avant l’exposition, pendant la durée de l’exposition, puis 15 jours à un mois après.
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Françoise Amouroux
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