Le 2 mai 2017, Pauline décède des suites d'une consommation de Purple drank. Son décès, largement médiatisé, met en lumière les problèmes liés à la codéine : problèmes déjà bien connus des adolescents, mais méconnus d'une grande partie des Français. Le 12 juillet 2017, le ministère de la Santé prend alors la décision radicale d'inscrire la codéine sur la liste des substances vénéneuses, disponible uniquement sur ordonnance.
La codéine est un dérivé opiacé issu d'une plante, le pavot à opium, et utilisé en traitement des toux sèches, irritatives, ainsi que dans la prise en charge des douleurs modérées à sévères et/ou résistantes aux antalgiques de palier I. On note depuis une dizaine d'années une hausse de la consommation des médicaments codéinés et, en parallèle, une augmentation de l'automédication. Cet usage est préoccupant puisque l'utilisation des médicaments est de plus en plus banalisée au sein de la population qui les considère, et notamment ceux vendus sans ordonnance, comme sans danger et moins stigmatisés que les drogues illicites traditionnelles. C'est ce qui conduit à une augmentation des intoxications et, déjà en 2007, au constat de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) qui annonçait que l'abus de médicaments dépasserait bientôt la consommation des drogues illicites classiques au sein des usagers de drogue en Europe.
La codéine est largement détournée en raison de ses propriétés psychodysleptiques. Elle est utilisée en traitement des anxiétés et dépressions, mais également depuis de nombreuses années comme substitut entre deux doses chez les usagers de drogue ou en aide au sevrage, qualifiée de « méthadone du pauvre ». Cette pratique était courante avant l'apparition des traitements de substitution oraux (buprénorphine, méthadone), mais concerne encore aujourd'hui 5 000 à 10 000 personnes. La codéine est aussi utilisée à visée récréative pour la fabrication de Purple drank, mais également de Krokodil, fléau russe.
Un phénomène apparu aux États-Unis dans les années 1990
La pharmacocinétique de la codéine en fait une drogue de choix. Tout d'abord parce qu'elle est d'action rapide (moins de 2 heures) et active sur une longue durée (jusqu'à 6 heures). Mais également parce qu'une fois administrée, elle va être métabolisée en morphine par une protéine appelée le cytochrome 2D6 (CYP2D6). Or ce CYP2D6 est soumis à des polymorphismes génétiques. Certains seront alors considérés comme métaboliseurs lents et d'autres rapides, voire ultrarapides. Et c'est cette dernière catégorie qui est la plus à risque d'intoxications. Les personnes concernées vont alors produire plus de morphine que les autres, subissant alors une rapide addiction à la codéine, et sont susceptibles de développer plus facilement une dépression respiratoire, un coma, voire de décéder. Elles représentent environ 1 à 2 % en Europe, mais également 29 % de la population éthiopienne et africaine.
Le phénomène Purple drank (ou « Lean », « Codesoda », « Syrup »…) est apparu aux États-Unis dans les années 1990 et ne s'est popularisé en France que vers 2013. D'abord employé par les usagers de drogue en période de manque, il s'est rendu célèbre dans le milieu du rap américain et s'est popularisé grâce à celui-ci et notamment grâce à un nouveau genre musical appelé « Screwed and Chopped » créé sous l'influence de ce cocktail codéiné et s'inspirant de ses effets dépresseurs. Ce cocktail mélange de la codéine sous forme de sirop (Euphon ou Néo-Codion généralement), de la prométhazine (Phénergan), du soda et des bonbons. Son nom provient d'un sirop violet commercialisé aux États-Unis associant de la codéine et de la prométhazine. Très prisé chez les jeunes à des fins récréatives pour ses effets psychodysleptiques et son caractère « cool », il est responsable de nombreuses intoxications : 30 cas graves entre 2015 et 2017, 2 décès depuis début 2017 ; 1 adolescent sur 10 a déjà consommé du Purple drank.
Gangrènes et nécroses cutanées
Mais le Purple drank n'est rien face au Krokodil, drogue intraveineuse utilisée comme substitut économique à l'héroïne. Dans ce cas-là, la codéine est transformée en désomorphine, autre analogue opiacé, via une synthèse artisanale mélangeant de la codéine sous forme de sirop à du Krot ou M. Muscle (équivalent de notre M. Propre français), à de l'essence et de l'acide chlorhydrique en grande quantité, auxquels sont rajoutés de l'iode, du phosphore et du diluant à peinture. Cette drogue est vendue 3 fois moins cher que l'héroïne et est 10 fois plus puissante que la morphine. En revanche, elle est également 3 fois plus toxique et entraîne des ulcérations nécrotiques noir vert, telle la peau d'un crocodile, d'où son nom. Elle représente la drogue intraveineuse la plus associée à des risques de gangrènes et de nécroses cutanées, et ce généralement dès la première injection. Son potentiel addictogène est sans précédent et si la durée de vie d'un consommateur de désomorphine peut s'élever à 2 ans, la majorité des consommateurs décèdent dès la première injection. On comptabilise environ un million de consommateurs en 2014 et 5 000 à 7 000 décès entre 2010 et 2012. Le Krokodil est une urgence sanitaire en Russie. Il s'est propagé aux États-Unis et on note les premiers signalements en France en 2017.
22 000 décès par an aux États-Unis
Le danger de la loi du 12 juillet 2017 est le report des consommateurs, en recherche constante de sensations, vers d'autres molécules plus dangereuses et plus addictives. Le détournement des opiacés est un fléau et les États-Unis font face à une véritable épidémie d'addiction avec 22 000 décès par an. En cause, le fentanyl et l'oxycodone, disponibles uniquement sur ordonnance, qui sont de plus en plus détournés. En outre, de nombreuses études démontrent que la dépendance des opiacés fait bien souvent suite à un traitement antalgique antérieur… Tout ceci remet donc en cause la prise en charge de la douleur et l'utilisation des antalgiques.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques