Comment et quand faut-il arrêter les antidépresseurs chez les personnes souffrant de dépression ? La question est récurrente et une récente étude de l’University College London, publiée le 30 septembre dans « The New England Journal of Medicine », apporte une « nouvelle décevante, mais qui doit être prise en compte dans la pratique », selon l’édito associé.
Les rechutes sont en effet plus nombreuses chez les patients qui arrêtent les antidépresseurs que chez ceux qui les poursuivent, sans pour autant disparaître chez ces derniers.
L’originalité de cette étude, randomisée et en double aveugle, est de s’intéresser à des patients suivis par des généralistes (150 praticiens, précisément), et sous antidépresseurs (trois inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine – citalopram, sertraline, fluoxetine – et l’antidépresseur noradrénergique et sérotoninergique spécifique mirtazapine) depuis de nombreux mois.
Près de 500 patients suivis en un an
Ainsi, les 478 participants recrutés dans quatre sites différents (Bristol, Londres, Southampton, York) avaient eu au moins deux épisodes dépressifs, ou prenaient des antidépresseurs depuis au moins deux ans (voire trois ans pour les trois quarts). Ils se sentaient suffisamment bien pour envisager un sevrage. L’âge moyen était de 54 ans, les trois quarts étaient des femmes. La moitié a reçu des antidépresseurs à leur dose habituelle, l’autre groupe les a peu à peu remplacés par des placebos (durant trois mois).
Le critère principal était la première rechute durant cette période de 52 semaines ; les critères secondaires, les symptômes de dépression et d’anxiété, les symptômes physiques secondaires et de sevrage, la qualité de vie, le temps mis pour arrêter les comprimés et l’humeur globale.
Au cours des 52 semaines, une rechute était ainsi observée chez 39 % des patients qui poursuivaient leur traitement sous antidépresseurs, tandis que cette proportion grimpait à 56 % chez les patients qui interrompaient leur traitement. Les scores de dépression, d’anxiété ou de symptômes de sevrage étaient aussi plus élevés dans le groupe qui arrêtait les antidépresseurs, et la qualité de vie, moindre, bien que les différences ne soient pas significatives. Ceci en partie parce que près de 40 % des patients censés arrêter leur traitement se sont vu prescrire de nouveau des antidépresseurs par leur généraliste (versus 20 % des patients censés le poursuivre, et qui l’avaient arrêté).
Suivi régulier des patients dépressifs
Bien que l’étude présente certaines limites (elle ne porte que sur certains antidépresseurs et s’intéresse aux patients avec de lourds antécédents), « elle confirme ce que les médecins de première ligne savent. Les rechutes sont particulièrement fréquentes après l’arrêt des traitements, surtout chez les patients qui ont souffert de plusieurs épisodes dépressifs », commente le Pr Jeffrey L. Jackson (Medical College of Wisconsin, Milwaukee).
Ses préconisations : encourager les patients avec un seul épisode dépressif (secondaire à un drame, par exemple) à envisager un sevrage après au moins six mois de rémission. Quant à ceux qui souffrent de dépression chronique, « je leur suggère un traitement à vie, ou des approches non pharmaceutiques comme les thérapies cognitivo-comportementales ». Dans tous les cas, un suivi régulier des patients dépressifs est nécessaire.
G. Lewis et al., NEJM, 2021. DOI : 10.1056/NEJMoa2106356
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