Dans l’un des laboratoires de Fripharm, au cœur du pavillon X de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon, Stéphanie Leble, préparatrice en pharmacie, vide un tube de crème sur une feuille posée sur une balance. Sa première mission de la matinée : préparer une pommade pour un patient hospitalisé. Elle mélange ensuite la base de crème avec le principe actif et mélange le tout soigneusement dans un mortier, avant de remplir un tube neuf.
Dans le laboratoire d’en face, son collègue Alexandre Choquet-Bottela, est occupé à préparer des gélules remplies de poudre placebo ou de principe actif, dans le cadre d’une étude clinique menée à l’hôpital. Toute la procédure est soigneusement tracée, depuis la pesée du principe actif jusqu’aux contrôles qualité finaux, qui détermineront la libération du lot ou non. « Sur 100 gélules, j’en garde 20 de côté pour le contrôle qualité et 20 qui seront conservées à plus long terme pour refaire des contrôles en cas de besoin », précise Alexandre Choquet-Bottela.
Fripharm existe depuis 2010, quand la pharmacie intérieure de l’hôpital Édouard Herriot a été restructurée autour de la recherche et de l’innovation. Elle compte une vingtaine de professionnels, dont trois pharmaciens : un pour la production, le Dr Chloé Marchand, un pour les contrôles, le Dr Camille Merienne, et un pour le management et les relations avec les tiers, le Pr Fabrice Pirot, également coordonnateur de Fripharm.
100 à 150 types de préparations différentes
Sur plus de 900 m², Fripharm produit ainsi plus de 100 000 unités thérapeutiques stériles et non stériles par an, dont 24 000 médicaments expérimentaux en 2020. « C’est gros et c’est petit à la fois, estime le Pr Fabrice Pirot. C’est gros pour un hôpital et petit comparé à des structures en industriel. Nous avons 100 à 150 types de préparations différentes, que l’on produit à la demande. Nous pouvons faire des lots jusqu’à 300 unités. Nous pouvons répondre soit à des demandes de médecins pour leurs patients hospitalisés, soit développer des produits dans le cadre de recherches cliniques. Nous réalisons non seulement la production, mais nous travaillons aussi sur le devenir du médicament dans l’organisme, pour ajuster et prédire sa stabilité », souligne-t-il.
La plateforme est souvent sollicitée pour travailler dans des temps très courts. « Pour les préparations magistrales, nous avons 24 à 48 heures pour faire la préparation et répondre aux besoins du patient. »
Degré d’urgence parfois important
Avec parfois des demandes « exotiques » : « Nous avons eu une demande pour une patiente qui avait une infection invasive cutéano-muqueuse, une fasciite nécrosante. On nous a réclamé en urgence de préparer des grands volumes d’antifongique pour que la patiente se fasse des bains. Après 3 mois elle a été sauvée. Parfois il y a un degré d’urgence important », raconte le Pr Pirot. La plateforme a aussi permis de recréer un traitement qui n’était plus commercialisé, la fumagilline et de sauver plusieurs patients en France (Voir article du 23 juin 2022 : https://www.lequotidiendupharmacien.fr/medicament-parapharmacie/recherche/les-hospices-civils-de-lyon-ressuscitent-un-ancien-medicament-et-sauvent-27-patients)
Dans le « top » des préparations magistrales, Fripharm compte les solutions enzymatiques destinées à lutter contre une maladie orpheline, la déficience enzymatique en saccharase-isomaltase. « Nous avons une cinquantaine de patients en France, pour lesquels nous produisons de l’invertase et de l’amylase. » En stérile, ce sont les collyres qui sont les plus demandés. « Notre production suit un rythme saisonnier, lié aux pollens, à des allergènes mais aussi à certains polluants atmosphériques », remarque le pharmacien. « C’est notre réglementaire et le besoin patient qui conditionnent notre production, résume-t-il. Nous donnons aussi régulièrement des conseils d’expertise aux collègues. »