L’INFORMATIQUE sait gérer les inventaires en officine depuis longtemps, certains disent depuis toujours. Mais sait-elle le faire au point de se passer des inventoristes, ces sociétés spécialisées auxquelles 40 % environ des pharmacies font appel selon Albert Durand, Président de l’ANIP (Association Nationale des Inventoristes en Pharmacie) ? À en croire plusieurs éditeurs de LGO, à commencer par les deux leaders, Alliadis et Pharmagest, la gestion informatique des inventaires est suffisamment pointue pour s’acquitter de cette tâche sans l’aide de quiconque. Encore faut-il s’entendre sur la notion d’inventaires. Il en existe trois types, le premier, le plus connu, celui exigé par la loi au terme d’un exercice fiscal qui permet de valoriser le stock à un moment donné ; le deuxième, qui de même identifie l’ensemble du stock lors d’une transaction, et enfin celui que le pharmacien lance à volonté sur une partie de son officine, l’inventaire tournant.
Les inventoristes interviennent dans les deux premiers cas, lors de la clôture de l’exercice fiscal et comptable, et quand le pharmacien estime ne pas avoir assez de temps pour l’assumer lui-même, ou les compétences suffisantes, et lors d’une transaction, en agissant en tant que tiers pour défendre les intérêts des deux parties, selon Albert Durand. Mais pour les éditeurs de LGO, des inventaires tournants réalisés régulièrement dans l’année, assortis de procédures adéquates, permettent d’assumer plus facilement l’inventaire de fin d’année. C’est la position, entre autres, de Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest. « Il y aura forcément des écarts entre le stock physique et le stock informatique, mais ils seront très limités, alors qu’en l’absence d’inventaires tournants, ils peuvent être importants. Et ils seront d’autant plus limités que le pharmacien aura été rigoureux dans ses procédures. »
Vrais terminaux intelligents.
Pratiqué au moment opportun sur une partie de l’officine, en fonction de critères pré établis, zones géographiques, marques de laboratoires, groupes de génériques, classes thérapeutiques etc…, l’inventaire tournant permet de répondre à de nombreuses problématiques. « Il n’y a rien de plus désagréable pour un pharmacien que d’affirmer à son client qu’il dispose du produit demandé à la lecture de son logiciel pour découvrir ensuite qu’il ne l’a pas en stock » affirme Franck Laugère, directeur général de CEPI Pharmavitale. Ou bien, pour mieux s’armer afin de négocier avec un laboratoire. « Avant le passage d’un commercial de telle ou telle marque, l’inventaire tournant permet de savoir exactement où l’on en est avec elle », souligne Albert Durand.
On peut également identifier les zones où la démarque inconnue est la plus forte. Tout cela est devenu d’autant plus facile que la technologie a évolué. Pas tant au niveau des logiciels qu’à celui des matériels. Ceux-ci, de simples douchettes de capture des données sont passés à de vrais terminaux intelligents sur lesquels il est possible de stocker des données. Ce sont les PDA, les personal digital assistant (à ne pas confondre avec la PDA, préparation des doses à administrer, sigle couramment utilisé en pharmacie). Grâce aux différentes technologies de communication sans fil (bluetooth, WiFi…), ces PDA transmettent les données recueillies à tout moment au LGO pour qu’elles puissent être analysées. Plus que jamais, le temps réel est de mise, cet instantané si important dans la gestion des inventaires qui permet une véritable photographie du stock à un moment précis.
L’autre PDA de l’officine.
Presque tous les éditeurs proposent un PDA, sachant que désormais, les nouveaux modèles savent lire les codes les plus récents, à commencer par Datamatrix. Une donnée non négligeable pour certains, qui considèrent qu’avec les informations contenues sur les dates de péremption, la gestion des périmés devient plus performante et améliore de ce fait les inventaires. La société Aircode Software, un éditeur spécialisé dans la gestion des inventaires qui a créé un logiciel spécialement pour l’officine, a développé des alertes sur les périmés qui s’affichent sur le PDA du pharmacien. Aircode Software propose un produit signé Motorola, le MT 2070. « Il est capable de lire les nouveaux codes » explique, Alain Wroblewski, directeur technique d’Aircode Software. La codification complexe du monde de la pharmacie est selon lui, ce qui fait la spécificité de ce marché et nécessite qu’on s’y adapte, car en termes de volumes, les inventaires en pharmacie n’ont rien à voir avec ce qui existe en grande distribution par exemple. Le logiciel que la société a développé permet entre autres de « ne pas devoir tout scanner, il suffit de scanner une boîte et d’en saisir le nombre », selon Alain Wroblewski.
Une tablette Androïd.
Il en est au moins un cependant dont la solution ne repose pas sur un PDA, mais sur l’association entre une douchette classique et une tablette Androïd. Il s’agit du tout nouveau venu dans le monde de la gestion informatique d’officine, Vindilis. « Nous avons souhaité nous distinguer de la concurrence », explique Jean-Michel Tiget, responsable de projet chez l’éditeur. « La douchette qui fonctionne en bluetooth scanne et envoie les informations sur la tablette qui assure une remise à jour automatique du stock. Cela permet de faire du contrôle à la volée, tout comme un inventoriste, et de réaliser déjà une première sauvegarde des données. » Lesquelles données sont ensuite envoyées sur le serveur par connexion wi fi.
Selon Jean-Michel Tiget, la solution est moins chère qu’un PDA. Il est vrai que ce dernier, terminal mobile intelligent, peut dépasser allègrement les 1 000 euros. La tablette Androïd ne coûte selon lui que 250 à 300 euros, mais il faut compter avec le prix de la douchette, non négligeable. La tablette Androïd peut, par ailleurs, avoir d’autres usages dans la pharmacie, mais le PDA aussi, et non des moindres, puisqu’il sert à enregistrer les commandes qui arrivent. Un rôle fondamental¸ pour certains, dans la notion de gestion de stocks, et in fine, de la gestion d’inventaires. N’oublions pas également concernant les supports matériels possibles le développement des étiquettes électroniques dont certains programmes peuvent permettre d’afficher les stocks à la demande. Mais elles souffrent d’un handicap, elles ne sont que sur la surface de vente, observe Franck Laugère, et de ce fait ne peuvent rendre compte des autres stocks de la pharmacie.
Une codification complexe.
Du côté des logiciels, les développements récents ont surtout concerné l’intelligence de ces terminaux, à l’image d’Aircode software, afin de rendre plus performante la réalisation des inventaires en temps réel. Du côté des LGO, ils adaptent des fonctionnalités déjà anciennes aux contraintes actuelles, la principale étant sans doute l’évolution de la codification, si particulière à l’officine. « L’arrivée des codes à 13 caractères a entraîné des difficultés », souligne ainsi Alain Aubin, responsable de la ligne produits Alliance Premium chez Alliadis. « Elle a conduit à la multiplication des codes sur les produits parapharmaceutiques, or les éditeurs et les inventoristes n’utilisent pas les mêmes codes de référence ce qui crée des distorsions entre leurs bases de données et les nôtres. » Cela n’est du reste pas une problématique informatique pure, mais une question d’organisation, et des discussions ont lieu au sein du Club Inter Pharmaceutique, assure Alain Aubin, avec comme objectif d’avoir pour chaque produit un code référent clair. En dehors de ce problème spécifique, les logiciels lisent tous les codes d’identification disponibles. D’une manière générale, éditeurs et inventoristes veillent à ce que les échanges de fichiers se fassent sans trop de difficulté.
Les autres développements logiciels ont consisté à améliorer ponctuellement telle ou telle fonctionnalité. « Nous avons amélioré la gestion des dépôts » confie ainsi Jérôme Lapray. « Les stocks se sont multipliés à divers endroits dans la pharmacie et en dehors, cela suppose une gestion beaucoup plus fine de ces stocks déportés de façon à éviter de fausser les inventaires. » Autre tâche importante des logiciels, celui de la valorisation des stocks en question, puisque c’est là aussi l’objectif de tout inventaire. Les éditeurs clament l’efficacité de leur logiciel dans ce domaine en évoquant l’ensemble des critères de valorisation possible utilisés, sachant que beaucoup avancent le prix d’achat moyen pondéré comme étant le plus juste au regard de la valeur du stock.
Fleurets mouchetés.
Est-ce que pour autant le pharmacien s’affranchira des contrôles annuels des inventoristes ? La bataille entre éditeurs et inventoristes est à fleurets mouchetés, on n’hésite pas parfois à se lancer quelques piques. Pour Alain Aubin, les « inventoristes ne savent pas gérer l’historique des inventaires tournants », tandis qu’Alain Durand évoque leur caractère « morcelé, parfois éloigné des échéances comptables ce qui est un inconvénient ». Mais globalement, les uns et les autres semblent ne pas faire de ce sujet un enjeu concurrentiel majeur, les éditeurs reconnaissant parfois l’utilité d’un inventaire réalisé par un spécialiste dans certaines circonstances, au bout d’un certain temps, deux ans par exemple, pour être sûr de… Ou par manque de temps et de moyens. Il est vrai qu’un inventaire annuel mobilise beaucoup de personnes, quatre à huit selon la taille des pharmacies, et cela pendant toute une journée, nécessitant une intervention un jour férié.
Certains éditeurs, à l’image d’Alliadis, louent des PDA afin de permettre aux pharmacies d’assurer ces inventaires, car elles sont rares à posséder plus de un ou deux de ces outils. Les inventoristes, de leur côté, se gardent bien de juger de la qualité des LGO dans le domaine de l’inventaire. « Les outils informatiques existants sont efficaces dans la limite de ce qu’ils permettent, la gestion d’inventaire n’étant pas primordiale dans leur organisation », estime ainsi Jean-Luc Isabey, président de l’ODIP, (Ordre des Inventoristes Professionnels), l’autre grande association de la profession, plus récente que l’ANIP. « Les problèmes de stocks ne viennent pas d’eux, mais des erreurs humaines qui existent tout au long de la chaîne. » Les inventoristes préfèrent insister sur leur valeur ajoutée, notamment leur capacité à détecter les erreurs, y compris les leurs, lors inventaires, avec des systèmes d’alerte idoines.
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