LA PLUPART des observateurs économiques le soulignent : malgré le ralentissement de l’activité des officines et la crise qui frappe actuellement la profession, les prix de cession des fonds restent trop élevés au regard des rentabilités dégagées et des perspectives de croissance. En outre, le décalage entre les exigences des vendeurs et les possibilités financières des acquéreurs se creuse, et, pour s’installer, de nombreux pharmaciens sont obligés de s’endetter plus que de raison, avec des plans de financements parfois peu réalistes.
Devenir titulaire, aujourd’hui, est donc plus difficile, et souvent plus risqué. On le constate avec les difficultés de trésorerie que connaissent de très nombreux titulaires, et avec la forte augmentation, depuis deux ans, du nombre de pharmacies en redressement ou en liquidation judiciaire. Selon les syndicats et les études statistiques professionnelles, on estime ainsi à près de 2 000 les pharmacies « surendettées » ou en situation financière grave.
Plus que jamais, il faut donc prendre un maximum de précautions avant d’acquérir un fonds d’officine ou des parts sociales, surtout quand on a peu d’apport personnel ou des possibilités d’emprunt limitées. Mais s’installer avec peu de moyens est néanmoins possible, à condition d’examiner soigneusement le marché et les opportunités qui se présentent.
Le choix de la petite officine.
La dernière étude de la société INTERFIMO sur les prix de cession des pharmacies en 2010 le montre : l’écart de prix moyen entre les officines de taille importante – celles qui font plus de deux millions d’euros de chiffre d’affaires – et les petites officines – moins de 800 000 euros de chiffre d’affaires – est de près de vingt points (voir graphique ci-contre). On peut ainsi trouver de petites pharmacies à acquérir à un prix inférieur à 65 % du chiffre d’affaires hors taxes, voire à 50 % dans certains quartiers, dans la région parisienne ou en zone rurale.
« Acheter une petite officine offrant une faible marge en volume et une rémunération modeste est d’abord un choix de vie », explique Michel Watrelos, expert-comptable à Lille. Cette opportunité intéresse en général les jeunes adjoints qui essaient de s’installer après quelques années d’assistanat, mais aussi les pharmaciens qui viennent de l’industrie ou les conjoints dont le mari ou la femme travaille et qui ne cherchent pas à réaliser obligatoirement une opération financière.
Les petites officines, en outre, constituent souvent aussi une bonne opportunité en vue d’un transfert ou d’un regroupement ultérieur. En vue d’un regroupement, l’acquisition permettra d’additionner les clientèles et les chiffres d’affaires et de bénéficier du gel des licences disparues. En vue d’un transfert, elle permettra de développer l’officine dans de meilleures conditions.
L’avantage principal des petites pharmacies, c’est donc qu’elles ne nécessitent pas d’apport personnel important. Pour autant, le plan de financement doit être solide, et le montant de l’emprunt cohérent avec le chiffre d’affaires, la marge et les perspectives de développement : l’officine doit dégager un bénéfice suffisant pour assurer un train de vie correct au titulaire. Comme pour toute acquisition, il faut également vérifier la composition du chiffre d’affaires, et se renseigner sur les projets éventuels de création ou de transfert d’autres officines à proximité.
Dans tous les cas, et même pour une toute petite officine, il faut disposer d’un apport personnel d’au moins 20 %, voire de 25 %, du coût total de l’acquisition. En effet, les conditions financières et bancaires pour s’installer en officine ont changé. Les banquiers sont devenus plus exigeants, les plans de financement plus stricts, et l’apport personnel de l’acquéreur doit donc être plus élevé. « Il y a encore quelques années, pour des acquisitions d’officines particulièrement rentables, on pouvait se limiter à 15 % ou 17 % d’apport. Aujourd’hui, de tels chiffres ne sont plus d’actualité », prévient Philippe Becker, directeur du département Pharmacie de Fiducial.
Travailler à plusieurs.
Autre solution à retenir quand les moyens sont limités : exercer en association. En faisant l’acquisition, à deux, d’une officine en société, l’apport personnel nécessaire est en effet moins élevé et un jeune adjoint peut plus facilement s’installer dans une pharmacie de grande taille. Un jeune peut, par exemple, acheter d’abord une petite fraction des parts de l’officine, puis acquérir le reste par la suite. On peut également s’associer à un autre pharmacien exploitant et un pharmacien investisseur dans le cadre de la société qui achète l’officine (49 % du capital pour l’investisseur et 51 % pour les deux gérants exploitants, par exemple). Cette opération nécessite cependant un réel projet commun et, surtout, de trouver un pharmacien investisseur… qui a de l’argent.
Le principal vecteur de l’association, aujourd’hui, est la société d’exercice libéral (SEL). Comme toutes les sociétés de capitaux, elle permet de regrouper des moyens financiers et, grâce à la technique de l’impôt sur les sociétés, d’investir en franchise d’impôt : seules les distributions de bénéfices - les dividendes - sont imposées, alors que dans une entreprise individuelle ou une société en nom collectif (SNC), l’ensemble du bénéfice est taxé, qu’il soit distribué ou non. Pour certains pharmaciens, en première ou en deuxième installation, il est ainsi possible de dynamiser l’activité, d’accroître les performances de l’officine, de gagner des parts de marché et d’obtenir une meilleure rentabilité.
Mais attention : l’exercice en SEL implique certaines sujétions. Il est préférable de travailler dans ce type de société avec des collaborateurs que l’on connaît déjà ou en qui l’on a confiance. Et pour éviter les conflits, tout doit être prévu dans le détail, soit dans les statuts, soit dans le règlement intérieur de la société ou dans un pacte d’actionnaires. Attention aussi, dans certains montages, aux répartitions inégales du capital : un associé minoritaire peut se retrouver sans aucun pouvoir de décision vis-à-vis de son associé majoritaire. Dans les sociétés où les deux pharmaciens sont titulaires et exploitants, on conseille donc souvent une répartition du capital à peu près égalitaire.
Dans un quartier difficile.
Troisième option lorsque le jeune diplômé manque d’argent : s’installer dans une zone prioritaire du territoire* afin de bénéficier à la fois d’une décote sur le prix d’achat de la pharmacie et d’avantages fiscaux et financiers. Dans ces territoires, en effet, les officines, comme toutes les entreprises, bénéficient d’un dispositif très avantageux d’exonérations de charges fiscales et sociales dont le but est d’éviter la ghettoïsation des quartiers et la fuite des commerçants, de soutenir l’implantation des activités existantes et de favoriser l’emploi de la population locale. Plusieurs centaines d’officines sont aujourd’hui installées dans ces zones.
Plus encore que pour une petite officine, l’exercice dans une zone prioritaire correspond à un choix de vie personnel. Dans un quartier difficile, voire « dégradé », les conditions de travail sont souvent difficiles, la sécurité n’est pas toujours assurée convenablement, mais les services rendus à la population par le pharmacien sont inestimables. Par ailleurs, dans les zones franches urbaines, notamment, le panier moyen est très bas, et il ne faut faire que du médicament vignetté : la part de la parapharmacie y est très faible.
En revanche, puisque le prix des officines est décoté à l’achat, il l’est aussi lors de la revente, et il est donc plus difficile de revendre une pharmacie située en zone prioritaire. Tout dépend toutefois du quartier : certains sont en effet à risques, et d’autres, malgré l’image qu’on leur donne, beaucoup moins. Dès lors que la commercialité du quartier est bonne et qu’il n’y a pas de problèmes importants, il y a des avantages certains à exercer dans une zone prioritaire : les aides de l’État permettent de se développer à moindre coût et valorisent de ce fait la pharmacie. Mais, sans ces aides, être titulaire dans un quartier difficile n’aurait pas d’intérêt.
Il reste que les pharmaciens installés dans les zones franches urbaines ou les territoires ruraux défavorisés, comme les autres entreprises, sont tributaires de la politique d’aménagement et de restructuration menée par les collectivités locales. Ils ne peuvent donc réussir que si les logements sont réhabilités, les équipements et les services publics développés, les commerces de proximité pérennisés… et donc l’image de ces zones franches améliorée. Or, dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire.
Une officine en difficulté.
Autre solution encore quand on a peu de moyens : porter son choix sur une officine en difficulté, qui fait l’objet d’une procédure collective de redressement ou de liquidation devant le tribunal de commerce. Il s’agit évidemment, ici, d’une opération à risques, mais l’acquisition peut là aussi se faire à moindre coût.
Le principal obstacle est la procédure devant le tribunal, qui comporte de nombreux pièges. Un maximum de précautions doivent donc être prises, et mieux vaut se faire assister, dans ce domaine, par un spécialiste des procédures collectives. Tout d’abord, lorsqu’on achète une officine en société, on acquiert un actif et un passif. C’est donc à l’acquéreur de régler le passif de la société. Or, par définition, le passif d’une officine ayant déposé le bilan est très lourd, et il faut donc pouvoir l’assumer. En outre, une partie de ce passif risque d’être caché.
Sur le plan de la procédure, une offre d’acquisition est d’abord faite, et le tribunal retient ensuite l’offre qu’il estime pouvoir permettre d’assurer, dans les meilleures conditions, les emplois et le paiement des créanciers. Tout pharmacien intéressé au rachat de l’officine peut ainsi déposer une offre au greffe du tribunal de commerce. Mais, il faut le savoir, l’acquéreur qui emporte la mise n’est pas toujours celui qui a fait la meilleure proposition de prix. Le tribunal se décide aussi sur la capacité du repreneur à redresser l’officine, à maintenir le plus d’emplois possibles et, surtout, à apurer le passif.
Par ailleurs, une cession d’officine dans le cadre d’une procédure collective porte sur tous les actifs : le matériel, le mobilier, les aménagements, le stock, etc. Or, si l’acquéreur ne reprend pas obligatoirement tout le passif, il doit au minimum rembourser les emprunts garantis par des sûretés et les créanciers munis d’un nantissement. Le rachat peut donc au final coûter assez cher.
En outre, pour ne pas aggraver les problèmes de l’officine, la procédure de cession est souvent rapide, et il faut donc avoir suffisamment de temps pour bien examiner le dossier financier. Autre obstacle enfin : l’accès aux informations sur la situation économique réelle de l’officine et sur son environnement. Or, comme pour les données financières, les administrateurs judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des erreurs figurant dans les documents remis aux candidats à l’acquisition…
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