Les titulaires, souvent au prix d’un investissement considérable dans leur temps de travail, et par conséquent d'une maîtrise rigoureuse de leur frais de personnels, parviennent à maintenir leur niveau de vie.
Aussi, dans ces conditions, l’officine apparaît comme une activité rentable. Du reste, les observateurs du marché de l’officine que sont les experts-comptables, s’accordent sur ce point. L’excédent brut d’exploitation (EBE) (1) marque des signes de stabilité depuis 2013, à 13 % du chiffre d'affaires, soit 238 500 euros. « Il progresse même en valeur mais toutefois dans un contexte de retour à une inflation modérée (2) », note le cabinet Interfimo dans son étude 2018, réalisée en partenariat avec OCP et Pharmactiv (3).
Si les analystes s’attachent tant à l’observation de cet indicateur, c’est que l’EBE est déterminant à deux titres. Il représente un paramètre incontournable pour la fixation du prix d’une officine, et par conséquent du patrimoine des titulaires. Mais surtout cette marge bénéficiaire, qui permet de rembourser les crédits et de payer les impôts, assure également le train de vie des titulaires puisque le pharmacien gérant consacre près de 20 % de son EBE à sa rémunération nette de charges.
Les écarts se creusent
C'est un fait, comme l’analyse Interfimo, la conjugaison au cours des douze dernières années de l’excédent brut d’exploitation (EBE) à d’autres paramètres que sont le chiffre d’affaires, la marge brute globale et le taux d’inflation, permet de dire que « sur la période 2005-2017, le pouvoir d’achat du pharmacien est resté à peu près constant, mais avec une forte période de dépression jusqu’en 2011 ».
En matière de revenus des titulaires, les analyses des experts-comptables portent plus particulièrement sur les rémunérations des gérants, plus aisées à extraire. Ainsi le réseau d'experts-comptables CGP (4) annonce une rémunération de gérance nette de 42 100 euros en moyenne, soit une hausse de 2,77 % par rapport à 2016. Interfimo, de son côté, estime à 67 000 euros la rémunération nette moyenne des titulaires exerçant en SEL (5). À noter que ce chiffre sera de plus en plus appelé à faire référence dans un contexte où 48 % des officines (44 % en 2016), parfois même 61 %, comme dans le Grand Est, sont aujourd’hui exploitées sous cette forme juridique. « Neuf acquéreurs sur dix optent aujourd'hui pour la SEL », remarque Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo.
Il n’en résulte pas moins une dispersion importante au sein de la rémunération des titulaires, mettent en garde les deux études. Ainsi comme le démontre le réseau CGP, elle peut varier du simple au triple, selon la taille de l'officine. Les pharmaciens dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 million et 1,5 million se rémunèrent 36 100 euros par an, ceux dont l’activité se situe entre 1,5 million et 2 millions disposent de 49 500 euros par an, soit 18,79 % de leur EBE, tandis que leurs confrères dont l’officine atteint un volume d’activité entre 2 et 2,5 millions d’euros, enregistrent à 59 700 euros, la plus forte progression de la profession en 2016 (+5,22 %).
Quant au titulaire d’une officine de plus de 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, il peut prétendre au minimum à 68 700 euros de rémunération annuelle (14,14 % de l’EBE, ou 1,76 % du chiffre d’affaires). À l’autre bout de l’échelle, les titulaires des petites entités (moins d’un million de chiffre d’affaires) dont la rémunération n’excède pas 18 900 euros par an, soit 19,07 % de l’EBE et 2,27 % du chiffre d’affaires.
Ces écarts, déjà constatés en 2017 sur les chiffres 2016, ont d’ailleurs tendance à se creuser. L’étude Interfimo confirme également ces importantes disparités : 60 % des rémunérations sont comprises entre 36 000 et 84 000 euros. CGP pointe de son côté des différences notables entre le revenu annuel moyen d'un titulaire en centre commercial (52 700 euros) et celui de son confrère de zone urbaine (39 600 euros).
Une fiscalité plus clémente
S’ajoutent à ces caractéristiques propres à la typologie de l’officine, des paramètres relevant du management du titulaire. Les frais de personnels sont en effet une variable d’ajustement qui permettra au titulaire d’influer - ou non - sur sa rémunération. Ainsi, comme l'analyse Interfimo, « 20 % des officines comptent plusieurs titulaires à même d’économiser des charges de personnel ».
Une observation corroborée par les chiffres du bilan CGP. Car si le volume en frais de personnel est aujourd’hui identique à celui de 2013 (équivalent à 10,66 % du chiffre d'affaires), il atteint 11,28 % dans les pharmacies avec un seul titulaire. « A contrario, ce ratio peut descendre à 9,63 % en présence de plusieurs titulaires », souligne Olivier Desplats, expert-comptable au cabinet Flandre comptabilité conseil et président du réseau CGP. Au-delà de ce choix capitalistique, la rémunération du pharmacien dépendra de sa vision stratégique et entrepreneuriale, insiste-t-il.
Cette affirmation est plus vraie que jamais dans le contexte actuel de la mise en place des nouvelles missions du pharmacien et de l’élargissement de ses honoraires. Les revenus du titulaire seront de toute évidence corrélés avec sa capacité à résoudre la nouvelle équation que ces nouveaux services vont générer en termes de coûts de personnels et de charges, voire de nouveaux investissements.
De manière générale, l’horizon devrait cependant s’éclaircir pour les titulaires. Tout au moins en matière de fiscalité, comme le rappelle Interfimo, faisant référence à la baisse programmée de l’impôt sur les sociétés d’ici à 2022. Ainsi pour une officine d’un chiffre d’affaires inférieur à 7,63 millions d’euros, le taux d’imposition sur des bénéfices réalisés dans une fourchette entre 38 120 € et 500 000 €, baissera à 25 % (28 % en 2018). Le taux d’imposition des bénéfices supérieurs à 500 000 euros passera également à 25 % contre 33,1/3 % actuellement. « L’économie sera ainsi de 22 600 € pour une officine dégageant 500 000 € de bénéfices en 2018 », indique Interfimo, précisant que le CICE (6), maintenu cette année au taux de 6 %, sera supprimé l’année prochaine moyennant des allégements de cotisations patronales.
(1) Ou encore bénéfice avant déduction des frais financiers, des amortissements et des charges exceptionnelles.
(2) Indice moyen de 1 % en 2017.
(3) Étude prix et valeurs des pharmacies. Évolution du cadre d'exercice des pharmaciens. Avril 2018. www.interfimo.fr.
(4) Sur la base des bilans 2016-2017 d'un échantillon de 1 740 pharmacies dont 52 % d'un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 million d'euros, 75 % exploitées sous forme de sociétés de capitaux et 67 % par un seul titulaire.
(5) Hors charges TNS. Sur la base de 600 dossiers 2016-2017.
(6) Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
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