Une mise au point scientifique s’avère nécessaire quant à l’usage de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19. Sa promotion connaît un retentissement particulier en France sous l’égide du Pr Raoult dont les résultats d’essais cliniques soulèvent espoirs et critiques. De récentes publications ne décrivent pas de bénéfice du traitement mais une augmentation des risques cardiovasculaires. Malgré des résultats décevants et les avis défavorables des autorités publiques, le débat sur sa prescription demeure présent. Des arguments avançant des failles dans les études cliniques critiquant le traitement sont avancés. Une certitude, les protocoles des études cliniques divergent entre eux, rendant quasi-impossible leur comparaison. Ce constat est regrettable car il est difficile de trancher sur l’intérêt ou non du traitement. Face aux controverses et polémiques, des questions aussi fondamentales que celles du choix de ces médicaments, de l’association à l’azithromycine, du mécanisme d’action, de la posologie et du moment opportun de prescription méritent une mise au point.
Pourquoi l’association hydroxychloroquine-azithromycine ?
Cette association est antérieure au Covid-19. Elle résulte d’études cliniques montrant l’action potentialisatrice de l’azithromycine sur la chloroquine à l’égard de souches chloroquine-résistantes de Plasmodium falciparum. Inversement, la chloroquine potentialise l’activité antibactérienne de l’azithromycine pour des bactéries à tropisme intracellulaire comme le staphylocoque doré. Ces mêmes effets synergiques de l’azithromycine sur l’action antivirale de la chloroquine s’avèrent probants in vitro mais plus décevants en clinique. Cet historique s’oppose aux interprétations assurant que l’azithromycine apporterait une couverture antibactérienne pour lutter contre les risques de surinfections de la pneumonie virale. En première intention, l’azithromycine est associée aux antipaludéens pour renforcer leur activité antivirale. Sa préconisation par l’équipe du Pr Raoult s’appuie sur cet historique, préférant l’hydroxychloroquine plus active et moins toxique que la chloroquine.
Quel mécanisme d’action ?
Les médicaments et agents pathogènes cités se rencontrent dans l’organisme en empruntant le trafic vésiculaire assurant les échanges entre extérieur et intérieur des cellules. Ce système composé par les endosomes et lysosomes assure le transport de toutes sortes de substances, dont médicaments et agents pathogènes. Le liquide intérieur de ces vésicules possède une propriété remarquable, sa relative acidité avec un pH à 5 s’opposant à la neutralité des fluides extracellulaires. Cette acidité constitue un climat très favorable à l’entrée du virus dans les cellules puis à sa réplication et à la libération des nouvelles particules virales. De leur côté, chloroquine, hydroxychloroquine et azithromycine possèdent une capacité exceptionnelle de stockage dans ces vésicules et de neutralisation du pH en raison de leur forte propriété basique, créant alors des conditions défavorables au développement du virus. Ainsi, l’association azithromycine-hydroxychloroquine a pour vocation première d’optimiser l’inhibition de la réplication et prolifération virale. De plus, la présence du virus au sein de ces vésicules est à l’origine des manifestations inflammatoires observées plus tardivement. Les effets immunomodulateurs de ces médicaments peuvent alors s’avérer bénéfiques.
Quelle posologie et à quel moment ?
Conséquence du mécanisme d’action, le moment le plus opportun est indiscutablement le stade précoce du Covid-19, lorsque le virus pénètre et se distribue chez son hôte. Toute administration dans les formes graves et tardives où le virus est moins présent, voire absent, n’est pas justifiée, le seul bénéfice restant l’effet immunomodulateur. Le choix de la posologie optimale assurant l’effet antiviral et excluant les risques cardiovasculaires demeure un point critique. Les posologies préconisées sont 2 à 4 fois plus élevées que lorsque l’hydroxychloroquine est prescrite pour ses indications anti-inflammatoires ou à visée prophylactique dans le Covid-19. Ces fortes posologies sont justifiées pour la recherche d’un effet antiviral mais sont aux frontières des risques de toxicité, en particulier exacerbés chez les patients graves ou avec des comorbidités.
En conclusion, la passion et l’aveuglement des débats ont malheureusement occulté la vérité scientifique au cours de ces deux derniers mois sur le potentiel de cette association thérapeutique qui reste à être évaluée de manière scientifique et objective. Nul doute qu’une meilleure prise en considération des propriétés de ces médicaments aurait permis de guider les professionnels de santé, les autorités sanitaires et publiques dans des choix justes et cohérents au bénéfice des patients. Le pharmacien doit être le garant de ces choix car c’est le cœur de sa formation, de sa mission et de sa responsabilité.
L’auteur vient de publier deux articles scientifiques sur une nouvelle hypothèse du mécanisme d’action intracellulaire de l’association thérapeutique (« Journal of Clinical Pharmacology » doi : 10.1002/jcph.1646. et « AAPS Journal » doi : 10.1208/s12248-020-00465-w).