- Je mets à jour votre carte Vitale Madame, explique Marion à la femme qui se tient devant elle.
- Merci. Sur cette ordonnance, je ne veux que ce médicament. Le reste, je l’ai déjà. Le médecin me refait toute l’ordonnance à chaque fois que je vais le voir. Si je ne faisais pas attention… En parlant de ça, vous reprenez les médicaments qui ne servent plus ? Nous avons déménagé mon vieil oncle. Il est mort à 98 ans, pensez donc…
- Vous pouvez nous les rapporter. Ils seront détruits.
La femme regarde la pharmacienne à travers ses lunettes, l’air déçu :
- Ah ? Ça ne peut pas servir pour d’autres personnes ? Il y en a tellement. Mon vieil oncle entassait… Il ne se rendait pas compte du gaspillage.
- Les médicaments sont incinérés, c’est la Loi. Mais s’il y a des pansements ou des compresses, ça nous reprenons. Nous le remettons à une association de pharmacie humanitaire.
Le visage de la patiente s’éclaire à nouveau.
- Alors vous n’allez pas être déçue !
Au comptoir d’à côté, Emmanuel explique tant bien que mal à un patient que son ordonnance n’est pas conforme.
- Mais ne vous inquiétez pas Monsieur. Je vais appeler l’hôpital et leur demander de me faire parvenir une ordonnance en bonne et due forme.
- Mais les produits, je peux les avoir quand même ?
- Je ne les ai pas en stock. Vous pourrez les récupérer demain. De toute façon, votre traitement ne démarre que dans cinq jours.
Alors qu’il retourne dans le back-office, Kenza interroge le préparateur :
- Il faut une ordonnance particulière pour le produit que tu viens de délivrer ? Je ne savais même pas…
- Et moi non plus. Mais comme je ne connaissais pas ce produit, j’ai consulté la monographie et c’est là que j’ai vu qu’il fallait une ordonnance de médicament et produit d’exception.
- Incroyable : une ordonnance d’exception pour un complément nutritionnel.
Emmanuel se tourne vers Maëlys qui est en train de déballer une commande :
- Tu vois Maëlys, il faut toujours être curieux. Même nous, nous ne savons pas tout. Le plus dangereux c’est de se reposer sur ses acquis.
- Au fait, félicitations Maëlys !, lance Kenza à la jeune apprentie.
- Merci. C’était quand même grave dur. Surtout la pharmaco. Beurk. Mais j’ai réussi : je passe en deuxième année de DEUST.
La jeune fille fait une sorte de célébration à l’image des footballeurs quand ils marquent un but, ce qui amuse beaucoup ses collègues même s’ils affichent une mine dépitée.
- Est-ce que tu as sorti les boîtes des médicaments qui ont fait l’objet d’un rappel de lot ?, demande sérieusement Emmanuel. J’espère qu’il n’y aura pas d’autres suspensions d’AMM. Mme Annie était toute paniquée par ce qu’elle avait entendu à la télé.
- Oui, je les ai toutes mises ici.
Alors qu’elle montre du doigt une caisse près du sas de livraison, un jeune homme brun entre et s’approche d’eux.
- Bonjour, c’est pour une livraison ?, demande le préparateur.
Le jeune homme éclate de rire.
- Vous, vous êtes Emmanuel. Vous, Maëlys je crois. Et vous, Kenza. Enchanté, je suis…
- Et toi, tu es Julien ! Bienvenue à la Pharmacie du Marché, dit Karine, sortant de son bureau.
- Madame la députée ! C’est un plaisir de te revoir.
Karine l’embrasse, puis regarde son ancien stagiaire en posant les deux mains sur ses bras.
- Alors, prêt à renfiler la blouse ?
(à suivre…)