Cela en dit long sur la crise de la droite, qui ne va pas mieux que la gauche, d'une part à cause de la pléthore de candidats potentiels, d'autre part parce que les meilleurs d'entre eux ne sont pas encartés. Curieux et ironique destin d'un parti, qui a le choix entre deux étrangers bien qu'il dispose de membres LR doués, talentueux mais dont les capacités sont amenuisées par leur nombre. La vérité est que LR n'a pas su se regrouper autour d'un programme (qui court le risque de ressembler à celui du président de la République) et a préféré jusqu'à présent harceler de critiques et sarcasmes l'objet de leur ressentiment, c'est-à-dire le chef de l'État. On ne peut pas dire qu'il a manqué sa cible, mais on ne peut pas dire non plus que cette stratégie du dénigrement lui a réussi.
Le comble, dans cette affaire, c'est que Xavier Bertrand émerge alors qu'il n'est plus de la famille et qu'Édouard Philippe, homme politique le plus populaire de France est, aux yeux des Républicains, le clone d'Emmanuel Macron et, en quelque sorte, l'homme qui a raflé des régiments d'électeurs et qui, paradoxalement, est le seul capable de les leur rendre.
De fait, ce qui inquiète le plus une droite outragée, inquiète, agacée, exaspérée, c'est qu'elle n'a rien prouvé depuis le départ de Nicolas Sarkozy, ni qu'elle pouvait mieux réformer que Macron, ni qu'elle aurait mieux géré la crise des gilets jaunes, ni qu'elle aurait immunisé le peuple contre le Covid en un tournemain. À force de tout mettre sur le dos du président, des gilets jaunes aux inondations, de la pénurie de masques au manque de vaccins, elle s'est décrédibilisée. Il est tout à fait exact de dire que les Français en ont assez de Macron, mais cela ne prouve nullement qu'il ouvre un boulevard à LR. Celle qui roule vite sur le boulevard, c'est Marine Le Pen, persuadée qu'elle va enfin crever le plafond de verre et diriger la France en 2022.
Cauchemar national
On a fait du match Macron-Le Pen au second tour un cauchemar national, dénoncé d'ailleurs par les Français interrogés sur la répétition de 2017. Mais on ne dit pas assez que le cauchemar, c'est Marine. Il faut être bien mollasson pour ne pas en avoir peur. Dans ces conditions, à quoi Macron pense-t-il ? Mais à 2022, à cette présidentielle à laquelle il se rendra après avoir perdu toutes les élections intermédiaires, un peu comme le pape, c'est-à-dire sans divisions. Ce qui n'est pas de nature à le terroriser, car il a bien l'intention de réitérer son exploit de 2017 (souvenez-vous, on parlait de feu de paille) grâce à une force de persuasion qui, parfois, mais pas toujours, transcende le jeune et courageux combattant qu'il demeure.
On peut redouter le match Macron-Le Pen, on peut le dénoncer, on peut même voter Le Pen par simple dépit. Ce qu'on ne peut pas faire, c'est dire qu'on a voté pour elle au nom d'une conviction inébranlable, élégiaque, bref, la foi du charbonnier, alors qu'elle porte en elle toute l'incompétence du monde. Ce qui nous renvoie à la suppression de l'École nationale d'administration dont je ne comprends guère le mécanisme et l'utilité. Est-il préférable d'avoir des idiots au pouvoir ? La formation de têtes bien pleines et bien faites est-elle à mettre au passif ou à l'actif du pays ? Au nom de la lutte contre les inégalités et un peu pour des raisons électorales, on crée un dénominateur commun qui a pour seul avantage d'être le plus petit. Petite France, petits desseins, maigres projets, horizon rétréci, avenir en suspens, alors que les crises déferlent sur notre nation bouleversée, bras ballants, désemparée, incapable de se ressaisir.
Observez comment le principe de précaution, que Jacques Chirac a fait inscrire dans la Constitution, a sapé la campagne vaccinale : au nom de la protection de tous les citoyens, on a laissé mourir des milliers de vieux. Les salles de réanimation ne sont rien d'autres que des mouroirs. Heureusement, nous serons tous vaccinés cette année. Mais pas contre le lepénisme, cette autre épidémie.