« Et dès cette fin de semaine normalement, vous pourrez vous faire vacciner chez votre pharmacien. Ces derniers devraient être livrés en dose jeudi ou vendredi, pour un démarrage de la vaccination dans la foulée. Notre invitée ce matin, Karine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens, bonjour… »
Julien n’a pas le temps d’entendre la suite de l’intervention. Arrivé sur le parking de la pharmacie, il coupe le moteur de sa voiture et la radio s’éteint.
« De toute façon, je sais déjà ce que va répondre la présidente », songe-t-il en prenant sa blouse propre sur le siège arrière.
À peine entré, le jeune pharmacien remarque le comportement inhabituel de ses collègues. Agglutinés devant la porte du bureau, ils se regardent tous, sans parler.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
Damien, le préparateur, lève les yeux vers Julien et lui fait signe de se taire. Il est 8 h 50 et la pharmacie n’est pas ouverte.
Julien se rapproche du groupe, pour tenter de comprendre. Derrière lui, Christèle vient d’arriver et suit l’adjoint, tout aussi intriguée par la situation.
- On se croirait un peu dans une pièce de théâtre. Vous allez nous expliquer…
- Chut, répondent Jean-Paul et Gisèle, qui a carrément l’oreille collée à la porte du bureau.
Damien a pitié de ses amis, et leur décrit discrètement et brièvement ce qu’il se passe :
- Gisèle a répondu au téléphone il y a 5 minutes environ. Et vous savez qui appelait ?
- Ben non.
- Le cabinet du ministre.
- De Roselyne Bachelot ?, s’exclame Christèle avant de se rendre compte de l’absurdité de sa question.
- De Véran. Nous ne sommes pas intermittents du spectacle à ce que je sache.
- Chut, gronde Nicole Bertin.
Gisèle se relève brutalement. Aussitôt, la porte s’ouvre et les co-titulaires s’avancent vers le groupe :
- Bon. Inutile de garder le secret plus longtemps. Je vous annonce que nous aurons samedi, la visite de Monsieur le ministre, Olivier Véran. Il sera présent dans le cadre du lancement de la campagne vaccinale anti-Covid en pharmacie, déclare Karine, visiblement ravie de cette nouvelle.
- Mais, nous devions commencer les injections vendredi en fin d’après-midi, tente Julien.
- Eh bien nous changerons la programmation. De toute façon, les patients ne sont pas encore au courant. La préfecture va prendre en charge toute l’organisation. Pas un mot aux clients ; il peut y avoir du changement à la dernière minute, ajoute J-C.
- Le ministre, ici, en chair et en os…
- Eh oui ma petite Lou. Pour nous aussi c’est difficile à croire, mais après tout, pourquoi ne viendrait-il pas ici ? Il n’y a pas que les pharmacies parisiennes qui ont droit à la visite d’un ministre.
- J’imagine qu’il y aura la presse et toutes les huiles, ronchonne Nicole.
- Le maire devrait être présent, oui, ainsi que le préfet. Et Karine Wolf-Thal sera invitée, indique la titulaire.
- Bon allez, au boulot. Ce n’est pas parce que le ministre va venir nous voir qu’il faut laisser les patients poireauter dehors. Il est 9 heures et 2 minutes, nous sommes en retard.
- Tu te rends compte, le ministre ! Nous allons voir le ministre. En plus je le trouve beau…
- Lou, tu n’es qu’apprentie, et en plus tu trouves tous les hommes beaux, la taquine Christèle.
- Non ! Pas Jean-Paul. Mais Olivier, il est classe quand même.
La porte automatique s’ouvre et laisse entrer les premiers patients de la journée.
(À suivre…)