Jusqu’à présent, le Sativex est la seule spécialité à base de cannabis pouvant être prescrite sans autorisation exceptionnelle de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), mais uniquement pour le traitement de la spasticité liée à la sclérose en plaques. Tous les autres produits à base de cannabis ne peuvent être prescrits qu’avec cette autorisation exceptionnelle, et font alors l’objet d’une préparation officinale. Dès janvier, la prescription de cannabis à des fins thérapeutiques ne nécessitera plus d’autorisation de l’OFSP, ce qui accélérera et simplifiera les procédures, car les produits à base de cannabis entreront dans le cadre général des médicaments. Médecins et pharmaciens s’attendent à une forte augmentation des prescriptions, et la nouvelle loi profitera aussi aux producteurs, désormais autorisés à exporter leurs produits. En revanche le cannabis reste considéré comme un « stupéfiant » dont la vente libre est interdite.
Toutefois, la loi ouvre timidement la porte au cannabis récréatif, qui pourra être acheté sans ordonnance dans les pharmacies, ainsi que dans certaines structures d’addictologie. Les fumeurs qui voient chez leur pharmacien de quartier leur nouveau dealer seront néanmoins vite déçus : ces ventes auront lieu sous forme d’« essais pilotes », et seront réservées à des acheteurs majeurs, consommateurs réguliers et acceptant de répondre régulièrement à des enquêtes sur leur santé et leur consommation. Chaque « essai pilote » réunira un maximum de 5 000 participants et ne pourra débuter qu’après l’accord de l’OFSP. Ils se dérouleront pendant 10 ans, puis seront évalués pour servir de base à une éventuelle libéralisation totale du cannabis.
10 grammes de THC par mois
Selon l’OFSP, le cannabis est la substance illégale la plus consommée en Suisse : 4 % des habitants en ont fumé au moins une fois au cours du mois écoulé, et 1,1 % en font un usage « problématique ». Les participants aux essais pourront acheter, chaque mois, un volume de cannabis contenant au maximum 10 grammes de THC. Les produits seront traçables et de qualité pharmaceutique, et leur prix sera fixé par rapport aux tarifs « sous le manteau » du canton où ils seront vendus : pas question en effet d’être moins cher que les dealers, ni plus cher sous peine de ne voir personne. Enfin, toute publicité sera strictement interdite.
Bâle, Berne et Zurich mettent actuellement au point leurs essais pilotes. Pharmacien retraité à Zurich, Albert Ganz fut longtemps président des pharmaciens de ce canton, et gère désormais avec enthousiasme le futur essai « Zuri Can ». « Nous sommes déjà très avancés, mais nous devons encore signer les contrats avec les pharmacies participantes et préciser certaines modalités de délivrance », explique-t-il. Chaque essai fonctionnera selon ses propres règles, mais M. Ganz estime préférable que les ventes aient lieu dans une zone distincte des autres comptoirs de délivrance. Les essais ayant un objectif de santé publique, les patients qui s’y inscriront s’engageront à répondre aux questions pendant toute leur durée, d’un maximum de 5 ans. « Nous ne savons pas encore vraiment si ce système fonctionnera », admet le pharmacien. Premières réponses à Zurich, à partir du second semestre, et sans doute un peu plus tard ailleurs.