« Le Monde » daté de jeudi dernier publie sur le sujet un article très intéressant qui fait le point sur les chiffres : si le nombre des actes de délinquance et des homicides a augmenté en juilllet, la moyenne de ces actes sur l'année est relativement stable. Peut-être le déconfinement a-t-il joué, par son ingrédient libérateur, dans le sens négatif d'une hausse. Mais la pandémie, les mois précédant le déconfinement, a réduit sensiblement la déliquance au niveau national. De sorte que, comparées à celles de 2019, les statistiques de juillet (et probablement celles d'août) ne montreront qu'une hausse d'importance relative. Ce qui n'a pas empêché la polémique d'enfler au-delà du raisonnable pour diverses motivations dont la première est d'ajouter une casserole au char de l'État. Plus de criminalité, c'est pour certains, un excellent prétexte pour s'indigner de voir les citoyens honnêtes abandonnés à des agressions, des policiers victimes des excès de vitesse et des chauffards sans permis, et la drogue redevenir un puissant trafic.
Les réactions sont parfois comiques si le sujet n'était prioritaire. Le RN se félicite de l'adoption du mot « ensauvagement » par le ministre de l'Intérieur. Il y voit une preuve de fascisation du pouvoir, une aubaine pour les partisans de Marine Le Pen, qui se découvre des affinités avec le gouvernement. Mais M. Darmanin n'a rien inventé : Nicolas Sarkozy voulait débarrasser les quartiers sensibles de la « racaille » qu'il souhaitait nettoyer au kärcher et, bien avant lui, Jean-Pierre Chevènement avait dénoncé les « sauvageons » qui empoisonnaient la vie du bon peuple. Je ne vois donc pas pourquoi le mot a obtenu ces jours-ci un tel succès, d'autant qu'il vient aisément à l'esprit, lorsque l'on songe au climat protestaire, accompagné de casse, qui règne dans notre pays. Miroir de la société : l'exemple est donné à tous, y compris aux plus calmes et aux plus honnêtes, que, décidément, ici on peut faire ce que l'on veut sans en payer le prix judiciaire.
Je ne cherche pas à inventer un tableau idyllique de la France de 2020. Je voudrais seulement que les préparatifs de la lointaine campagne présidentielle ne commencent pas trop tôt, ce qui permettrait au gouvernement Castex d'assurer la relance de l'économie et, si la chance est de notre côté, de juguler la pandémie. Mais non, c'est trop demander aux partis d'opposition qui offrent le spectacle de divisions si profondes entre eux et au sein d'eux-mêmes qu'il leur faut trouver sans cesse une autre poire pour la soif. Dans ce recours sournois à l'insécurité (qui, bien sûr, n'a pas disparu et ne disparaîtra pas davantage si M. Macron quitte l'Élysée), il faut surtout déceler une autre arme des faibles. L'opposition est si peu convaincue de son aptitude à reconquérir le pouvoir qu'elle ouvre tous les jours un nouveau procès à l'exécutif. Comme si le président de la République n'était qu'un vulgaire Trump, comme si chacun de ses mots et de ses actes était en soi un scandale, comme si, enfin, il fallait lui trouver chaque jour une nouvelle tare.
Ni un clown ni un saltimbanque.
Mais Emmanuel Macron n'est ni un clown ni un saltimbanque et son élection n'a été ni le scandale de 2016 aux États-Unis, ni une aberration populaire. Quand on entend les commentaires de ceux qui aspirent à être élus, on constate que leur ton se durcit, mais que, loin d'apporter d'étincelantes propositions, ils se conduisent comme des inquisiteurs chargés de condamner un homme dont il faut se débarrasser, « quoi qu'il en coûte », expression qui a fait florès et reste imprimée dans tous les esprits y compris celui de l'auteur de ces lignes.
Le résultat de ce débat, c'est qu'il est trop violent pour être honnête et que les opposants, n'ayant que des remarques destructrices à faire, n'ont peut-être que l'argument d'un pouvoir insupportable pour avancer leurs pions. Las, voilà que quelques-uns d'entre eux, par exemple Christian Estrosi, maire de Nice, sont soudainement saisis par la grâce et disent, avec l'innocence de l'enfance, une cruelle vérité. Il propose que LR s'allie à la majorité et offre un nouveau mandat à Macron. Les Anglais disent : « If you can't beat them, join them ». Si vous ne pouvez pas les battre, rejoignez-les. M. Estrosi a fait ses humanités.