Et si la solution était numérique ? Alors que les pharmaciens doivent aujourd'hui mener de front vaccination, tests antigéniques, dispensation au comptoir, tâches administratives et gestion de l'officine, divers outils digitaux peuvent les soulager de gestes répétitifs et chronophages. Parmi eux, les bornes de paiement, les applications de réservation de produits, les lockers (consignes), la prise de rendez-vous dématérialisée, la livraison à domicile…
Certaines de ces solutions, comme les caisses en libre-service ou les terminaux de paiement mobiles, n'en sont qu'à leur balbutiement dans le réseau officinal. Mais elles pourraient se généraliser au monde de la pharmacie dans un proche avenir. C'est en tout cas la conclusion d'un travail prospectif de l'European Pharmacy Framework 2025, réalisé sur la base d'une étude (1) menée à l'initiative du fabricant de robots BD Rowa. Ce projet commun à cinq pays européens a pour objectif d'imaginer la pharmacie de demain (voir encadré). Ce think tank réunit en France onze acteurs de la santé, de l'industrie, des services et de l'université (2), « chacun d'eux étant avant-gardiste dans son secteur et dans sa réflexion stratégique », précise François Legaud Van de Vyver, directeur commercial Europe de l'Ouest de BD Rowa.
Un livre blanc de la pharmacie de 2025
Neuf axes de développement ont ainsi été dessinés : automatisation, management de produits, soins à domicile, services de santé, activation numérique, optimisation financière, expérience clients, centre de santé communautaire et valorisation de la marque. Ces neuf voies de réflexion seront nourries tout au long du premier semestre 2022 à travers une plateforme collaborative, par des vidéos, des Webinaires, des débats et différents articles. Les contributions des patients et des pharmaciens déboucheront sur la rédaction d'un livre blanc de la pharmacie de 2025.
Inutile cependant d'attendre cette échéance. La pharmacie de demain est déjà en ordre de marche, si l'on en croit les différents partenaires du projet. Comme le souligne Camille Freisz, fondatrice de Valwin, spécialiste du numérique en pharmacie coopèrant avec 21 groupements et 700 pharmacies, des solutions déjà opérationnelles permettent aux pharmaciens de se recentrer sur leur cœur de métier. Ainsi, occupé au comptoir ou dans l'espace de confidentialité, l'officinal n'est pas toujours disponible pour dispenser à son patient le conseil associé qu'il souhaiterait. Qu'à cela ne tienne, la numérisation du front office permet aujourd'hui de rediriger le client vers le site de la pharmacie. De même, Valwin offre la possibilité au pharmacien d'être connecté directement sur la base SI-DEP. Un gain de temps appréciable en cas d'afflux de tests antigéniques.
Ce qui peut sembler futuriste, voire décalé dans le monde de la santé, comme la caisse en libre-service, est déjà réalité. « Nous avons équipé La Grande pharmacie Bailly à Paris il y a trois mois et l'expérience client est très positive », se réjouit Bilal Bilali, responsable du marché France et Benelux pour l'offre libre-service de Diebold Nixdorf. De même, le terminal de paiement mobile proposé par l'application Pharmaland est également une alternative qui désengorge les comptoirs et libère des équipes officinales surchargées.
Une meilleure gestion du temps
« La tendance est à la simplification de l'écosystème afin que le pharmacien puisse se concentrer sur la prise en charge du patient, là où il apporte une réelle valeur ajoutée », note François Legaud Van de Vyver. Rien d'étonnant que les solutions les plus abouties concernent en priorité le retail, un domaine où il est possible de transposer facilement les technologies appliquées dans d'autres secteurs d'activité. La file d'attente peut ainsi être gérée à l'officine, comme chez Apple ou Decathlon, affirme William Le Bellego, président de Pharmaland. L'éditeur de logiciels métier a développé diverses solutions donnant aux pharmaciens plus de liberté et plus de rapidité dans la délivrance, notamment par le biais de lockers dont il a déjà équipé quatre officines. Ces consignes sécurisées peuvent être utilisées dans la gestion des manquants, pour le click & collect ou encore pour les délivrances aux cabinets d’infirmières, par exemple.
La livraison à domicile qui s'est accélérée lors de la crise sanitaire est, de son côté, une compétence développée par plusieurs acteurs dont Minute Pharma, filiale de La Poste depuis 2020. Elle sera intégrée au pôle santé de La Poste, auquel sera également associée La Banque postale et qui verra le jour en 2022, avec un référencement dans l'espace numérique en santé. Cependant, ces opportunités numériques supposent du pharmacien d'officine qu'il accepte une interconnexion plus poussée avec d'autres acteurs. Cette ouverture comporte cependant des limites, notamment celles de la gestion et de la protection des données patients.
D'après une conférence d'European Pharmacy Framework 2025
(1) Tendances de la pharmacie à l'horizon 2025 en Europe Projet IQVIA pour BD Rowa, sur 1 000 consommateurs finaux et 101 pharmaciens d'Allemagne, d'Espagne, de France, d'Italie et du Royaume-Uni.
(2) Arpilabe, BD Rowa, Diebold Nixdorf, Les Pharmaciens associés, Minute Pharma, Ma Pharmacie référence, Pharmaland, Tessan, Université d'Angers, Valwin, Visplay.