À peine ouverts, plusieurs centres de vaccination contre le Covid-19 ont dû fermer précipitamment, faute de doses. Confrontée à un manque de vaccins, la France est à la peine. Tout comme ses voisins européens.
Stéphane Bancel, le patron français de l'Américain Moderna, n'est pas surpris. Pour lui, l'Europe a trop misé sur les laboratoires européens, qui auraient été favorisés lors des commandes de vaccins par l'Union européenne. Il prend pour exemple sa propre expérience avec son laboratoire qui fabrique un vaccin à ARN messager. « Le contrat avec Moderna n'a été bouclé par l'U.E. que fin novembre, alors que les États-Unis et le Canada ont passé une première commande dès la fin du printemps », dit-il dans une interview à « l'Express ».
Pour cet ancien de BioMérieux, qui dirige depuis Boston son jeune laboratoire, l'anticipation est cruciale. Et il estime que l'Europe en manque cruellement face à la pandémie. « L'équation industrielle ne colle pas avec la lenteur de l'administration européenne, dit-il. Chaque semaine perdue en amont sera une semaine qui manquera dans notre capacité à livrer davantage de vaccins. » Il explique qu'il faut au minimum entre trois et six mois pour sécuriser les matières premières, payer les fournisseurs, embaucher du personnel et le former. Résultat, les tergiversations européennes font que Moderna ne livrera que 80 millions de doses au premier trimestre de cette année, puis une seconde livraison de 80 millions de doses au deuxième et troisième trimestres, soit un total de 160 millions de doses pour l'ensemble des 27 États membres de l'U.E. « Si nous avions eu une commande de 300 millions de doses de l'Europe bien plus tôt, nous nous serions organisés pour cela. »
Commander dès maintenant pour l'hiver prochain
Créée il y a dix ans, son entreprise a investi près de 3 milliards de dollars sans vendre un seul produit. Un pari immense, qui nécessitait, au moment de produire les vaccins issus de sa recherche, un coup de pouce de la part des États. « Les États-Unis nous ont aidés très tôt, et j'aurais souhaité que l'Europe en fasse autant », regrette-t-il.
Déjà dans le coup d'après, Stéphane Bancel pense dès aujourd'hui aux vaccins qui seront sans doute encore nécessaires pour l'hiver prochain. « Si l'Europe voulait davantage de vaccins pour la fin d'année 2021, il faudrait les commander dès maintenant », prévient-il.