Une décennie d'attente
La notion de pharmacien correspondant a été évoquée pour la première fois dans la loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires) promulguée en 2009. Mise en suspens, presque oubliée pendant plus de dix ans, elle a refait surface dans l’article 28 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la modernisation du système de santé. L’avenant 19 à la convention nationale pharmaceutique et le décret du 28 mai 2021 ont permis de concrétiser cette notion désormais inscrite au code de la santé publique (article L.5125-1-1A, 7°).
Une pierre de plus à l’édifice interprofessionnel
Au cours des dix dernières années, un nouveau modèle sanitaire a été édifié, basé sur l’exercice coordonné entre professionnels de santé. Le code de la santé publique (CSP) s’est étoffé de nombreux textes visant à encadrer le transfert des compétences, et validant la naissance de structures de support à l'interprofessionnalité, dont les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) ou les MSP (maisons de santé pluriprofessionnelles). Dans ce nouveau paysage sanitaire français, le pharmacien correspondant est un outil supplémentaire pour fluidifier le parcours de soins et répondre à la désertification médicale ou aux tensions relatives au temps médical, sans compromettre la prise en charge qualitative du patient.
Au choix du patient.
Le pharmacien correspondant est un pharmacien d’officine (ou gérant d'une pharmacie mutualiste ou de secours minière), titulaire ou adjoint, désigné par un patient. Ce dernier doit faire part de son choix auprès de l’assurance-maladie via un formulaire de déclaration ; ce formulaire n’est toujours pas disponible en ligne sur le site Ameli. S'il accepte de devenir pharmacien correspondant, le pharmacien désigné doit en informer le médecin traitant du patient. Il peut être pharmacien correspondant pour plusieurs patients. Aucune formation particulière n’est exigée pour être pharmacien correspondant.
Une mission conditionnée à l'exercice coordonné.
Selon la réglementation en vigueur, l’intervention au sein d’une structure d’exercice coordonné de type équipe de soin primaire, CPTS, centre de santé ou MSP est une condition indispensable pour être pharmacien correspondant, en plus du fait d’exercer à l’officine. En outre, cette structure doit être la même que celle dans laquelle intervient le médecin du patient concerné. Ces conditions, qui excluent les pharmaciens d'officine non rattachés à une structure d'exercice coordonné, sont dénoncées par les syndicats représentant la profession.
Une intervention sur la prescription.
Le pharmacien correspondant est autorisé à « renouveler périodiquement un traitement chronique et ajuster, si besoin, la posologie ». Cette intervention est effectuée dans le respect d’un protocole établi préalablement entre le médecin prescripteur et le pharmacien. Le protocole anticipe les modalités de l'intervention (augmentation de la posologie ou, au contraire, réduction) en fonction de l’évolution de la pathologie. L’intervention du pharmacien correspondant doit se faire dans un « local avec une isolation phonique et visuelle permettant un accueil individualisé des patients ».
Le rôle du médecin.
Le médecin ne peut pas s'opposer à la désignation d'un pharmacien correspondant par le patient. En revanche, il définit le périmètre de ce dispositif (renouvellement avec ou sans ajustement de la posologie) par une mention sur l'ordonnance. En pratique, le médecin confie au pharmacien correspondant le suivi d’un patient qu’ils ont en commun, pour tout ou partie d’un traitement chronique. À chaque intervention, le pharmacien correspondant doit indiquer sur l'ordonnance les renouvellements réalisés, et l’adaptation posologique mise en œuvre. Ces éléments doivent être intégrés dans le dossier pharmaceutique et le dossier médical partagé, si le patient dispose de ces outils. Le pharmacien correspondant peut renouveler pendant douze mois maximum une prescription, dans le respect des règles de délivrance prévues par le CSP. L’assurance-maladie prend en charge les médicaments renouvelés.
Quels médicaments sont inclus dans le dispositif ?
Tous les médicaments prescrits dans le cadre d’un traitement chronique sont éligibles au renouvellement par le pharmacien correspondant. Cependant, le prescripteur peut limiter le renouvellement à certaines lignes de traitement. Le code de la santé publique prévoit par ailleurs la possibilité d'exclure certains traitements sur décision ministérielle. À ce jour, aucun arrêté n’a été pris dans ce sens.
Des notions à distinguer.
Le pharmacien correspondant intervient dans le cadre d’un suivi de patient chronique. Il n’a pas compétence à prescrire un médicament dans le cadre de soins non programmés. En effet, la délivrance d’un médicament de prescription médicale obligatoire sans ordonnance est uniquement possible dans le cadre de la dispensation protocolisée, pour des pathologies précises. Autre mission à distinguer du pharmacien correspondant, le pharmacien référent ; ce dernier intervient au sein d’un EHPAD où il participe à l’organisation du circuit du médicament dans l’établissement. Mais rien n’empêche un pharmacien référent d’être correspondant pour un patient résident de l’EHPAD.