La loi de santé 2019 ouvre la voie
Dans la réglementation française sur les produits de santé, les médicaments inscrits sur la liste I et II des substances vénéneuses sont soumis à une prescription médicale obligatoire (médecins, dentistes, sages-femmes). La loi de santé du 24 juillet 2019 (loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé) introduit une dérogation à cette règle (article 30), en autorisant le pharmacien à délivrer certains de ces médicaments sans ordonnance médicale. L'article 32 de cette même loi prévoit la possibilité, pour le pharmacien, de prescrire des vaccins. Pour le législateur, l'objectif est de faciliter l'accès au médicament dans des situations définies de premier recours, tout en garantissant la sécurité du patient.
Le pharmacien, prescripteur de vaccin anti-Covid
L’urgence sanitaire et la nécessité de multiplier les canaux de vaccination pour lutter rapidement et efficacement contre la pandémie de Covid ont imposé une mobilisation des professionnels de santé. Déjà autorisés à vacciner contre la grippe saisonnière, les pharmaciens ont logiquement intégré le cercle des vaccinateurs contre l'infection à SARS-CoV-2, mais également le cercle plus restreint des prescripteurs des vaccins autorisés en France, à ARNm ou adénoviraux. Le décret du 4 mars 2021 définit le cadre de cette prescription ; il en exclut les femmes enceintes, les personnes ayant un trouble de l’hémostase et les personnes ayant des antécédents de réaction anaphylactique à un composant des vaccins ou ayant présenté une réaction anaphylactique lors de la première injection. La prescription de ces vaccins est réalisée via le système d'information Vaccin Covid.
La dispensation sous protocole et ses prescriptions associées
Conformément à l’article L5125-1-1A du code de la santé publique (CSP), le pharmacien est autorisé à délivrer sans ordonnance des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire dans des situations cliniques définies (odynophagie, pollakiurie et brûlures mictionnelles), conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) relatives à la dispensation protocolisée, publiées au « Journal officiel » du 8 mars 2020. L'article du CSP conditionne également cette dispensation à un protocole établi au sein d’un dispositif d’exercice coordonné, tels que les équipes de soins primaires (ESP), les maisons et centres de santé et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Cette formule « CPTS dépendante » a été dénoncée par les syndicats patronaux représentant la profession, ces derniers souhaitant un assouplissement de ces conditions.
Modalités de prescription associée à la dispensation sous protocole
Pour guider la prise en charge par le pharmacien d'une pollakiurie et des brûlures mictionnelles, sans fièvre, chez les femmes de 16 à 65 ans, ainsi que d'une douleur pharyngée et œsophagienne (odynophagie) chez des sujets de 6 à 45 ans, les recommandations de la HAS définissent une prescription type (prescription guidée) comportant le médicament à prescrire et la posologie associée. L’arrêté du 5 mai 2021 définit la liste de ces médicaments ; deux antibiotiques, la fosfomycine trométamol (3 g en prise unique) et le pivmécillinam (en cas d'allergie à la fosfomycine) per os peuvent être prescrits/délivrés par le pharmacien pour soulager les troubles urinaires. De même, le soulagement de l'odynophagie repose sur six options antibiotiques per os (amoxicilline en première intention, ou céfuroxime-axétil, cefpodoxime-proxétil, azithromycine, clarithromycine, josamycine). L'utilisation d'un antibiotique en présence d'une douleur pharyngée est conditionnée par le résultat d'un TROD angine (test rapide d'orientation diagnostique). Dans le cadre de l'odynophagie, les recommandations de la HAS prévoient également la possibilité de prescrire un arrêt de travail de 1 jour.
Le pharmacien prescripteur d’entretiens d'accompagnement
Mis en place au fil des avenants à la Convention nationale pharmaceutique de 2012, les entretiens d’accompagnement s'inscrivent désormais dans le parcours de soins du patient. Quatre entretiens peuvent ainsi être proposés/prescrits par le pharmacien : accompagnement du patient asthmatique, accompagnement du patient sous anticoagulants oraux, bilan partagé de médication, accompagnement du patient sous anticancéreux oraux. Dans la même logique, le pharmacien peut être considéré comme un prescripteur d'actes de dépistage et de prévention. C'est déjà le cas avec la possibilité donnée au pharmacien de proposer spontanément un TROD angine (test oropharyngé de dépistage des angines à streptocoque), conformément à l'arrêté du 29 juin 2021. La prescription de ce test permet d'orienter la prise en charge.
Le conseil formalisé par la prescription officinale
En parallèle des accords conventionnels permettant d’accéder plus rapidement à un traitement habituellement disponible sur ordonnance médicale tout en maintenant une prise en charge par l'assurance-maladie, la prescription officinale apparaît également comme un outil de formalisation du conseil ; l'ordonnance nominative qui en résulte mentionne les modalités de traitement (nom du produit conseillé, posologie, durée du traitement). Outre le fait de renforcer la visibilité du conseil officinal, cette démarche permet de tracer l'intervention pharmaceutique.